Un grand patriote conséquent

Mohamed Khalil

Mohamed Mustapha M’Rabbih Rabbou Maâ El Ainine  vient de nous quitter à l’âge de 70, suite à une longue maladie.  Il est décédé samedi à 5 heures du matin à Rabat, où il a été enterré au cimetière de Hay Ryad. Avec sa disparition, c’est une mémoire patriotique vivante et un monument de grande gentillesse et modestie qui s’en va. C’est le prototype du patriote et révolutionnaire qui n’a pas cherché à être doré sur tranche.

Né en 1950 dans la localité de TAGBA, près d’Imlili dans la région de Dakhla, il avait suivi ses études, à Casablanca où il était interne à Dar Touzani, comme de nombreux futurs cadres politiques et administratifs sahraouis, puis aux Ecoles Mohammed V de Rabat et au lycée Les Orangers.

Il fera, ensuite un séjour en Espagne où, apparemment, il aurait suivi, pendant un certain nombre d’années des études universitaires, sachant qu’il était un homme de grande lecture, comme le sont tout particulièrement les héritiers du Cheikh Maa Al Ainine.

Et puis, retour au Maroc natal et à Dakhla où, sous l’occupation coloniale, M’Rabbih Rabbou Maâ El Ainine est engagé comme enseignant.

Kidnappé par les sbires d’Alger…

Il aurait pu faire partie de la bande des fondateurs du «polisario», mais son patriotisme l’a poussé à combattre, très jeune, ses adversaires politiques composés essentiellement de dirigeants séparatistes, avant la Marche Verte. En Vain. Il avait, comme de nombreux patriotes conséquents, priorisé et mis au dessus de toute autre action la libération de nos territoires du joug colonial de Franco et leur rétrocession à la mère patrie.

Et n’ayant pas obtenu son consentement, les sbires à la solde du régime algérien l’ont kidnappé, après lui avoir administré un somnifère puissant dans son verre de thé, vers 1975, comme ils l’avaient fait avec de nombreux cadres sahraouis à l’époque.

Cela rappelle l’histoire de notre camarade Gajmoula Bent Abbi, kidnappée avec son père à l’âge de 14 ans et qui deviendra une dirigeante de renommée, surtout en Espagne, avant de regagner la mère patrie.

Lui, il se retrouva, à son réveil, dans les camps de Tindouf, pour passer deux mois dans les geôles du «polisario».

Entretemps, ses bourreaux  avaient tenté de le soudoyer et essayé de le convaincre par de multiples moyens pour lui faire avaler leur projet politique. Il fera preuve d’un refus systématique et sans appel.

Jamais soudoyé par les hauts postes

Malgré cela, il continua à lutter, à sa manière, tout en planifiant l’avenir et la fuite de la situation infernale des camps de la honte.

Et malgré le manque de confiance qu’il suscitait auprès de la direction des séparatistes, il va accepter, avec des intentions inavouées à l’époque, le poste de directeur de la radio du «polisario», sur insistance du chef séparatiste Mohamed Abdellaziz, resté l’homme fort, quatre décennies durant, de la créature d’Alger. Ce dernier louait la famille des Maa El Aïnyne et tentait de sensibiliser, sentimentalement le défunt.

Ainsi, il «assurera» la tâche de directeur de l’information à la radio, sans excès de zèle, et insista pour avoir un poste à Alger.

La direction des séparatistes a fini par ignorer ses convictions et idées, sachant la valeur de ses qualités et la renommée de l’homme. Ainsi, il occupera, de 1986 à 1989,  le poste de directeur de l’information aux affaires extérieures à «l’ambassade» à Alger de la pseudo «RASD». Et les rêves latents, malgré la présence de sa petite famille et sa prise en otage, le feront choisir de s’échapper de la tutelle algérienne. Il ne sera pas «traître à son pays».

