Sionisme, antisionisme et antisémitisme
Mokhtar Homman
Dans le droit fil des guerres et coups de force menés par l’Occident relatés dans l’article précédent, les dirigeants occidentaux envisagent toujours les sanctions et souvent le conflit armé comme moyen pour résoudre les divergences avec d’autres pays, dictés par leur besoin de poursuivre le pillage du monde, en même temps que la régression démocratique en leur sein.
L’Occident et son complexe militaro-industriel ont besoin en permanence d’un ennemi. Après l’effondrement de l’URSS, ce furent le « terrorisme islamique » et l’Irak, puis la Russie, demain la Chine.
Les medias occidentaux analysent les politiques des pays tiers en termes de pro-occidentaux ou anti-occidentaux, sans considération de l’intérêt national. Pour ces médias, une élection ne saurait être démocratique que si le vainqueur est pro-occidental (1). En cas de défaite de leur favori, c’est immédiatement l’accusation de fraudes électorales (2), avant même toute enquête. Ce qui dénote une mentalité conflictuelle et binaire, rejetant toute forme de négociation, de compromis, de notion d’intérêt commun. Cette dichotomie ami/ennemi (que les États-Unis transposent religieusement en « le bien/le mal ») est le ferment idéologique des guerres, car elle ne se résout que par la destruction de l’autre (3) comme l’illustre le sionisme à l’extrême.
C’est eux ou nous, jamais eux et nous.
En 2002/2003, les États-Unis ont bloqué toute tentative d’issue diplomatique à la menace artificielle des armes de destruction massive de l’Irak (4), qui n’ont jamais été trouvées (5), malgré la très forte opposition mondiale y compris la France dans sa plus belle expression, afin de mener leur guerre d’invasion illégale et non provoquée. Selon The Lancet (6), cette guerre a entraîné un excès de mortalité de 650 000 personnes, soit 2,5% de la population, à fin Juin 2006, en très grande majorité des civils, des femmes et des enfants morts directement et indirectement. Là aussi des médias occidentaux se sont montrés plus admiratifs des Tomahawk détruisant Bagdad que sensibles aux victimes civiles irakiennes. Ni George W. Bush ni Tony Blair ne seront jamais jugés, ne serait-ce que pour avoir fait tuer leurs propres soldats sur la base de mensonges proférés à l’ONU et devant leurs propres parlementaires.
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Toujours dans l’hubris de la victoire après la guerre froide, les États-Unis se retirèrent unilatéralement de plusieurs traités limitant les risques de guerre nucléaire. Ce fut le cas du Traité ABM (Anti-Ballistic Missile Treaty) en 2002 pour installer aux frontières de la Russie (Pologne, Roumanie) des systèmes anti-missiles, à double usage car pouvant être des lanceurs de missiles nucléaires, contre l’Iran et la Corée du Nord ! Ils firent de même en 2019, sous Donald Trump, avec le retrait du traité IRNF (Intermediate-Range Nuclear Forces), menaçant d’installer en Europe des missiles nucléaires de portée intermédiaire, déséquilibrant la balance de la dissuasion.
Les États-Unis pouvaient faire de l’Europe le terrain d’opérations et de dévastation atomique potentielle, loin des États-Unis. Les États-Unis se retirèrent aussi du Traité Open Skies qui permettait des vols d’observation non armés au-dessus des territoires des États participants pour promouvoir la transparence militaire. Chaque retrait était basé sur des accusations non vérifiées de non-respect par la Russie des clauses de ces traités (7). L’équilibre de la dissuasion du temps de l’Union Soviétique était ainsi rompu. Ce qui provoqua deux réactions de la Russie.
D’abord le développement de missiles hypersoniques hors de portée de toute défense antimissiles et de systèmes de brouillage électronique performants, annoncés par Poutine en Mars 2018.
Les demandes de la Russie, répétées depuis 2007, de négocier et résoudre diplomatiquement et pacifiquement les questions de sécurité en Europe, et notamment en Ukraine, furent rejetées par l’OTAN le 17 décembre 2021.
Comme cela fut avoué par la suite par Angela Merkel et François Hollande (8), les accords de Minsk (9) étaient un moyen de gagner du temps pour préparer l’armée ukrainienne à la guerre contre la Russie, selon les recommandations de la RAND Corporation (10).
