«Le patrimoine musical des Rwaïss entre sauvegarde et renouveau»

Ali Faiq est un artiste et chanteur amazigh aux multiples facettes. Ali a œuvré   par le bais de la musique pour la sauvegarde du patrimoine musical des Rwaïss. En effet, son style est musicalement recherché. Il en puise ses paroles, chants et rythmes des anciens Rwaïss des années 30 qui ne sont pas connus. Son nouvel album «Isktitn» revisite le répertoire authentique des ténors de la musique de Souss, mais avec un style moderne. Entretien.

Al Bayane : Qu’en est-il de la sauvegarde du style musical des Rwaïss?

On a fait une initiative qui revisite un répertoire oublié même par les professionnels des Rwaïss. Il y en a même de ces professionnels qui ne le connaissent pas. Je parle bien entendu de la période des années 30, avant même Lhaj Belaïd.

Du coup, il y a un patrimoine qui est dans l’archive qui n’était pas chanté, ni repris par les gens. Or, la plupart se sont concentrés sur Lhaj Belaïd. Dans cet ancien répertoire, on y croise des noms comme Abdellah Yanayer, Rais Boujmaa, Rais Mohamed Mzine.

La traduction des Rwaïss a été dénaturalisée abandonnant son authenticité au niveau des mots et des chants. Dans notre démarche on a essayé de faire une reprise de ce répertoire pour mieux le diffuser aux gens. Car, puisque les Rwaïss qui  sont  sur scène aujourd’hui  ne connaissent pas ou peu cet  archive qui  lutte contre les oubliettes ;  cela veut  dire que le  public, quant à  lui, ne le reconnait  pas. En effet, cet archive est dans la Bibliothèque nationale de France. C’est un patrimoine caché où j’ai tenté de chercher les inspirations pour ce nouvel album «Isktitn». Par ailleurs, je travaillais seulement sur ce répertoire des Rwaïss Aboubader Nachad, Lhaj Belaïd, Boudraa : les plus connus.

Quoi de neuf alors dans votre démarche artistique?

J’ai essayé de tisser un lien entre les Rwaïss traditionnels qui participent avec moi sur scène et les jeunes influencés par cette musique moderne. Mon objectif : il faut que les jeunes fassent leur lecture à ce répertoire avec leur manière tout en gardant les éléments de l’authenticité en ce qui concerne les textes, les chants, les instruments et les percussions.

Notre vision consiste à ce que les jeunes jouent ce patrimoine avec leur style et contribuer à l’évolution de ce patrimoine musical. Pour nous, on ne voulait pas en faire un patrimoine figé. On l’avait fait avec notre manière propre à nous.

Quid de votre projet artistique «Art Igmmi» dans la région de Souss-Massa?

L’idée du projet est d’en faire un local dans une zone rurale, là où il n’y a plus d’infrastructures culturelles. Nous voulons faire un produit pour découper l’art de cette région pour préservation de la culture orale afin d’en faire une locomotive de développement et de conservation du patrimoine musical des Rwaïss. Ce serait un espace pour la recherche et la collecte des chansons dans le but de créer une base de données de cette musique, mais aussi de créer un musée pour les années à venir.

A-t-on un véritable archive non seulement de la musique des Rwaïss; mais aussi de de la musique amazighe?

Heureusement on a un patrimoine très riche qui ravie non seulement le patrimoine musical amazigh, mais marocain d’une manière générale. A titre d’exemple, la Bibliothèque Nationale de France des archives m’a donné une idée sur des trésors musicaux cachés méconnus du public. Pourquoile Maroc ne jouirait-il pas de ce privilège ? Ce que je dis sur la musique des Rwaïss peut être repris sur celle du Malhoun, l’Aita et autres genres musicaux du Maroc. Or, les des initiatives sont toujours manquantes de la part -par exemple- des associations, pour récolter ce patrimoine musical et le classer dans une base de données pour les recherches en matière de musique.

Même chose pour les musées dans les autres pays du monde : on y trouve tous les instruments de la musique mondiale des quatre coins du monde, sauf les instruments marocains qui en restent    absents !

En revanche, sur les moteurs de navigations sur internet, je trouve toutes les informations sur les musiques du monde. Mais quand je lançais la recherche sur un genre musical marocain, l’information est très minime. Avec l’émergence de l’internet, il fallait penser à consacrer et lancer des sites ainsi que des plateformes pour que le public puisse se procurer facilement ce qui titille sa curiosité et découvrir ainsi tous les styles musicaux de son pays.

Mohamed Nait Youssef

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