Droit de grève : Le PPS plaide pour un texte équilibré

Le PPS au Parlement

Le groupe parlementaire du Parti du Progrès et du Socialisme a souligné, dans son intervention dans le cadre du débat général autour du projet de loi organique 97.15 fixant les conditions et les modalités de l’exercice du droit de grève au Maroc, lors de la réunion de la commission des secteurs sociaux, jeudi 18 juillet, qu’il aspire à l’adoption d’un texte « équilibré » qui « ne suscitera pas au moins le rejet catégorique de tous ».

Le projet transcende la logique majorité/opposition

Prenant la parole, au nom du groupe du progrès et du socialisme dont elle est membre, la députée Zahra El Moumen a rappelé qu’il s’agit d’un projet prioritaire qui transcende la logique de la majorité/opposition et du politique/syndicat ainsi que celle de la suspicion réciproque entre la classe ouvrière et l’entreprise avant d’affirmer que son adoption requiert un travail en profondeur pour  peaufiner une nouvelle mouture en phase avec le Maroc d’aujourd’hui et a même de répondre aux aspirations et attentes de tous les partenaires dont en premier lieu les travailleurs et les employeurs.

Pour la députée Zahra El Moumen, le lancement de ce débat autour d’un texte aussi important que la loi organique 97.15 est « un moment historique, non seulement au niveau législatif, mais également au niveau social en général », notant que « l’élaboration d’un texte d’accord ne sera possible que grâce à la mise en œuvre de l’intelligence collective et de l’esprit d’un consensus solide et créatif ».

Pour le groupe du PPS, a-t-elle dit, l’exercice du droit de grève est un droit humain authentique et un instrument essentiel entre les mains des travailleurs pour défendre leurs intérêts matériels et moraux légitimes.

Quant aux modalités du droit de grève, elles constituent « un facteur central dans la réalisation de la paix sociale, condition d’un climat des affaires qui attire les investissements ». « Le droit de grève est un indicateur principal du niveau de démocratie dans toute société », a-t-elle ajouté.

En dépit de toutes les difficultés, ajoute la députée, le groupe du  progrès et du socialisme reste optimiste quant au sort de cette question » parce que « le Maroc et ses forces vives ont accumulé suffisamment de maturité en matière des droits humains, de démocratie et d’institutions pour élaborer des accords cohérents sur les grandes questions sociales ». Mais tout cela « ne contredit pas l’existence de différences idéologiques et politiques » qui « ne doivent pas empêcher d’aller de l’avant et collectivement vers la production et la mise en œuvre de tout ce qui est au service de l’intérêt général du pays et du peuple, a-t-elle estimé.

Pour le GPS, a-t-elle rappelé, il n’est pas raisonnable comme il est inacceptable que ce droit, ancré dans le système universel des droits de l’homme, dans leur acception globale, et consacré dans toutes les constitutions du Maroc, reste depuis l’indépendance du pays, sans un cadre juridique qui préserve les droits de tous et définit les obligations de tous de manière équilibrée.

Dans ce cadre, a-t-elle ajouté, l’article 29 de la Constitution de 2011 stipule que «sont garanties les libertés de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique, d’association et d’appartenance syndicale et politique. La loi fixe les conditions d’exercice de ces libertés. Le droit de grève est garanti. Une loi organique fixe les conditions et les modalités de son exercice ».

Pour ce qui le concerne, a affirmé la députée, le groupe du PPS aborde le cadre juridique pour l’exercice du droit de grève, en partant d’abord et avant tout de son référentiel idéologique et de son identité politique, et ce depuis la création du parti il y a 81 ans, qui fait de la défense des intérêts de la classe ouvrière l’une de ses raisons d’être.

Toutefois, a-t-elle ajouté, le groupe du progrès et du socialisme considère que ces convictions fermes ne sont en aucun cas incompatibles avec la défense forte de l’entreprise marocaine socialement, financièrement, fiscalement et écologiquement responsable et avec la nécessité de la soutenir de la part de l’Etat dans l’intérêt de l’économie nationale et des travailleurs, afin de créer de la valeur ajoutée et des emplois.