Et, Grâce à la complicité d’un ami français, Mrabbih va, finalement réaliser son rêve. Il s’évadera par la mer, d’Alger, en 1989.

Un «rallié» de taille

Il sera accueilli à Larache par les autorités marocaines qui garderont le secret de son retour à la patrie, pendant près de deux mois.

C’est ainsi que le défunt fut l’un des tout premiers sahraouis qui sont revenus au pays, avant le fameux appel de feu Sa Majesté Hassan II « La patrie est clémente et miséricordieuse ». Selon certaines sources, c’est son geste qui aurait inspiré le regretté Roi.

Il sera considéré, à raison, comme l’un des plus importants «ralliés» de l’époque,  étant une mine d’intelligence, de «bases de données» et de savoir sur les desseins inavoués d’Alger.

C’est alors qu’une nouvelle vie commença pour lui, dans l’attente d’obtenir la libération de sa petite famille, grâce à la solidarité internationale. Elle fera le déplacement des camps jusqu’à l’Est de la Mauritanie d’où elle regagnera sa famille au Maroc.

Un conseiller incontournable

Ainsi sa vie professionnelle commença au ministère de l’information, dès 1990 quand il était directeur du département de l’Information, quand feu Driss Basri accumulait l’Intérieur et l’Information dans le même poste ministériel.

Et, lors de la séparation des deux départements, M’Rabbih Rabbou Maâ El Ainine  avait choisi, contrairement à beaucoup d’autres, de rester dans son domaine de prédilection avec l’arrivée au ministère de Mdaghri Alaoui.

Il aura ainsi côtoyé de nombreux célèbres ministres qui se sont succédé à la Communication, tout particulièrement depuis l’ère de l’alternance (Khalid Alioua, feu Mohamed Larbi Messari, Mohamed Nabil Benabdallah, Khalid Naciri, Mustapha Khalfi). Il est resté, depuis, conseiller du ministère, notamment pour la question du Sahara marocain dont il était un grand expert et un fervent défenseur. Malgré l’arrivée à l’âge de la retraite, en 2010, il a volontairement accepté de demeurer fidèle au poste.

Il faut dire que le défunt était considéré comme un trésor national en matière de connaissance de nos provinces du sud. Etant dans la lecture, il a accumulé énormément de sagesse et de savoir faire pour traiter les dossiers les plus sensibles ; Il était la personne tout indiquée pour prendre un avis, une décision. Il était parfaitement bien au faite des pratiques honteuses des geôliers de Tindouf et des dirigeants algériens, des détournements de l’aide humanitaire internationale, des réels bénéficiaires parmi les camps de Tindouf grandement habités par des non Sahraouis (Touaregs du Mali, du Niger, des Rguibates de l’Est d’Algérie, de Tchadiens..).

Il connaissait parfaitement comment Alger soudoyait près de 300 associations espagnoles dites de la société civile (sic), des chantages exercés sur quelques pays africains pour ne pas reconnaître la marocanité du Sahara…

C’est ce qui lui a fait construire un fort réseau d’intellectuels espagnols qui lui rendaient, régulièrement, visite pour leur découvrir le Sahara marocain et ses secrets.

C’est pourquoi il a traduit de nombreux livres sur le patrimoine culturel sahraoui, auxquels il avait fourni une bonne matière première, grâce à la Fondation qu’il a créée à la mémoire de feus son père communément appelé Dr Ahmed Hiba et de ses ancêtres notamment Ahmed Hiba, parti, en 1912, du Sahara marocain pour repousser les troupes du colonel français, Mangin, jusqu’à Sidi Bouatmane, près de Marrakech…

C’est ce patriotisme conséquent et cette modestie sans faille, héritée de père en fils, qui fera du défunt un patriote à toute épreuve, complètement dévoué à son pays.

A ses enfants et sa petite famille, à tous les Maa Al Aïnayne, à ses amis et proches, toutes nos condoléances et notre compassion.

Qu’il repose en paix !

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