Afghanistan : Les Talibans forment leur gouvernement…

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

C’est qu’ils ne perdent pas de temps ces fondamentalistes Talibans qui, après le départ des troupes étrangères, ont repris les rênes de l’Afghanistan 20 années après en avoir été chassés par les forces américaines puisqu’ils ont déjà formé un gouvernement qui, aux dire de leur chef suprême,  Hibatullah Akhundzada, comprend des « gouvernants qui travailleront durement pour faire respecter les règles islamiques et la ‘chariâ’ ».

Ce qui est sûr,  pour l’instant, c’est que le choix des membres de ce gouvernement qui est déterminant quant au chemin qui sera suivi par les nouveaux maîtres de l’Afghanistan – notamment en matière de respect des droits humains et principalement celui des femmes – est, aussi, un passage obligé pour la « reconnaissance » de ce nouveau régime par la communauté internationale.

Reconnaissant que le mouvement Taliban, qui est né au Pakistan, est, dans sa grande majorité, constitué de Pachtounes alors que la mosaïque ethnique afghane comprend des Ouzbeks, des Tadjiks et des Hazaras et qu’à ce titre la formation d’un gouvernement de talibans Pachtounes purs et durs va, incontestablement,  se heurter à une très forte résistance de la part des autres ethnies, Zabihullah Mujahid, le principal porte-parole du mouvement avait assuré que ce gouvernement sera « inclusif » puisqu’il comportera « des gens d’autres régions du pays ».

Alors qu’en est-il aujourd’hui et qui sont ces nouveaux ministres ?

Cette nouvelle équipe gouvernementale aura, à sa tête, Mohammad Hassan Akhund qui fut le conseiller politique du fondateur et chef suprême des Talibans. Ce dernier sera secondé par Abdul Ghani Baradar, le co-fondateur du mouvement, un personnage que respectent les différentes factions talibanes et qui, en sa qualité de chef de leur bureau politique, basé au Qatar, avait conduit les négociations de Doha avec les américains qui avaient abouti au retrait des forces étrangères d’Afghanistan mais avait échoué, néanmoins, à conclure un réel accord de paix avec le gouvernement de Kaboul. Etait-ce une simple tactique pour reprendre en main les rênes du pays après le départ des forces étrangères ? L’avenir nous le dira…

Pour rappel, Mohammad Hassan Akhund avait été vice-ministre des Affaires étrangères et gouverneur de la province de Kandahar (sud), berceau des islamistes, quand l’Afghanistan était aux mains des Talibans entre 1996 et 2001. Connu comme étant l’un des « commandants talibans les plus efficaces », son nom avait figuré dans la liste des talibans à sanctionner, par le Conseil de Sécurité, pour « leurs actes et leurs activités ».

En plus d’être le co-fondateur des Talibans avec le Mollah Omar, le mollah Abdul Ghani Badarar est reconnu comme étant un grand diplomate et on dit même qu’il avait fait partie du petit groupe d’insurgés qui avaient, vainement, tenté de conclure un accord avec les américains en 2001 ; ce qui a ouvert la voie à vingt années de guerre.

Arrêté au Pakistan en 201o et libéré huit années plus tard, Abdul Ghani Badarar sera l’un des principaux négociateurs de l’accord de Doha et rentrera à Kaboul deux jours après la prise du pouvoir par les Talibans.

S’agissant des autres membres de ce nouveau gouvernement, il y a lieu de préciser qu’Abdul Salam Hanafi en est le second « numéro 2 », que ce dernier  avait été vice-ministre de l’Education sous le premier gouvernement taliban,  qu’il avait fait parler de lui ap^rès avoir interdit aux filles d’aller à l’école et, enfin, qu’il avait été accusé, par le Conseil de Sécurité de l’ONU d’être impliqué dans le trafic de drogue. Un très beau palmarès, en perspective…

Pour le reste, disons que le portefeuille du ministère de la Défense a été attribué au Mollah Yacoub qui n’est autre que le fils du célèbre Mollah Omar qui avait fondé le mouvement des Talibans et qui dirigeait, par ailleurs, la commission militaire qui décidait des orientations stratégiques dans la guerre contre le gouvernement afghan même si, pour certains analystes, sa nomination à la tête de cette commission était purement symbolique vu son ascendance.

Le ministère de l’Intérieur a, quant à lui,  été attribué à Sirajuddin Haqqani, le fils d’un célèbre commandant du jihad anti-soviétique qui est également le chef du réseau Haqqani fondé par son père et considéré comme « terroriste » par Washington qui l’avait toujours vu comme étant une des plus dangereuses factions qui, durant ces deux dernières décennies, ont tenu tête aux troupes afghanes et aux forces de l’OTAN.

Sirajuddin Haqqani est, également, accusé d’avoir assassiné de hauts responsables afghans et d’avoir retenu des otages occidentaux avant de les libérer contre rançon ou des prisonniers, comme le soldat américain Bowe Bergdahl, relâché en 2014 en échange de cinq détenus afghans de la prison de Guantanamo.

Reste, enfin, le ministère des Affaires étrangères qui a été mis entre les mains d’Amir Khan Muttaqi, un des négociateurs de l’accord de paix de Doha.

Voilà en ce qui concerne la composition de cette nouvelle équipe ministérielle qui comporte, en son sein, de « grosses pointures » talibanes mais comment va-t-elle s’y prendre pour se faire accepter par les chancelleries du monde entier si elle reste braquée sur le non-respect des droits des femmes en maintenant leur lapidation au nom de la « chariâ » ?

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