L’impression, un parcours de combattant…

Cinquantenaire des journaux Al Bayane

A moins de deux mois du Cinquantenaire des journaux Al Bayane, fin novembre prochain, rappelons que la parution d’Al Bayane, d’abord en langue arabe, le 24 novembre, puis en français le 6 décembre 1972, s’est inscrite dans la continuité de l’action journalistique que le Parti communiste marocain, qui n’aura connu que trois années de vie légale durant sa trentaine d’années d’existence réelle, avait inscrite comme une tradition de la lutte politique et idéologique dans notre pays.

Nous avons jugé utile de présenter l’histoire de la presse du PPS, du « chaud au froid » comme l’on dit. Avec un autre langage, c’est du plomb au digital…

En 1972, quand la presse du parti a repris son droit à la légalité, il ne possédait plus l’Impregema (Imprimerie générale marocaine) que l’UGSCM (Union générale des syndicats confédérés au Maroc), filiale de la CGT française dans notre pays.

C’est dans ces locaux que les publications du Parti communiste marocain puis celles du Parti de la libération et du socialisme étaient confectionnés.

Et dans le monde de l’édition, il y avait un ténor qui avait accompagné le parti dans son effort de publication : Si El Khyati que dieu lui rallonge la vie, dans la paix et la sérénité.  (Voir portrait).

Donc, nous vous livrons cette présentation de l’ancienne imprimerie des journaux Al Bayane.

Du plomb au digital

A ses débuts, l’imprimerie Al Bayane, sise dans l’ex-rue de la Réole (aujourd’hui rue de Benzerte) au quartier La Gironde à Casablanca se basait sur la technique du plomb comme moyen d’impression.

Et, avant que la composition photographique, puis les ordinateurs (PAO), d’une part, et la publicité, l’héliogravure et l’offset ne viennent basculer les mœurs de cet art d’imprimer.

Le système était basé sur la linotypie, dont l’élément fondamental est une immense machine dont le plomb est l’élément fondamental.

Résumons les étapes de la confection d’un journal à l’époque.

Les textes à imprimer étaient majoritairement des manuscrits qui étaient remis aux linotypistes qui devaient les saisir. La machine disposait d’un clavier électromécanique, d’une barre de distribution des caractères et d’un creuset où le plomb devrait fondre à 180 degrés Celsius si je ne me trompe.

Le clavier était comme celui d’une machine à écrire… et l’unité de composition était la ligne calculée en ciceros (une unité de base) en fonction de la mise en page (une colonne de 8 ciceros, de 14  ou de 20, respectivement pour une colonne, une colonne et demie et deux colonnes).

Le linotypiste avait comme tâche de saisir le texte, de l’assembler sous forme de la colonne commandée par le journaliste ou le maquettiste.

Le parcours du combattant

La technique utilisée consiste en la typographie traditionnelle, par l’insertion, un à un, des caractères (lettres de l’alphabet, signes de ponctuation et espaces entre mots et signes)  assemblés dans un composteur. Une fois la ligne étant pleine, elle est déposée sur une galée.

Le linotypiste, en appuyant sur un levier du clavier, il  transfère chaque ligne dans la chambre de coulée (le creuset de plomb).

Vint ensuite la reproduction du texte qui est saisi (en plomb) sur du papier pour correction.

Le correcteur signalera au linotypiste les fautes commises et les corrections à introduire. Inutile de dire le parcours de combattant  qui consiste en la reproduction de l’intégralité de la ligne où des corrections ont été signalés, avec le risque de refaire d’autres fautes car la ligne est ressaisie intégralement. Ne parlons pas quand il s’agit d’un sautant… avec la saisie de nouveaux mots ou phrases… Et là l’on apprend à lire les lignes à l’envers et à défaut il faudra refaire un tirage pour une deuxième correction.

Le linotypiste procède aux corrections des lignes et le metteur en page introduit les lignes corrigées en remplacement des lignes où des fautes figuraient…

Et quand l’ensemble des textes prévus dans une même page sont corrigés, commença alors le travail de mise en page dans des formes métalliques ayant les mêmes dimensions que les pages du journal.

Les textes sont placés sur un marbre, chacun devant la forme portant le numéro de la page.

Le metteur en page suit les instructions du journaliste qui lui transmet sa « mise en page », avec une certaine hiérarchie de l’information (Les articles les plus importants sont placés en haut de la page…).

Le s directives sont données pour mettre tel ou tel article sur les 8 colonnes (ou moins) que compte la page. Les titres suivent ces choix…

Les titres des textes sont confectionnés par des « titreurs », munis d’un composteur où sont assemblés les titres en respectant les tailles demandées et les polices de caractères…

Une fois la mise en page terminée, l’on faisait un tirage de la page (une morasse) pour corriger les titres et regarder s’ils correspondent bien aux textes, mais également vérifier si les corrections sur les lignes avaient été faites convenablement…

Toute la forme de la page, assez lourde sous le poids également du plomb, est mise sous pression (rôle de la presseuse) qui fait tomber presque 150 kilogrammes forces sur un blanc de clicherie mis sur la forme pour imprégner les caractères saillants (titres et textes), en plus des gouttières séparant les colonnes de textes…

Le flanc de clicherie ainsi imprimé servira à la confection des pages en plomb (semi cylindriques), grâce à la « fondeuse » qui a un creuset de plomb chauffant à 250 degré Celsius…

Ce sont ces plaques cylindriques qui sont mises sur les cylindres de la rotative et qui permettront l’impression du journal

La linotypie a fait ses heures de joie durant la seconde moitié du siècle dernier, notamment dans les décennies 1960 à 1980, avant de commencer à s’éclipser au profit de la photocomposition, venue en force depuis la décennie 1970 pour régner , au Maroc, durant les années 1990, avant que le métier de l’édition ne prenne un véritable coup de fouet vers la « modernité » avec le digital…

Ainsi tout bascule. La saisie des textes se fait sur ordinateur, qui seront  « flashés » sur du papier photographique et seront  sur film ou bromure …

Al Bayane fera une rupture avec le plomb, au début de la décennie 1990, avec l’introduction de la photocomposition

Mohamed Khalil

Prochain article : De la photocomposition à la PAO et au digital

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