Face à la menace imminente (11) d’installation de missiles nucléaires américains en Ukraine (12), soit à quelques minutes de Moscou, la Russie lança l’Opération Militaire Spéciale le 24 février 2022, violant formellement l’intégrité territoriale de l’Ukraine. En passant par les formes juridiques de la reconnaissance de l’indépendance des Républiques russophones de Luhans’k et Donetsk et en répondant à leur demande d’aide militaire urgente face à des menaces réelles de l’armée ukrainienne mise en alerte pour une attaque du Donbass dans les mois qui suivaient.
Delenda Moscou
« Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe » à travers les sanctions économiques occidentales, a affirmé le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire (13), juste après l’invasion russe, dévoilant donc le vrai but du conflit entre la Russie et l’Ukraine : faire plier et soumettre la Russie. Et d’ajouter pompeusement : « Le rapport de force économique et financier est totalement en faveur de l’Union européenne, qui est en train de découvrir sa puissance économique ». On connait la suite : croissance en Russie malgré les sanctions, récession en Europe grâce aux sanctions.
Cinq semaines après la Russie acceptait le plan de paix proposé par l’Ukraine à Istanbul comportant les mesures essentielles réclamées par la Russie, à savoir la non adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et autres mesures respectant les populations russophones d’Ukraine. Elle se retira volontairement des environs de Kiev (14) comme mesure de bonne volonté à la demande de la France et de l’Allemagne contre leur appui aux accords d’Istanbul, une tromperie de plus car ces deux pays relancèrent leur soutien à la guerre.
Le Royaume-Uni fit alors pression sur le régime de Kiev pour retirer sa proposition d’accord de paix afin de poursuivre la guerre (15).
L’attitude des dirigeants européens, soumis aux décisions de la Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, qui n’en a pas juridiquement le pouvoir, est sidérante (16). On aura rarement vu des prises de décisions aussi importantes ne tenant pas compte des intérêts européens. Il était pourtant évident que la politique des sanctions contre leur principal pays fournisseur d’énergie (gaz, pétrole, uranium) et de matières premières stratégiques assurant la compétitivité économique de l’industrie européenne allait avoir un effet boomerang. De plus l’Europe, contrairement aux États-Unis, n’a aucun intérêt à la guerre dans son continent. Certains dirigeants iront encore plus loin, telle la ministre des Affaires Étrangères allemande, Annalena Baerbock qui a affirmé le 31 Août 2022, lors du Forum 2000 à Prague : « Peu importe ce que pensent mes électeurs allemands, je veux tenir ma promesse aux Ukrainiens » (17). Démocratie européenne ?

En 2022/24, l’UE et ses États membres ont engagé plus de 143 milliards d’euros, dont 52 sous forme militaire, en faveur de l’Ukraine, sans compter les pertes dues à la récession économique rampante à cause principalement aux surcoûts en achat d’énergie enrichissant les États-Unis. Les États-Unis sont le principal suspect du sabotage (18) des gazoducs Nord Stream I et II et l’instigateur de la fermeture des gazoducs passant par l’Ukraine (19). Le gazoduc passant par la Pologne ne transitait plus de gaz russe depuis Mai 2022 suite au refus polonais de payer en roubles et aux sanctions contre Gazprom. La Pologne inaugura le flux du gazoduc de gaz norvégien le 27 septembre 2022, le lendemain du sabotage des gazoducs Nord Stream I et II, quelle troublante coïncidence.
Depuis les dirigeants occidentaux agitent la menace russe, présentée comme le fait d’un « dictateur fou » (qualificatifs usuels pour tout opposant à l’hégémonie occidentale). Cette explication simpliste, destinée à une opinion publique supposée facile à duper, masque les vraies raisons impérialistes, glose sur l’inéluctable guerre « de défense » contre la Russie, poussant les opinions publiques à accepter l’augmentation des budgets militaires, au seul bénéfice du complexe militaro-industriel américain, et les conditionner à faire la guerre à la Russie. Tout en limitant la liberté d’opinion où, à l’image des accusations d’antisémitisme pour toute critique d’Israël, toute critique de la politique de l’Occident en Ukraine est qualifiée d’être au service d’un Poutine diabolisé.
