Le conflit du Tigré, une guerre d’informations ?

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Que se passe-t-il réellement au Tigré, cette province du nord de l’Ethiopie, frontalière avec l’Erythrée, en proie depuis dix mois à un conflit meurtrier opposant les forces du gouvernement fédéral à l’autorité régionale alors que les informations en provenance de la région sont contradictoires et qu’à une guerre effective sur le terrain qui s’est soldée par des milliers de morts et des millions de déplacés et qui a plongé le pays dans une double-crise économique et humanitaire, s’est ajouté une guerre de communication qui complique davantage la lecture du conflit ?

Si le gouvernement fédéral éthiopien a déclaré, ce jeudi 9 septembre, qu’après avoir subi une importante défaite dans la région de l’Afar, les insurgés tigréens ont été obligés de quitter cette région, le Front populaire de libération du Tigré (TPLF) a démenti cette information en affirmant avoir simplement procédé à un « mouvement de troupes » et déplacé ses forces vers la région voisine de l’Ahmara, théâtre, ces dernières semaines, de sérieux accrochages.

Ce sont donc là deux versions symptomatiques de cette guerre d’information à laquelle se livrent les deux parties depuis le déclenchement des hostilités en novembre dernier ; ce qui a donné naissance à cet épais « brouillard » qui, de l’avis de la BBC, trouble aussi bien le regard des observateurs internationaux que celui les populations locales à telle enseigne que « les médias et la société civile éthiopienne sont relativement démunis lorsqu’il s’agit de discerner qui fait quoi ».

Pour rappel, avant la pandémie et l’éclatement de la guerre au Tigré, l’Ethiopie qui est avec ses 110 millions d’habitants, le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, était l’une des nations les plus performantes de la zone en termes de développement avec, durant la décennie 2010, une croissance annuelle de son PIB de l’ordre de 10% d’après la Banque mondiale. Mais, comme l’a signalé, la semaine dernière, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, ce conflit a « vidé les caisses de l’Etat de plus d’un milliard de dollars » et plongé le pays dans une grave crise humanitaire.

En outre, à en croire la BBC, près du quart de la population totale du pays vit, désormais, en dessous du seuil de pauvreté et, dans la seule région du Tigré, plus de 4 millions de civils souffriraient de conditions proches de la famine et ne disposeraient ni d’électricité ni de téléphone.

Et si, par ailleurs, les forces qui s’affrontent dans le nord de l’Ethiopie, depuis près d’une année disent la vérité à propos des morts et des pertes des deux côtés, alors cette guerre serait devenue l’une des plus meurtrières de la planète et, avec sa dynamique ethnique, son extension risquerait fort de déstabiliser les autres pays de la région alors même que tout le monde croyait qu’avec ses 110 millions d’habitants, un pays aussi grand que l’Ethiopie était à même de tenir le rôle de pôle sécuritaire régional.

Mais si ce n’est point le cas aujourd’hui, rien n’interdit, tout de même, d’espérer que, pour le bien des éthiopiens, de la région et du continent africain, les deux belligérants puissent, dans les jours ou les semaines à venir, s’asseoir autour d’une table et décider de mettre fin à leurs divergences et de faire taire le bruit des canons. Quoiqu’il en soit, attendons pour voir…

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