Des élections régionales à enjeu international

Venezuela

Négociations avec la communauté internationale, tractations locales… Plus que la désignation des maires et des gouverneurs, les élections régionales du 21 novembre au Venezuela pourraient revêtir une importance capitale pour le pays, en étant l’occasion de sortir d’une situation bloquée depuis des mois.

D’un côté, le président Nicolas Maduro, dont la réélection en 2018 n’a été reconnue ni par l’opposition, ni par une cinquantaine de pays — Etats-Unis et Union européenne en tête — veut redorer son blason avec ce scrutin.
Il espère que les gages de bonne volonté présentés ces dernières semaines convaincront la communauté internationale d’assouplir les sanctions économiques pesant sur le pays, initialement destinées à le pousser vers la sortie.

Le chef de l’Etat a notamment promis de respecter toute victoire de ses adversaires et de supprimer le système des « protectorats » dans les régions remportées par l’opposition, qui enlevait une grande partie de leur pouvoir aux élus.
Autre concession : l’autorité électorale a autorisé fin juin l’opposition à se présenter en coalition, ce qui lui était interdit depuis 2018.
Le chef de l’Etat réclame, lui, une levée totale des sanctions, alors que le pays sud-américain est empêtré dans une crise économique sans précédent, marquée par huit années de récession et une réduction du Produit intérieur brut (PIB) de 80%.

En face, l’opposition divisée et marginalisée du paysage politique pourrait à nouveau entrer dans le jeu, alors que son chef de file, Juan Guaido, reconnu comme président par intérim par une partie de la communauté internationale, a perdu de son poids et de sa crédibilité.

Après deux ans de durcissement, les Etats-Unis et l’UE se montrent aujourd’hui « enclins à soutenir une négociation politique qui mette fin au cauchemar du Venezuela », constate Michael Shifter, président du groupe de réflexion Inter-American Dialogue, interrogé par l’AFP.

« La stratégie de +pression maximum+ a non seulement échoué, mais elle a été contreproductive. Elle a contribué à fortifier le régime autoritaire (à Caracas). Ca ne veut pas dire que Washington est sur le point de lever les sanctions, mais les sanctions seront un outil de négociation pour des élections libres », poursuit-il.

Une partie de la communauté internationale voit « d’un bon oeil » une normalisation des relations, renchérit Luis Vicente Leon, président de Datanalisis, un institut d’enquêtes et de sondages.

Le 25 juin, Washington, Ottawa et Bruxelles, se sont dits prêts dans une déclaration commune à « revoir » les sanctions s’il y avait des avancées en vue d’élections crédibles. « C’est l’embryon d’un processus de négociation », estime M. Vicente Leon.

Au point que plusieurs sources diplomatiques évoquent auprès de l’AFP des négociations prochaines au Mexique avec tous les acteurs présents à la table.

Nicolas Maduro a notamment invité l’UE à observer le scrutin du 21 novembre et une mission électorale européenne doit arriver mardi à Caracas. Mais, là encore rien n’est fait.

« C’est une mission exploratoire qui doit décider si on peut observer ces élections de manière crédible. On ne va pas venir si ce n’est pas le cas. On ne veut pas valider une élection qui ne le mérite pas », souligne une source diplomatique européenne.

Divisée, l’opposition qui a boycotté la présidentielle de 2018 et les législatives de 2020, hésite sur la marche à suivre.
« C’est important d’avoir un accord politique par rapport à la crise profonde que traverse le Venezuela. Il faut faire ça intelligemment », estime Juan Guaido, qui sait que son temps est compté s’il n’engage pas une nouvelle dynamique.
Mais « il faut se méfier du +tout ou rien+ », met-il en garde, face à un pouvoir qui « tout d’un coup dit qu’il va respecter la Constitution ».

D’autant que Nicolas Maduro continue à souffler le chaud et le froid. Vendredi, il a accusé la CIA et l’armée américaine de planifier son assassinat, se demandant si son homologue, le démocrate Joe Biden, l’avait autorisé.

L’inculpation pour « terrorisme » de militants d’une ONG de défense des droits humains très critique de l’action militaire vénézuélienne à la frontière colombienne, fait aussi planer le doute sur la réalité de l’ouverture annoncée par le pouvoir.

« Le chemin est encore long pour une normalisation », conclut la source européenne auprès de l’AFP.

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