Hier, 21 février, le Maroc a célébré la Journée internationale de la langue maternelle. Une journée au cours de laquelle l’UNESCO a de nouveau évoqué des termes et expressions, à l’instar de : «diversité linguistique», «multilinguisme», «éducation multilingue» et on en passe.
Depuis 2000, la célébration de cette journée s’est articulée autour des concepts, parfois vidés de sens, pour le citoyen lambda qui se demande bien : «de quelle langue parle-t-on ?». Et la question en vaut bien la chandelle. Pour peu que l’on creuse, l’on apprend que la «langue maternelle» telle que nous la définissent les linguistes est la langue natale, «la première langue apprise par l’enfant dans l’environnement du foyer, la famille plutôt qu’à l’école». C’est celle parlée par les parents au quotidien…
Cette définition nous conduit à un constat bien triste, chez nous Marocains et Africains, en général, surtout quand on sait qu’il n’existe pas de Journée internationale dédiée aux dialectes ou langues locales. La «langue maternelle» qu’on nous appelle à célébrer le 21 février n’est plus rien d’autre que les langues étrangères, européennes, parlées désormais au quotidien par les parents africains, au grand dam des langues africaines.
Avec la prolifération, notamment du système français, la «dévalorisation» de la darija aux yeux des Marocains et des dialectes aux yeux des Africains, le français est devenu la «langue maternelle» de plusieurs petits Marocains et Africains. On se croirait en France. Et d’ailleurs, cette première maitrise du français aux dépens des langues locales reléguées au second plan est généralement un honneur pour plusieurs parents. Un triste fait qui commence à prendre de l’ampleur dans plusieurs familles marocaines aujourd’hui.
Et qui s’annonce bien plus intense, non seulement avec la mondialisation qui va crescendo, mais bien plus, au regard de certaines prévisions linguistiques. S’il est prévu que d’ici 2050, la langue de Molière sera parlée en majorité par les Africains (plus de 500 millions de locuteurs), la question sur la «langue maternelle» dans les foyers africains mérite d’être analysée avec minutie.
En déclarant que «c’est grâce à la maitrise de sa première langue que les compétences de base en lecture, écriture et calcul peuvent être acquises», doit-on comprendre de la déclaration de l’organisation onusienne que la langue maternelle doit être uniquement celle qui a un système d’écriture, de calcul ? Quid des langues sans système d’écriture ? Pourquoi faire une distinction entre langue maternelle et langues locales et réduire ces langues uniquement à la transmission de la culture, les valeurs et le savoir traditionnel ? S’il a été bien pensé de célébrer la langue maternelle, en Afrique, il est d’autant plus nécessaire de valoriser les «langues locales» comme première langue apprise, car de ces langues dépendent l’identité culturelle. Sans toutefois boycotter les langues qualifiées comme «celles du savoir» ou «utiles».
Danielle Engolo