La Chine, nouvel ennemi
Alors qu’en position économiquement dominante, l’Occident militait pour l’ouverture des marchés, la réduction des droits de douane, avec la montée en puissance industrielle et économique de la Chine, dans le cadre des règles du jeu de l’économie et du commerce libéral (20), ce sont des barrières douanières, des interdictions de commercer que l’Occident élève contre la Chine. Même au sein de l’Occident les États-Unis veulent imposer des taxes douanières exorbitantes.

Mais cela ne suffit pas. Vis-à-vis de la Chine, perçue comme une menace économique et technologique (21) contre leur hégémonie, les États-Unis sous Biden multiplient les provocations à Taïwan, en claire violation de la souveraineté chinoise, cherchant à impliquer la Corée du Sud, le Japon, les Philippines et l’Australie (22), voire l’OTAN. Sous Trump la Chine est à nouveau considérée comme l’ennemi principal.
Le bellicisme occidental est dans la nature de ses régimes capitalistes. Il a à son actif deux guerres mondiales, en fait occidentales, en son sein !
Il est alors évident qu’Israël, qui se revendique des mêmes valeurs et des mêmes pratiques coloniales comme « avant-garde » de l’Occident, est bien le bras armé de l’impérialisme au Proche-Orient.
Ce bellicisme accru de l’impérialisme et du sionisme s’accompagne, logiquement, d’un autre volet : la montée en puissance du néofascisme, car la guerre ne veut pas de démocratie et réduit les budgets sociaux.
Mokhtar Homman, le 7 mars 2025
Demain : XXI Le retour en force des néofascistes en Occident
Notes
- Même pour un non élu il suffit de se proclamer pro-occidental pour être reconnu Président comme ce fut le cas au Venezuela avec Juan Guaidó en Janvier 2021. Bis repetita en 2024 avec Edmundo Gonzalez Urrutia. En Géorgie, c’est l’ancienne ambassadrice de France à Tbilissi, devenue Présidente de la Géorgie (!), que l’Occident considère légitime malgré l’élection récente, automatiquement contestée, d’un nouveau Président taxé de « prorusse ».
- En Roumanie, le résultat du premier tour des élections présidentielles le 24 Novembre 2024 ayant éliminé le candidat « pro-européen », ce premier tour a été invalidé, sous prétexte de compagne en faveur d’un candidat « pro russe » sur Tik Tok (un réseau social « chinois »). D’après l’UE, qui a poussé à cette annulation, quelques centaines d’Euros sur Tik Tok pèsent plus que la télévision et les médias de masse tous « pro-européens ».
- Il s’agit d’une régression de la pensée, pré-Lumières.
- Ils avaient fait de même pour la guerre de 1991. Les multiples tentatives de médiation ont buté sur un refus catégorique des États-Unis de négocier.
- Les États-Unis et le Royaume-Uni étaient certains que l’Irak n’avait pas d’armes de destruction massive, s’il en avait l’invasion n’aurait pas eu lieu.
- The Lancet, 11 Octobre 2006.
- Pour l’Occident l’accusation tient lieu pour preuve et en général l’exécution de peines illégales s’ensuit.
- Interview d’Angela Merkel à Die Zeit le 7 décembre 2022 : « Les accords de Minsk en 2014 ont servi à donner du temps à l’Ukraine. […] Un temps qu’elle a utilisé pour se renforcer ». Interview de François Hollande à Kyiv Independent le 28 décembre 2022 : « Angela Merkel a raison. […] Les accords de Minsk ont permis de stopper l’offensive russe pendant un certain temps. Ce qui était très important, c’était de savoir comment l’Occident allait utiliser ce répit pour empêcher toute nouvelle tentative russe ». Des déclarations 8 ans avant l’invasion de l’Ukraine, en passant sous silence la nature antirusse, et anti européenne, du coup d’État organisé par les États-Unis en février 2014 à Kiev.
