Le mouvement des jeunes pour le climat s’adapte à la pandémie

Coincés entre quatre murs par la pandémie de Covid-19, les jeunes défenseurs du climat n’ont pas abandonné leur combat, se réinventant en ligne pour maintenir la pression sur les dirigeants de la planète.
Quelques mois seulement avant l’apparition de l’épidémie, plusieurs millions de jeunes et de moins jeunes étaient descendus dans la rue partout sur la planète pour réclamer des actions immédiates, à l’appel de l’adolescente suédoise Greta Thunberg.

Mais depuis, les mesures pour empêcher la propagation du coronavirus sont passées par là.

Ainsi, 350 jeunes réunis par la coalition internationale d’associations Students Organising for Sustainability (SOS) viennent de monter leur propre « fausse COP », pour remplacer la réunion climat de l’ONU (COP26) prévue à Glasgow à l’automne mais reportée à 2021 pour cause de pandémie. Ils voulaient montrer ce qu’ils feraient s’ils avaient la main.
Dans leur déclaration finale, les participants plaident en faveur de la création d’un crime d’écocide au niveau international, pour interdire l’exploitation de nouvelles réserves d’énergie fossile et garantir une réponse économique « verte » à la crise du Covid-19.

« Les dirigeants du monde entier doivent mieux faire. C’est dur de comprendre pourquoi le monde entier ne se bat pas comme si sa vie en dépendait, » lance la Canadienne Malaika Collette, 17 ans.
Les engagements des Etats sont loin d’être suffisants pour limiter le réchauffement sous les +2°C, si possible +1,5°C, comme prévu par l’Accord de Paris sur le climat qui fête samedi ses cinq ans.

La température de la planète a déjà gagné plus de 1°C depuis l’ère pré-industrielle et les jeunes générations assistent à la multiplication des inondations, canicules, incendies ou autres tempêtes.

Comme aux Philippines, où le typhon Vamco a submergé les rues de Marikina City, où vit la militante Mitzi Jonelle Tan.
« Je n’arrivais pas à joindre ma mère. J’avais tellement peur parce que je ne savais pas si elle était encore vivante, si elle était coincée sur un toit, ou si j’avais encore une maison », raconte à l’AFP la jeune femme de 24 ans qui participait à cette fausse COP virtuelle.

Ces preuves accablantes du réchauffement expliquent l’écho qu’a rencontré l’appel à la mobilisation lancé par Greta Thunberg en 2018, estime la sociologue Dana Fisher, de l’université du Maryland aux Etats-Unis.

« L’heure tourne et ils ne voient pas les changements politiques que les scientifiques disent nécessaires pour nous sortir de l’urgence climatique », commente la chercheuse spécialiste des mouvements écologistes, qui doute cependant que cette « fausse COP » puisse être aussi efficace que des actions locales, de terrain.

Même le patron de l’ONU a fait part de sa frustration. « Mon espoir repose sur les jeunes », déclarait Antonio Guterres en septembre lors d’un entretien avec l’AFP et d’autres médias: « Soyons francs, ma génération a largement échoué à répondre aux défis auxquels le monde fait face ».

Les vraies COP sont dominées par « l’avidité, le sectarisme et le manque d’ambition », dénonce de son côté Catalina Reyes-Vargas, déléguée colombienne à la « fausse COP ».

Mais elle estime qu’il est utile de comprendre comment ces réunions fonctionnent: « la plupart d’entre nous ne comprenons pas comment les décisions sont prises ».
La militante australienne Luca Saunders, 15 ans, espère que les jeunes auront une place prépondérante lors de la COP26 de Glasgow, « parce que, évidemment, c’est notre futur qui se joue. »

L’adolescente a toujours vu ses années scolaires ponctuées de « jours de feu », où le risque d’incendies était tel que les cours étaient annulés. Enfant, elle se réjouissait de ces vacances inattendues. En grandissant, elle a compris la gravité des risques.

« L’année dernière, des incendies se rapprochaient de notre maison (…) Les pompiers ont tout juste réussi à sauver notre ville ».

Malheureusement, la pandémie a fait l’effet d’une douche froide sur la motivation des militants pour le climat, regrette l’adolescente australienne. « Il n’y a clairement pas la même énergie dans le mouvement qu’il y avait quand on organisait des mobilisations massives ».

Les activités en ligne continuent ici et là malgré tout. Le Kényan Kevin Mtai participait à une action pour la préservation du Parc national de Nairobi, et a dû se reporter sur le « digital » quand la pandémie a frappé. La campagne a rencontré un grand succès en ligne, atteignant une audience internationale. Une aubaine pour l’action, car au Kenya, selon l’activiste, les défenseurs de l’environnement ont souvent peur pour leurs vies. En revanche, la campagne a moins bien marché dans son pays natal. « Tout le monde n’a pas accès à internet », dit-il.

Le mouvement de Greta Thunberg Fridays for Future appelle aussi à une journée d’action virtuelle vendredi, avant l’anniversaire de l’accord de Paris.

Et si Mitzi Jonelle Tan avait l’habitude aux Philippines d’aller de classe en classe pour porter son message, la « fausse COP » en ligne était aussi importante « pour solidifier notre mouvement mondial ».
Mais « dès que cela ne présentera plus de risques nous reprendrons le chemin de la rue et exigerons une justice climatique jusqu’à l’obtenir », promet-elle.

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