Le Royaume-Uni risque un double choc

Pandémie puis Brexit sans accord?

Le spectre d’un Brexit sans accord revient hanter une économie britannique déjà à genoux en raison de la pandémie, faisant craindre un double choc de nature à laisser des traces durables sur la croissance et l’emploi.

La perspective d’un «no deal» à l’issue de la période de transition fin décembre se rapproche à l’heure où les négociations sur la relation future entre Londres et Bruxelles piétinent. Downing Street a averti que sans accord mi-octobre, le Royaume-Uni jetterait l’éponge définitivement.

Le Premier ministre Boris Johnson, l’un des artisans du Brexit, affirme qu’une telle sortie brutale de l’Union européenne représenterait «une bonne issue» permettant au pays de «prospérer» car il aurait «la liberté de conclure des accords commerciaux avec tous les pays du monde».

Mais pour nombre d’économistes, ce scénario porterait «un nouveau coup majeur pour l’économie britannique (…) qui se relève à peine du plus grand choc dont on puisse se souvenir», fait valoir auprès de l’AFP Jonathan Portes, professeur d’économie au King’s College de Londres.

Un Brexit sans accord «pourrait être plus coûteux que le Covid-19» car étalé sur une plus grande période, avance même Thomas Sampson, économiste à la London School of Economics (LSE), dans une étude récente.

Les relations commerciales britanniques avec l’Union européenne se retrouveraient alors régies par les règles de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC).

Cela s’accompagnerait d’une réintroduction de droits de douane parfois punitifs, notamment sur l’alimentaire ou les composants industriels, quelques mois après la fin des aides au maintien de l’emploi gouvernementales introduites pour atténuer l’impact de la pandémie, et qui s’achèvent fin octobre.

Le précédent gouvernement conservateur avait lui-même évalué fin 2018 qu’un tel scénario amputerait le produit intérieur brut (PIB) britannique de 7,6% sur une période de 15 ans.

Signe de l’inquiétude, la livre sterling a décroché ces derniers jours et l’organisation patronale CBI redoute que de nombreuses entreprises, surtout les PME, ne puissent survivre à ce double choc.

«Un accord poserait les bases de la reprise post-covid à travers le continent», plaide Josh Hardie, directeur général adjoint du CBI.

Si des secteurs frappés de plein fouet par la pandémie, comme la restauration et le transport aérien, semblent à l’abri du Brexit, l’industrie, elle, est en première ligne, car dépendante du continent pour ses approvisionnements et débouchés.

Le géant de l’aéronautique Airbus envisage de réduire ses investissements dans le pays, et de grands constructeurs automobiles étrangers pourraient faire leurs valises au risque d’assister à des fermetures d’usines et des pertes d’emplois.

Le japonais Nissan a, selon le Financial Times, choisi de reporter, d’octobre à avril 2021 au mieux, la production de sa nouvelle Qasqai au Royaume-Uni, le temps notamment de voir comment le vent tournera.

Même le milliardaire pro-Brexit Jim Ratcliffe semble avoir renoncé à faire construire son 4×4 au Pays de Galles et cherche à le produire dans une usine française.

De leur côté, en cas de Brexit sans accord, les consommateurs britanniques devraient subir une hausse de prix dans les supermarchés puisque que le Royaume-Uni importe une grande partie de ses produits alimentaires, comme les fruits, légumes, poissons.

L’impact sur l’industrie et les ménages «pourrait encore accroître les inégalités au Royaume-Uni», prévient Josh De Lyon, économiste à la LSE, interrogé par l’AFP.

Malgré ces risques, le gouvernement conservateur mise sur son projet de «Global Britain» et sur la négociation d’accords de libre-échange avec les Etats-Unis, le Japon, l’Australie et le Canada, même si pour M. De Lyon, «les études montrent que le coût du Brexit va largement dépasser le bénéfice» de ces accords.

Londres compte en outre sur la mise en place de ports francs et la reprise en main des réglementations, quitte à les assouplir pour attirer entreprises et investisseurs, notamment à l’avantage de son puissant secteur financier.

Rejetant l’épouvantail d’une dérégulation à tout va, M. Portes estime que «malgré le Brexit, le Royaume-Uni va rester une économie prospère avec des secteurs qui réussissent comme la finance, l’éducation de haut niveau, le juridique, etc».

Selon lui, «le Brexit ne sera pas bénéfique mais ce n’est pas non plus la fin du monde».

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