- Les accords de Minsk étaient destinés à résoudre le problème des régions russophones d’Ukraine dont une partie, le Donbass et la Crimée, ne reconnaissait pas le régime instauré par le coup d’État de 2014. Ce régime avait appliqué une politique antirusse, interdisant la pratique du russe (pourtant langue des élites ukrainiennes) et réduisant significativement les relations économiques avec la Russie. Ces accords prévoyaient une nouvelle législation revenant à la situation ante. Mais Kiev ne l’appliqua pas, au contraire mena une guerre dans le Donbass ayant provoqué la mort d’environ 14 000 civils entre 2014 et 2022. En 2021, le régime établit un plan pour reconquérir le Donbass et la Crimée tout en donnant une nouvelle impulsion au renforcement de l’armée avec le soutien et l’encadrement de l’OTAN.
- RAND Corporation: Extending Russia, p. 135. Les risques d’escalade mal contrôlée et d’échec sont soulignés.
- En janvier 2022, Oleksiy Danilov, secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense de l’Ukraine, a déclaré que l’Ukraine pourrait remettre en question son engagement envers le Mémorandum de Budapest, qui comprenait l’engagement de l’Ukraine à renoncer à l’arme nucléaire, si la sécurité du pays n’était pas assurée, ce qui constituait une provocation auto-réalisatrice.
- Les Mémorandums de Budapest sont trois documents signés en termes identiques le 5 décembre 1994 par la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine prévoyant le transfert de leur arsenal nucléaire vers la Russie et leur ratification du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). En échange les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie accordaient des garanties d’intégrité territoriale et de sécurité à chacune de ces trois anciennes républiques socialistes soviétiques (source : United Nations Treaty Collection volume-3007-I-52241.pdf).
- AFP, 1er mars 2022.
- Les médias occidentaux présentèrent ce retrait comme une victoire militaire ukrainienne, sans combats !
- David Arakhamia, négociateur en chef ukrainien, déclara en Novembre 2023, dans une interview à la chaîne de télévision ukrainienne 1+1 : « Boris Johnson est venu à Kiev et a dit : nous ne signerons rien du tout avec eux. Nous allons, tout simplement, faire la guerre». Le sénateur américain Lindsay Graham a déclaré que l’aide à l’Ukraine était « un bon investissement » et que l’Amérique « détruit l’armée russe sans perdre un seul soldat » (septembre 2023). Jusqu’au dernier Ukrainien.
- Encore plus sidérant qu’ils apparaissaient friands d’obéir à un ancien acteur de séries TV russes devenu président de l’Ukraine.
- The Kyiv Independent, 31 Août 2022.
- La Russie avait été accusée par l’Occident de saboter ses propres gazoducs pour couper l’approvisionnement européen. Alors qu’il lui aurait suffi de fermer les robinets. Or l’Europe décida de ne plus se fournir en gaz et en pétrole russes, ce qu’elle continua de faire à ce jour par nécessité. Un exemple du degré d’absurdité de la propagande occidentale (mais puisque Poutine est « fou », pourquoi pas ?). Il a fallu des mois pour admettre que ce seraient les États-Unis, puis l’Ukraine les responsables du sabotage. L’Allemagne, propriétaire partiel des gazoducs et principale victime du sabotage par ses « amis », « amis » qu’elle soutient financièrement et militairement. On ne peut être plus vassale.
- RAND Corporation: Extending Russia, p. 59. La RAND Corporation préconisait ces mesures.
- Selon Karl Marx « les libre-échangistes ne peuvent pas comprendre comment un pays peut s’enrichir aux dépens de l’autre ». Les tenants occidentaux du libre-échangisme viennent de le comprendre quand cela a lieu à leurs dépens.
- Les avancées technologiques de la Chine ne se comptent plus : missions spatiales, trains à très très grande vitesse, nanotechnologies, biotechnologies, recherche scientifique, IA.
- L’AUKUS regroupe l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Ces trois pays plus le Canada et la Nouvelle-Zélande font partie de Five Eyes, système d’espionnage électronique mondial anglo-saxon.
Bibliographie
Marx, Karl : Discours sur la question du libre-échange. Discours du 7 janvier 1848, Association démocratique de Bruxelles.
RAND Corporation : Extending Russia. Competing from advantageous ground. Santa Monica, Californie, 2019.