Déconfinement progressif: Gare aux dérapages

Par Abdelhak Najib

C’est donc le début de la fin. C’est donc l’amorce d’un retour à «la normale». La vie va enfin reprendre, après plusieurs mois d’attente, de confinement et de peur. Les commerces reprennent leurs affaires. Les mosquées, les cafés, les restaurants, les magasins, les transports…, avec plus de liberté de circuler.

Enfin, les gens vont pouvoir respirer derrière leurs bavettes. En presque quatre mois de lutte, de combat et de vigilance de tous les instants, nous en sommes aujourd’hui à annoncer que l’épisode coronavirus pourra faire bientôt, partie du passé. Un passé lourd, certes, mais nous avons des raisons solides d’être satisfaits de ce que le Maroc et les Marocains ont réalisé durant toute cette terrible période. Presque un sans faute qui fait pâlir les plus grandes puissances, submergées par le virus et ses conséquences fatales.

On ne le dira pas assez, le Maroc a pu faire face à la pandémie avec un réalisme et une efficacité qui forcent l’admiration. Le corps médical a fait preuve d’une grande maîtrise. Les autorités ont démontré leur savoir-faire. Les décisions prises ont frôlé l’excellence, malgré quelques couacs et certaines sorties de pistes, certes éparses, et sans incidence. Tant mieux. En quatre mois, le Marocain que l’on disait indiscipliné, a mis du sien et s’est montré responsable. Pas tout le temps, pas tout le monde, pas partout, mais dans sa globalité, la population marocaine a, tout de même, pris la mesure du danger et a réagi en conséquence.

Évidemment, les brebis galeuses, les réfractaires, les irresponsables, ceux qui ont cru à un jeu de télé-réalité, ont aussi revendiqué leur droit à la bêtise nocive, mais, en gros, le virus a été cerné de toutes parts.  Il y a eu des arrestations. Les services de l’ordre ont adopté à juste titre une politique de zéro tolérance. Et les résultats sont là. Le bilan est fait. Tout est sous contrôle.

Jusque-là tout va bien

Mais maintenant, c’est une autre étape qui se décide. On sort progressivement du confinement. Ce qui implique encore davantage de précautions. Car l’erreur à ne pas faire est de croire que c’est fini. Que c’est un épisode bouclé. Et qu’une page est tournée. Loin de là. Rien n’est fini. Pour les autorités et les spécialistes, c’est là que le plus dur commence. Déconfiner, c’est un grand pas vers une reprise à tous les niveaux. Mais cette reprise doit être prise avec beaucoup de vigilance.

C’est à partir d’aujourd’hui que tous les Marocains sont appelés à faire preuve d’une véritable discipline doublée d’une grande rigueur et d’une exigence sans faille vis-à-vis de soi, d’abord et à l’égard des autres. Les gens se posent des questions très légitimes : ouvrir les cafés, n’est-ce pas là un énorme risque connaissant le Marocain qui adore y passer toute la sainte journée, entouré de toute une clique?  Les uns et les autres vont-ils tous porter leurs masques ? Vont-ils respecter au moins les 2 mètres voire plus de distance les uns des autres ? Et les restaurants, vont-ils se contenter de faire des livraisons? D’ailleurs, il y’en avaient qui assuraient ce type de service durant presque toute la période du confinement.

Et dans les mosquées, comment les priants vont-ils faire, prier à dix, à vingt, à cent ? Et les transports? On pense aux taxis blancs, à titre d’exemple : c’est juste un passager à l’arrière ou ce sont les six comme à l’accoutumée ? Et dans les superettes, les grandes surfaces, les hammams, les souks, les marchés, les Fast Food, les stations-services, les kissariates, les salles de sports, dans les petits commerces, chez les menuisiers, les tapissiers, les cordonniers, les snacks et d’autres lieux où les populations peuvent s’agglutiner, être les uns sur les autres, littéralement, comment va-t-on faire? Comment les choses vont-elles se faire, concrètement? Nous avons tous été témoins de scènes plus ou moins surréalistes, en plein pic de la pandémie où certains quartiers, certaines ruelles, certains souks affichaient complet, comme si de rien n’était.

Avec le couvre-feu, avec toutes les bonnes mesures prises, il y a eu des spectacles pour le moins étranges. Maintenant que les uns et les autres pensent que c’est fini, qu’un retour aux vieilles habitudes est permis, cela risque de déraper, dans tous les sens. C’est l’été, ne l’oublions pas. Comment seront les plages et les piscines et autres clubs privés ? Sans vouloir être alarmiste, on jette juste un regard dans la rue aujourd’hui et on constate un certain relâchement, une certaine nonchalance, une forme de fatalisme qui voudrait qu’après quatre mois de rigueur et de discipline, on se dit : le pire est derrière nous.

C’est plutôt le contraire : le pire peut être devant nous. On risque de ruiner tous ces mois d’excellent boulot. On risque de se faire contaminer et de contaminer les autres en pensant que c’est fini. Non, ce n’est pas fini. Ce n’est fini nulle part au monde. Le virus est toujours là. Il y a toujours des cas enregistrés. Chacun de nous reste exposé. Même confiné à cent pour cent, avec des restrictions draconiennes, les risques étaient majeurs. Imaginez que l’on pense que c’est maîtrisé et que l’on peut sortir comme on veut, aller se regrouper, aller visiter les familles en groupes, aller se baigner par milliers, aller prier à faire éclater les lieux de culte, c’est aller droit dans le mur. C’est aujourd’hui qu’il faut redoubler de précautions, à tous les niveaux. C’est aujourd’hui qu’il faut faire montre de grand sens de la responsabilité.

C’est aujourd’hui que nous sommes sommés de respecter toutes les règles d’hygiène, de comportement en société et surtout les directives des autorités gouvernementales et sanitaires. C’est aujourd’hui qu’il faut se dire que tous les acquis de ces quatre derniers mois de lutte, à tous les étages, doivent nous servir de socle pour nous protéger et protéger les autres, encore plus. C’est aujourd’hui qu’il faut montrer au monde que les Marocains ont compris que ce ne sont pas les ordres stricts des autorités qui ont sévi, mais aussi le civisme, la maturité, le sens aigu des responsabilités par temps de grave crise pour le bien de tous.

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