Agents infectieux et cancers: les moyens de prévention existent

Le cancer est une maladie multi-facette et multifactorielle. C’est une pathologie très complexe, faisant intervenir plusieurs déterminants et facteurs de risque. Au Maroc, le cancer occupe une place de plus en plus importante dans les préoccupations sanitaires. Il est la deuxième cause de mortalité dans notre pays après les maladies cardio-vasculaires, soit 11,3% (MS, 2008). On estime le nombre de nouveaux cas de cancers entre 30 000 et 40.000 par an.

Du 8 au 12 octobre,  une rencontre a été organisée par l’Institut Pasteur du Maroc sur le thème «agents infectieux et cancer: de la clinique aux nouveaux bio-marqueurs».

La problématique du cancer au Maroc, une maladie dont l’incidence est en constante augmentation depuis des années, est un grave problème de santé publique qui préoccupe les décideurs, les professionnels de santé et de la population.

Selon les derniers chiffres de l’OMS sur l’incidence du cancer au Maroc en 2014, le cancer du sein arrive en tête chez la femme avec 6.650 cas, suivi en deuxième position par le cancer du col de l’utérus (2.258 cas), le cancer du côlon et du rectum (1.126), le cancer de la thyroïde (929) et le cancer de l’ovaire (735).

En outre, l’incidence du cancer chez l’homme indique que le cancer du poumon arrive en premier avec 3.497 cas, suivi du cancer de la prostate (2.332), le cancer de la vessie (1.429), le cancer du côlon et du rectum (1.358) et le lymphome non hodgkinien (1.089).

Depuis des années, beaucoup de citoyens croient que le cancer est une sorte de malédiction, un mal incurable (marde khbit), et chaque fois qu’une personne est diagnostiquée du cancer, celle – ci voit ses jours comptés. Mais, aujourd’hui, grâce aux nombreux travaux de recherche qui sont entrepris à l’échelon international dans le domaine du cancer, des progrès ont permis  une meilleure connaissance de ces pathologies.  Aujourd’hui, de grands espoirs existent pour vaincre le cancer, grâce notamment  aux stratégies novatrices de prévention des cancers basées sur la vaccination et le contrôles des agents infectieux.

Pour en savoir davantage sur les mécanismes physiologiques expliquant la relation entre les agents infectieux et les cancers, nous avons rencontré le docteur Fatima Maachi, responsable du laboratoire H. Pylori et pathologies digestives et responsable du service enseignement à l’Institut Pasteur Maroc à Casablanca.

Fatima Maachi, docteur en médecine à l’Institut Pasteur Maroc 

«La jeune fille doit être vaccinée avant le début de sa vie sexuelle, contre le cancer du col de l’utérus»

Al Bayane : qu’est ce qui a motivé le choix d’un tel sujet ?

Fatima Maachi : Le sujet de cette rencontre «infections et cancers» n’est pas fortuit ; il est motivé par les chiffres alarmants de certains cancers qui sont étroitement liés aux infections. A titre d’exemple, si on prend le cancer du col de l’utérus, il faut savoir qu’au Maroc, ce cancer est le deuxième par sa fréquence chez la femme après le cancer du sein.

Si on voit les chiffres des cancers du col de l’utérus qui existent au Maroc (2258) par rapport à nos voisins du Maghreb, Algérie (1288) – Tunisie(256), nous constatons que nous enregistrons plus ce cas que nos voisins et même plus que l’Egypte (866).

Aujourd’hui, on sait que le cancer du col de l’utérus est causé principalement par les virus,  les papillomavirus humains (HPV). Grâce aux recherches qui ont été réalisées, il y a aujourd’hui la possibilité de vacciner contre ce type de cancer.

A qui s’adresse ce vaccin ?

Il faut savoir que la contamination a lieu le plus souvent dans les premières années de la vie sexuelle. Ce que les parents doivent savoir et qui est à mon sens très important, c’est que la jeune fille doit être vaccinée avant d’être exposée au risque d’infection par les  papillomavirus humains (HPV), c’est-à-dire avant le début de sa vie sexuelle. En effet, les risques de contamination par les HPV apparaissent dès les premiers rapports sexuels.

De ce fait, la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) est recommandée entre 11 et 14 ans. Elle a pour objectif de prévenir cette pathologie.

La rencontre que nous avons organisée à l’Institut Pasteur Maroc avait pour objectif de sensibiliser les cliniciens quant à l’importance de la sensibilisation des parents à vacciner leurs filles contre les HPV.

