Moscou et Pékin fustigent l’Otan
Accusés par l’Otan de « déstabiliser l’ordre international », Moscou et Pékin ont fait front commun contre l’Alliance atlantique, dont le sommet s’achève jeudi à Madrid, alors que la Russie a ouvert une voie maritime pour exporter du blé d’Ukraine vers des pays tiers.
« Les pays leaders de l’Otan souhaitent (…) affirmer leur hégémonie, leurs ambitions impériales », a fustigé mercredi soir le président russe Vladimir Poutine lors d’un déplacement à Achkhabad, la capitale turkmène.
« L’appel à l’Ukraine à poursuivre les combats et à refuser les négociations ne fait que confirmer notre hypothèse que l’Ukraine et le bien du peuple ukrainien, ce n’est pas l’objectif de l’Occident et de l’Otan, mais un moyen de défendre leurs propres intérêts », a-t-il insisté.
Pékin a fait jeudi front commun avec Moscou contre l’Otan, alors que cette dernière a publié mercredi une feuille de route stratégique présentant pour la première fois la Chine comme un « défi » pour ses « intérêts ».
L’Otan « s’obstine (…) à salir la politique étrangère chinoise », a accusé un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian.
La feuille de route stratégique de l’Otan, qui n’avait pas été révisée depuis 2010, présente par ailleurs la Russie comme « la menace la plus significative et directe pour la sécurité des alliés » et dénonce « le partenariat stratégique approfondi » entre Pékin et Moscou « et leurs tentatives mutuelles pour déstabiliser l’ordre international ».
Les autorités installées par les forces d’occupation russes dans le sud de l’Ukraine ont annoncé jeudi le départ d’un premier navire chargé de 7.000 tonnes de céréales ukrainiennes depuis le port de Berdiansk, une première.
La guerre en Ukraine, l’un des premiers exportateurs mondiaux de céréales, a exacerbé les risques d’une crise alimentaire mondiale et les appels se sont multipliés ces dernières semaines pour que Moscou permette les exportations depuis l’Ukraine.
L’Ukraine accuse depuis des semaines la Russie de voler ses récoltes de blé dans les régions occupées par l’armée russe dans le Sud ukrainien pour le revendre illégalement à l’international.
Jusqu’ici, les chargements partaient, selon des médias et Kiev, par la route et les trains.
Parallèlement, l’armée russe a annoncé s’être retirée de l’île aux Serpents, une position stratégique en mer Noire conquise par Moscou et qui subissait des bombardements ukrainiens ces dernières semaines.
Cette petite île emblématique, située dans le nord-ouest de la mer Noire, près des côtes ukrainiennes et roumaines, avait été conquise dès le début de l’offensive en Ukraine, lancée le 24 février.
Présentée comme un « geste de bonne volonté », « cette décision ne permettra plus à Kiev de faire des spéculations sur une crise alimentaire imminente en disant qu’il est impossible d’exporter des céréales à cause du contrôle total exercé par la Russie sur le nord-ouest de la mer Noire », a souligné Igor Konachenkov, le porte-parole du ministère russe de la Défense.
L’armée ukrainienne a salué aussitôt « la libération d’un territoire stratégique ».
A Madrid, les pays de l’Otan ont validé par ailleurs une hausse des effectifs « à haut niveau de préparation » de l’Alliance, qui vont être portés à plus de 300.000 militaires, avec un renforcement des effectifs prévu sur son flanc oriental.
L’organisation, qui a validé son élargissement à la Suède et la Finlande, après la levée du véto jusque-là opposé par la Turquie, s’est par ailleurs mis d’accord sur un nouveau plan d’aide à l’Ukraine, passant notamment par la « fourniture d’équipements militaires non létaux ».
Plusieurs Etats membres ont annoncé en parallèle de nouvelles livraisons d’armes à Kiev, à l’image du Royaume-Uni, qui va débloquer un milliard de livres (1,16 milliard d’euros) d’aide supplémentaire.
« L’Ukraine peut compter sur nous aussi longtemps qu’il le faudra », a insisté le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, en évoquant une « obligation morale et politique » pour l’Alliance.
Un message salué par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s’est félicité dans son adresse quotidienne du front uni à Madrid des pays de l’Otan. « C’est un sommet spécial, un sommet de transformation, l’Alliance change sa stratégie dans la réponse aux politiques anti-européennes agressives de la Russie ».
Sur le front, les bombardements se sont poursuivis jeudi matin dans la région du Donbass (est), où se concentrent la majorité des combats.
La ville de Lyssytchansk « vit sous un bombardement ininterrompu de toutes sortes d’armes », a déploré le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, estimant que 15.000 civils restent dans la cité.
Il s’agit de la dernière grande ville à conquérir pour les Russes dans la région de Lougansk, l’une des deux provinces du bassin industriel du Donbass, que Moscou entend entièrement contrôler.
Selon l’agence russe Ria Novosti, les forces de Moscou et les séparatistes pro-russes revendiquaient jeudi matin la prise de la raffinerie de la ville.
Toutefois, l’état-major de l’armée ukrainienne affirmait dans le même temps que les combats continuaient autour de ce site, alors que les forces russes tentent aussi de bloquer les accès à la ville.
Près de Dnipro, dans le centre-est du pays, un bombardement a par ailleurs touché une entreprise agricole, détruisant 40 tonnes de maïs, selon les autorités régionales.
Ces combats surviennent alors que les autorités ukrainiennes ont annoncé avoir récupéré 144 soldats, dont 95 « défenseurs d’Azovstal » à Marioupol dans le cadre du « plus gros échange (de prisonniers avec Moscou) depuis le début de l’invasion russe ».
Cet échange a été confirmé jeudi matin par la Russie, qui a affirmé jeudi détenir « plus de 6.000 » prisonniers de guerre ukrainiens.