Loi de finances 2020: quelles priorités et quels moyens?

Par : Abdeslam Seddiki

La préparation du projet de loi de finances pour 2020 est lancée. Le gouvernement (l’actuel ou le prochain) est tenu de par la constitution de déposer le projet devant le parlement au plus tard le 20 octobre prochain après son adoption successive  en Conseil  du Gouvernement et en Conseil des Ministres. Entretemps, ce sont les services du Ministère des Finances qui planchent sur le projet pour trouver les équilibres nécessaires entre les  impératifs sociaux et les exigences budgétaires. La tâche n’est pas facile quand on sait que les marges de manœuvre sont bien limitées tant que les bases sur lesquelles est monté le budget demeurent inchangées et que les perspectives d’avenir ne s’annoncent pas sous de bons auspices.

Ainsi, au niveau international, la situation est marquée par la persistance des tensions commerciales entre les deux grandes puissances et le risque d’une récession mondiale est plus qu’une hypothèse. La réunion annuelle du G7 tenue ce weekend à Biarritz (France) s’est achevée sans rien apporter de concret si ce n’est l’étalage au grand jour des divergences entre différentes puissances. A tel point que beaucoup d’observateurs se demandent si ce club des riches peut encore servir à quelque chose. Ils lui préfèrent le G20 où sont présent les principaux acteurs de l’économie mondiale tels que les BRICS, la Turquie et d’autres…L’économie mondiale  enregistre des taux de croissance modestes et le commerce mondial suit la même tendance. Par ailleurs,  la zone euro montre des signes de fatigue visibles avec un taux de croissance à peine supérieur à 1 point.

Dans ce contexte international  morose, la conjoncture nationale est marquée à son tour par de multiples retournements de tendance dus à la fois aux retombées négatives de la conjoncture mondiale et notamment de la zone euro avec laquelle nous réalisons près des deux tiers de nos échanges extérieurs d’une part et aux facteurs endogènes résidant dans le retard des réformes structurelles  indispensables pour insuffler à l’économie une nouvelle dynamique d’autre part.

Ainsi, force est de constater qu’aucune grande réforme n’a encore été à ce jour menée jusqu’à son terme: toutes les réformes prévues et annoncées sont au meilleur des cas en cours d’exécution, au pire encore à l’état de projet.

En l’absence de ces réformes de structure qui sont tributaires de la mise en œuvre du nouveau modèle de développement, il ne faudrait pas s’attendre au miracle. Comme précisé lors de l’exposé du Ministre de l’Économie et des Finances devant le parlement le 25 juillet dernier, nous continuerons à voir les mêmes chiffres ou presque au niveau des principaux indicateurs à quelques détails près.En effet, le taux de croissance de l’économie ne dépasserait pas les 3% à moins qu’il ne soit porté par une bonne année agricole,les déficits du budget et  du compte courant resteront abyssaux, le taux d’endettement continuera à être à la limite du niveau soutenable, les recettes publiques évolueront en dents de scie.

Du reste, le chef du gouvernement a emboité le pas au Ministre de l’Économie et des Finances à travers la lettre de cadrage envoyée aux membres du gouvernement il y a une quinzaine de jours. Dans ce document, le Chef du Gouvernement a décliné les quatre priorités avec un penchant net pour le social :  poursuivre le  soutien aux politiques sociales;  réduire  les disparités sociales et territoriales et instaurer les mécanismes de la protection sociale ; insuffler une nouvelle dynamique à l’investissement et soutenir l’entreprise pour créer plus de richesses et d’emplois; poursuivre les grandes réformes (justice, lutte contre la corruption, régionalisation, déconcentration administrative, retraite).

Côté chiffres, et conformément  aux dispositions de la nouvelle loi organique des finances, une programmation triennale des dépenses est élaborée par le Ministère des Finances pour les années  2020, 2021  et 2022.  C’est une programmation à titre indicatif dans la mesure où la réalisation effective est tributaire des moyens disponibles. C’est là où réside  le talon d’Achille de ce travail préparatoire de la prochaine loi de finances. En effet, beaucoup d’incertitudes et de zones d’ombre planent quant au financement des mesures prévues. Cela risquerait de réduire les bonnes intentions affichées par l’exécutif à de simples déclarations sans lendemain.

En revanche, ce qui est sûr, c’est qu’il faut  s’attendre à une entrée difficile pour le gouvernement. Il aura fort à faire avec les urgences qui s’invitent à lui à commencer par l’affaire récurrente  des enseignants contractuels, la grève des étudiants en médecine, le problème de la pénurie  d’eau potable qui menace plusieurs localités et qui risque  de s’aggraver à l’avenir. Face à ces demandes sociales, la langue de bois ne sera d’aucun recours. Il faudra beaucoup de détermination, de pédagogie et d’actions concrètes sur le terrain. La population a «soif» : elle attend certes qu’on l’approvisionne en eau, mais ce qu’elle réclame surtout, c’est un  changement de cap.

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