Qu’en est – il du cancer de l’estomac ?

Lors de la rencontre que nous avons organisée au niveau de l’institut Pasteur Maroc, les experts et chercheurs ont traité les problèmes engendrés au niveau de l’estomac par une bactérie connue sous le nom d’Helicobacter pylori.

Au Maroc, nous avons une prévalence de 70 % de personnes portant cette bactérie, mais qui sont asymptomatiques, c’est-à-dire qu’ils ne présentent aucun signe. La transmission est oro- orale par la bouche  et des parents aux enfants.  Nous savons que cette bactérie est responsable d’infections chroniques des muqueuses gastriques et duodénales qui débutent généralement dans l’enfance  et peuvent évoluer au bout de plusieurs années en gastrites, ulcères ou cancer  (adénocarcinomes) qui est présent dans environ 1% des cas.

Les traitements actuels de l’infection de l’estomac par la bactérie Helicobacter pylori sont fondés sur une triple thérapie constituée d’un inhibiteur de la sécrétion acide et d’une combinaison de deux antibiotiques. Pour l’heure, il n’y a pas de vaccin.

Que pouvez – vous nous dire au sujet du cancer du foie ?

C’est un cancer peu fréquent chez nous, par rapport à d’autres pays comme l’Egypte où l’incidence est de 17621 cas,  ou l’Algérie (427 cas). Nous enregistrons au Maroc 340 cas. C’est un cancer grave qui cause beaucoup de décès. Le problème c’est que souvent, les symptômes n’apparaissent généralement que lorsque le cancer est évolué. Grande fatigue, perte d’appétit, perte de poids, affaiblissement général, douleurs abdominales et jaunisse comptent parmi les symptômes de ce cancer.

Connait-on aujourd’hui mieux les facteurs de risque associés à la survenu d’un cancer du foie ?

Oui effectivement, le principal facteur de risque c’est la survenue d’une cirrhose, 90 % des patients qui vont développer un cancer du foie ont une cirrhose. On sait que les principales causes du cancer du foie sont l’alcool, les virus de l’hépatite B et C et ensuite la stéatose – hépatique (beaucoup de graisse au niveau du foie).

L’hépatite virale est une inflammation du foie, le plus souvent provoquée par une infection virale. Les cinq virus des hépatites A, B, C, D et E provoquent des affections de sévérité et d’évolution diverses. Les virus des hépatites B et C sont responsables des formes les plus graves et susceptibles d’entrainer après quelques années une cirrhose et un cancer du foie.

Peut -on prévenir le cancer du foie ?

Il faut savoir que les virus qui provoquent les hépatites B et C (VHB et VHC) sont la cause de la plupart des carcinomes hépatocellulaires, car ils entrainent une maladie chronique  du foie. Il est impossible de prévenir le cancer du foie à coup sûr, mais il est possible de réduire les risques de le développer en se protégeant contre les virus de l’hépatite B et C.

En termes de lutte contre ces fléaux au Maroc, le vaccin contre l’hépatite B a été introduit dans le programme élargi de vaccination dès 1999 et a permis de baisser l’incidence de cette infection qui touche environ 2 Marocains sur 100. Si ces moyens thérapeutiques ont été probants pour l’hépatite B, il y a lieu de rappeler que pour l’heure, il n’existe pas de vaccin pour l’Hépatite C. C’est pourquoi nous insistons sur les mesures d’hygiène strictes.

Comme il s’agit d’une transmission par le sang, la protection des rapports sexuels (préservatifs) est une règle quand on a plusieurs partenaires. Dans le même sens, il faut éviter l’échange d’objets de toilette (brosse à dents, rasoir), car ils peuvent être souillés par du sang, éviter le tatouage ou piercing si des mesures d’hygiène strictes ne sont pas respectées, éviter de consommer de l’alcool de façon excessive.

Toujours en ce qui concerne l’hépatite C , il faut souligner ici qu’à partir du 31 mars 2016, les patients atteints d’hépatite virale de type C ont vu accroitre considérablement leurs chances de guérison car ils ont pu bénéficier de médicaments modernes anti-hépatite C, fabriqués localement et mis sur le marché national à des prix très abordables et remboursés par l’assurance maladie, ce qui permet d’envisager l’ambitieuse perspective d’éradiquer l’hépatite C conformément aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Propos recueillis par : Ouardirhi Abdelaziz

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