Pour ce faire, a rappelé la députée Zahra El Moumen, le PPS a appelé, à plusieurs reprises à l’élaboration d’une véritable charte sociale effective, aux termes de laquelle l’entreprise s’engage à assumer sa responsabilité sociale dans la préservation des emplois, la reconnaissance des droits sociaux des travailleurs et la lutte contre la précarité du travail. Quant à l’Etat il doit s’y engager à soutenir et à financer l’entreprise et à améliorer le climat des affaires, afin de créer les conditions d’une paix sociale solide, avec la participation active des syndicats des travailleurs.

La version présentée date de 2016

Après avoir rappelé que l’actuelle version du projet de loi organique date de 2016, elle a affirmé qu’il est « honteux pour nous tous, gouvernements successifs, parlements successifs, syndicats et partis, d’accepter la poursuite de ce vide législatif, comme si nous donnions l’impression que les acteurs de la société marocaine sont incapables de traiter des questions sensibles ». Mais ceci n’est pas vrai, a-t-elle ajouté.

Elle a précisé de même qu’il faut reconnaître que le « glorieux mouvement syndical » marocain a « joué un rôle d’avant-garde dans la lutte pour l’indépendance et plus tard dans le combat pour l’édification démocratique et institutionnelle », notant qu’il « est aujourd’hui confronté à de véritables défis, comme tous les intermédiaires sociaux. Ce qui soulève des questions brûlantes sur la crédibilité des institutions élues, la confiance des citoyens dans les partis et les syndicats, et sur la démocratie représentative en général, à laquelle les syndicats contribuent principalement par l’intermédiaire de la Chambre des conseillers.

La multiplication des coordinations pose problème

Parmi ces défis, a-t-elle dit, il y a l’escalade significative de ce que l’on appelle aujourd’hui les coordinations de groupes. Bien qu’il s’agisse d’un phénomène qui exprime la vitalité et le dynamisme de la société, il soulève une vaste question de «responsabilité » de l’interlocuteur et du négociateur.

Qui a le pouvoir de décider de déclencher la grève ou de l’arrêter ? Il n’est pas raisonnable que l’Etat négocie et s’entende avec un syndicat, pour que ce dernier se retrouve ensuite dépassé par d’autres initiatives souvent difficiles à énumérer ou à en déterminer la nature ou les calculs.

C’est ce qui explique pourquoi le PPS estime que « l’on n’a pas d’autre choix que de donner un souffle plus fort à notre vie politique et syndicale pour renforcer le statut des partis et des syndicats, car ils sont l’une des soupapes de la stabilité, de la clarté, de la responsabilité, de la confiance et de la crédibilité ».

Et la députée de souligner de faire en sorte que la loi organique en cours de discussion soit liée à des réformes parallèles, pour qu’elle ne soit pas boiteuse, lesquelles réformes doivent porter sur le code du travail, le code de la fonction publique et la loi sur les organisations syndicales.

Toutes ces réformes n’auront d’impact sur la société qu’à deux conditions fondamentales : la première concerne la mise en place des instruments d’application (Ex : Code du travail actuel) et la deuxième condition a trait à l’approche participative profonde et réelle qu’il faut adopter pour associer les syndicats à l’élaboration de ces réformes, car il est clair que toute réforme ne peut réussir que dans la mesure où les personnes concernées y sont impliquées (cas de la réforme de l’enseignement).

Les dix observations générales du PPS

Revenant au projet à l’ordre du jour de la réunion de la commission, la députée a tenu à faire part de 10 observations générales et préliminaires, dont la première concerne l’approche participative, notamment des syndicats.

Il ne suffit pas de faire des déclarations rassurantes en ce sens de la part du gouvernement, car on n’a aucune preuve (déclaration officielle ou communiqué conjoint) que le gouvernement, les syndicats et le patronat sont effectivement d’accord en ce qui concerne la perception générale de ce projet. Ni l’opposition, ni la majorité à la Chambre des représentants ne veut être hors sujet.

Deuxièmement : si le gouvernement actuel a vraiment une perception fondamentalement différente du projet, dont le dépôt remonte à 2016, pourquoi n’a-t-il pas apporté un nouveau texte (Pour rappel : le gouvernement actuel avait retiré des projets de loi depuis le début de son mandat, mais malheureusement sans les remettre sur la table de discussion parlementaire.) Faut-il en déduire que le fait de garder le même texte est une tentative de gagner du temps législatif ? Ou les réformes promises par le gouvernement ne seront-elles que des retouches apportées au texte actuel ?

