La chiure des goélands, ces grosses mouettesqui pleurent

Texte d’un récit à venir

Par : M’barek Housni

C’est comme un coup tiré d’un silencieux, le guano.

Ça ne tue pas, ça déconcerte le plus zen d’entre nous. Ça vient d’en haut, du ciel, et seul celui qui est touché s’en aperçoit.

Au port, un marin pêcheur m’avait déjà averti. Ton séjour ne commencera vraiment que le jour où un goéland te chie dessus. Voilà, c’est fait. Un coup bref, au vol. C’est tombé sur l’épaule droite, a fait une tache jaunâtre mêlée de filets de blanc, et c’est nauséabond.  Pris sur le coup, surpris, ébahi le plus désagréablement au monde, comme après avoir pris un ballon en plein figure, lancé par un garçon insouciant. Sauf que ce n’est pas douloureux. Mais l’impact est visible, et la tache persiste. On a beau essayé de l’enlever par le moyen d’un kleenex, ça reste. Pire, ça s’étale et marque l’épaule comme une enseigne. Une jolie enseigne qui fait sourire les badauds.

Bienvenue à Mogador. 

Et il ne sert à rien de jurer, d’insulter ces bêtes immondes. Imaginez cette tache sur la chemise en lin d’une belle européenne ou américaine qui prend du soleil sur le banc de la place Castello Réal face au muret qui sépare la ville des rochers. Une catastrophe !

Et dire qu’on les chante, qu’on dit qu’ils portent bonheur lorsqu’ils vous atteignent de la sorte, ces maudits oiseaux, qu’on les loue, qu’on en use pour des images ou des comparaisons en poésie. Désolant constat. On se trompe lourdement à leur sujet. En arabe, ils ont un nom si poétique qui inspire toujours maints textes littéraires, nawrass. Sous le prétexte qu’il est capable, ce mangeur de vers de terre, de parcourir plus de cinq cents kilomètres pour fuir le froid à la recherche de coins chauds. Voyager, oui on veut bien. Mais piètre quiproquo. Toutefois, il faut avouer que son allure cache son jeu. Avec son plumage blanc et gris et le jaune brillant de son bec où se niche un point rouge singulier. Quel contraste ! Sans oublier son regard filtré et aigu de ses yeux ronds et perçants. Futé, l’oiseau.

Ils ne cessent de crier le long de la journée. Leur piaillement est l’ennemi de la tranquillité. On dirait qu’ils ne dorment jamais. Leurs cris ressemblent à des pleurs de bébé. Et au fait, c’est ce qu’ils font si l’on croit les bretons qui leur ont donné ce nom. Gouelan en breton veut dire pleurer. Heureuse découverte confirmée par ces cousins du nord.

Et ces pleurs, on n’en échappe pas.  Tu as beau faire, tu n’auras jamais de grâce mâtinée. Ils vous réveillent tôt le matin, où tu te trouves, au fond d’une chambre sombre de la médina où dans une chambre d’hôtel huppé. Ils sont là, partout.

Normal. Là où il y a un port et des sardines, ils y seront. Ils créent leur présence et se font même des alliés, des défenseurs. Comme cet homme connu de toute la ville. Chaque matin, il vient dans la place le dos chargé d’un gros sac de sardines. Dès qu’il apparaît, ils courent vers lui, l’entourent, volent au-dessus de sa tête. Ils attendent patiemment qu’il leur distribue les chères sardines.

Il les gave de poissons pour enfin chier sur mon épaule. Me voilà se baladant en portant une partie d’eux, la plus désavantageuse, dans l’attente de la fin de la journée.

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