Oui, le chômage est un fléau!

La poussée démographique de la jeunesse au Maroc constitue à la fois une formidable chance et un immense défi. En effet, si la population en âge de travailler constitue une force de travail et un moteur de changement économique et social nécessaires pour le développement; elle exerce néanmoins une pression démographique non négligeable, susceptible d’accroître de plus en plus les effectifs des demandeurs d’emplois, en particulier les jeunes, qui sont de plus en plus diplômés. Une telle évolution, par son ampleur, sa persistance et surtout ses projections dans le court et moyen termes, place la question de la création d’emplois au cœur de toute politique de développement. L’emploi des jeunes est une grande cause nationale. L’avenir du Maroc en dépend!

En effet, entre le deuxième trimestre de l’année 2016 et la même période de 2017, le taux de chômage est passé ainsi de 9,1% à 9,3% au niveau national et de 13,4% à 14% en milieu urbain. Parmi les diplômés, le taux de chômage est passé de 16,3% à 17% et parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans, il a augmenté de 23,2% à 23,5%. C’est ce qui ressort des derniers chiffres communiqués par le Haut-commissariat au plan (HCP).  Cette hausse du chômage est liée à un accroissement de la population active de 107.000 personnes non compensé par la création de 74.000 postes d’emploi. Les créations d’emploi ont été enregistrées dans le secteur primaire avec 52.000 emplois, dans les services (19.000), dans les BTP (7.000) alors que le secteur de l’industrie et l’artisanat, 4.000 emplois ont été perdus.  Aussi, la population sous-employée s’est établie à 1.086.000 personnes. Le taux de sous-emploi s’est ainsi accru de 0,1 point, par rapport au deuxième trimestre de 2016, passant de 9,8% à 9,9% au niveau national.

Ce niveau est passé de 9% à 9,1% en milieu urbain et de 10,7% à 10,8% en milieu rural. Par ailleurs, si la population active âgée de 15 ans et plus a augmenté de 0,9% au niveau national entre le deuxième trimestre de 2016 et celui de 2017, la population en âge d’activité s’est accrue, de 1,7%, poussant le taux d’activité à la baisse de 47,7% à 47,3%. In fine, même avec un faible taux d’activité, de 47,3%, dans le milieu urbain, le chômage et la sous-activité culminent à un taux de de 23,1% quand ce niveau est de 19,2% au niveau global. Ainsi, le Maroc compte actuellement 2,2 millions de chômeurs ou d’actifs sous-employés.

Ce fléau s’explique par la faible intégration des jeunes notamment les diplômés dans le marché du travail. En effet, les spécialistes en recrutement estiment que, de nos jours, le diplôme à lui seul ne protège plus contre le chômage. Ils rappellent que dans le passé, avoir un diplôme donnait automatiquement accès au marché du travail. Depuis, les temps ont changé. En effet, la croissance démographique et l’impossibilité pour l’Etat d’absorber, à lui seul, la très forte demande en emplois ont fait que de plus en plus de jeunes diplômés se retrouvent face au chômage qui peut durer plusieurs années. Les mêmes sources expliquent que les chômeurs doivent songer à intégrer les secteurs qui offrent le plus d’opportunités en attendant des jours meilleurs. Les syndicalistes, eux, estiment que le chômage, notamment des jeunes, est une bombe à retardement qu’il faudrait désamorcer au plus vite, pour éviter toutes conséquences imprévisibles dans les années à venir.

A notre niveau, l’analyse de la situation actuelle du travail nous amène à retenir trois obstacles qualitatifs dans le marché de l’emploi des jeunes. Il s’agit notamment de la communication insuffisante entre les entreprises et les postulants. En effet, malgré les progrès réalisés par l’Agence Nationale de Promotion de l’Emploi et des Compétences (ANAPEC), la circulation de l’information sur les recrutements et les postes à pourvoir n’est pas assez fluide. En particulier, les jeunes n’ont pas un budget conséquent d’achat de journaux, pour suivre les annonces d’emploi. Enfin, il est rare que les entreprises, désignent clairement les personnes responsables du recrutement avec des coordonnées transparentes et une interaction avec les demandes reçues. La passerelle insuffisante entre les stages et les recrutements. La culture des entreprises en termes de stages n’en fait pas un vivier de recrutement. En effet, la conversion des stages en CDD ou en CDI est assez rare. Ces derniers (stages), étant considérés plus comme un service rendu à une personne ou à une université que comme un réel besoin.

Or, une reconsidération du rôle des stages avec des fiches de poste claires, pourrait rendre service aux entreprises et améliorer l’employabilité du stagiaire. Enfin, l’utilisation insuffisante du net. En effet, peu d’entreprises marocaines ont des portails d’emploi, permettant le stockage automatique des CV, l’orientation des demandes et le suivi du dossier de candidatures. C’est ainsi que seuls certains sites de recrutement, remplissent partiellement cette fonction. Par ailleurs, force de constater que les jeunes d’aujourd’hui ont naturellement un goût personnel pour l’entreprise plus prononcé que leurs ainés. D’ailleurs, parmi toutes les interventions des Etats, du secteur privé et de la société civile mises en œuvre pour résoudre la question de l’emploi des jeunes, l’aide apportée aux jeunes créateurs d’entreprise est la plus efficace.

L’employabilité des jeunes diplômés au Maroc est une opération difficile et complexe, comme presque dans tous les pays du Monde. Elle nécessite la participation effective de l’État, du secteur privé, des professionnels, des Associations, des ONG, des Institutions de Formation. En effet, le niveau du chômage influence fortement la consommation et donc l’économie en général. Un des principaux moteurs de l’économie est la consommation. Une baisse de celle-ci entraînera mécaniquement une chute de croissance. Les chômeurs verront leur pouvoir d’achat se réduire, et dépenseront moins.

Certes, certaines dépenses sont incompressibles, comme le loyer ou encore des remboursements de crédits, mais les chômeurs décaleront leurs achats non indispensables (téléviseur, automobile, etc.). Cette baisse de la consommation peut toutefois être fortement freinée par le parachute social. Alors que dans certains pays, la perte de l’emploi signifie la perte de tous les revenus. C’est en réalité le chômage qui impacte directement l’économie d’un Etat et sa diffusion périodique peuvent donc être un facteur anxiogène pour une économie en mauvaise état.

Phénomène de société et d’économie, le chômage des jeunes reste un objet sociologique très largement présent sur la scène médiatique et politique. D’ailleurs, d’énormes progrès ont été accomplis ces dernières années en vue de comprendre les complexités de l’emploi des jeunes et la manière de le promouvoir. C’est ainsi que le Maroc instaure des politiques macro-économiques et sectorielles favorables à l’emploi et travaille sur la promotion de l’inclusion de la force de travail qualifiée et l’encadrement des PME, l’appui de la transmission des TPE vers la formalité et de le développement des emplois de proximité.

Kaoutar Khennach

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