Troisièmement : l’on rejette au groupe du PPS l’erreur de « lier ce texte essentiel et historique à ce que le gouvernement appelle actuellement la « dynamique du dialogue social », car la vérité est qu’en dépit de quelques acquis mineurs dans le domaine du dialogue social, il y a des tensions sociales dans plusieurs secteurs. Il y a un grand mécontentement de la classe ouvrière face à la détérioration de son pouvoir d’achat, il y a une évasion claire du gouvernement dans l’accomplissement d’un certain nombre de ses engagements (par exemple, le secteur de la santé), et il y a des violations massives du droit du travail (institutionnaliser le dialogue social n’est pas la même chose que réussir à faire des annonces et des déclarations de satisfecit démesuré accompagnées de belles images. La réussite dans l’institutionnalisation du dialogue social requiert une action difficile en profondeur et un souffle long).

Dans ce contexte, le GPS exprime une nouvelle fois son rejet de toute logique gouvernementale fondée sur la transaction de troc des acquis sociaux contre l’adoption de textes législatifs sur mesure ou de réformes attentatoires aux intérêts des travailleurs marocains (en particulier la loi sur la grève et la réforme du système des retraites).

Quatrièmement : le GPS considère que le secteur public doit servir, dans la pratique, de modèle, de locomotive et d’exemple pour le secteur privé en matière de respect des droits syndicaux et du droit de grève, et dans l’accomplissement des obligations.

Cinquièmement : En ce qui concerne le contenu du texte dans ses orientations générales, il est clair que le projet, qui est présenté au cours de cette réunion, ne répond pas aux attentes des syndicats ou aux aspirations des travailleurs. Il n’est pas conforme non plus à l’esprit et aux dispositions de la Constitution et aux engagements internationaux du Maroc dans le domaine du travail et des droits économiques et sociaux (Ce n’est pas la loi que nous voulons, malgré certains aspects positifs).

Sixièmement : le gouvernement, le parlement, les partenaires sociaux et politiques sont donc appelés à œuvrer inlassablement pour élaborer une loi organique, qui ne provoque pas de rejet catégorique de la part de tous. Et ce dans le cas même où elle ne satisfait pas tout le monde.

Septièmement : Le présent texte doit faire l’objet d’une révision approfondie, partant de la conviction collective que la grève est un droit, que son interdiction est une exception et que l’encadrement juridique doit être équilibré tout en assainissant le projet de texte de toutes les formules négatives et leur remplacement par d’autres positives.

Huitièmement : Il n’y a pas de salarié dans le monde qui se met en grève ou qui y participe par amour. Il le fait plutôt parce qu’il est obligé d’y recourir pour la défense et l’obtention de ses droits. Le texte actuel doit donc être renforcé par de fortes dispositions sur des mécanismes efficaces et contraignants de dialogue, de négociation et de conclusion de conventions collectives, en tant que meilleures méthodes proactives pour résoudre les conflits collectifs du travail, et comme solution pour réduire l’obligation de recourir à la grève.

Neuvièmement : La vision implicite de la grève comme une « atteinte à l’ordre public » doit être complètement abandonnée pour être remplacée par une nouvelle perception citoyenne, démocratique et respectueuse des droits de l’homme, fondée sur l’appréciation de ce droit par l’Etat et le secteur privé.

Ce droit devra être entouré des garanties nécessaires pour l’exercer dans les meilleures conditions, préserver la liberté du travail, les intérêts de l’entreprise, de l’économie nationale et des prestations du service public.

Dixièmement : « Le diable se cache dans les détails ». Il ne suffira donc pas de s’accorder sur des principes généraux. Au contraire, en plus de l’approche consultative qui s’impose avec les partenaires sociaux, l’on doit consacrer le temps nécessaire et loin de la précipitation, à des discussions détaillées, avec des délais suffisants pour les amendements.

En effet, de nombreuses questions importantes nécessitent de la précision et des consensus, à l’instar de la définition de la notion de grève, de l’identification de la partie en droit d’appeler à la grève et de la détermination précise des cas de violation de la loi sur la grève par les salariés et les employeurs. Et ce sans oublier les conditions et les modalités d’annonce et la prise de la décision de grève, la responsabilité quant aux circonstances et aux raisons de la grève, la définition de la notion de service minimal et l’examen des violations et des sanctions pour protéger les grévistes et les autres.

La députée a souligné aussi la nécessité d’accompagner tout ce travail de fond par l’abrogation de l’article 288 du code pénal.

M’Barek Tafsi

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