Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
L’Assemblée nationale togolaise, largement dominée par l’Union pour la République (UNIR) car après avoir boycotté le scrutin législatif de 2018, l’opposition n’y est quasiment pas représentée, a doté le pays d’une nouvelle constitution ce 25 Mars 2024.
Adopté à une écrasante majorité puisque 89 députés ont voté pour alors qu’un seul s’y est opposé et qu’un seul autre s’est abstenu de participer au vote, le nouveau texte constitutionnel, qui fait passer le pays à une Vème République, redéfinit les mécanismes de désignation du chef de l’Etat et redistribue les pouvoirs entre les institutions.
Ainsi, à la veille des élections législatives et régionales qui auront lieu le 20 Avril prochain, le Togo vit à l’heure de la transition vers une Vème République puisqu’il rompt radicalement avec l’ancien système dans lequel le président, qui était élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq années, renouvelable une seule fois, nommait le Premier ministre et les ministres.
En disposant que le Chef d’Etat est, désormais, élu par l’Assemblée nationale et le Sénat, réunis en Congrès mais « sans débat » et pour un mandat unique de six (6) ans, le nouveau texte constitutionnel fait passer le pays d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire où le Président n’aura plus qu’une fonction honorifique et crée, pour cela, une nouvelle fonction dans l’appareil d’Etat.
Il s’agit, notamment, de la fonction de « président du conseil des ministres » qui sera exercée par le leader du parti ou de la coalition majoritaire issue des élections législatives qui, en étant élu pour un mandat de six (6) années, détiendra une autorité considérable dans la gestion des affaires gouvernementales et sera responsable devant le Parlement.
Ainsi, dans la nouvelle architecture institutionnelle du Togo, la fonction de « président du conseil des ministres » devient « prépondérante » car, comme l’a précisé le président de la commission des lois constitutionnelles à l’Assemblée Nationale togolaise, Tchitchao Tchalim, « le chef de l’Etat est pratiquement désinvesti de ses pouvoirs en faveur du président du Conseil des ministres » et c’est, désormais, à ce dernier qu’il appartient aussi bien de représenter «la République togolaise à l’extérieur » que de « diriger le pays dans sa gestion quotidienne».
Pour rappel, en 2019, l’Assemblée nationale togolaise avait déjà révisé la Constitution du pays en limitant à deux les mandats présidentiels et, par la même occasion, « remis les compteurs à zéro » pour le président Faure Gnassingbé qui, en 2005, avait succédé à son père Eyadéma Gnassingbé qui avait dirigé le Togo d’une main de fer pendant trente-huit années.
Aussi, pour de nombreux observateurs, cette nouvelle révision constitutionnelle, dont la date d’entrée en vigueur n’a toujours pas été précisée, n’est qu’une manœuvre qui permettra à l’actuel président d’abandonner un poste, désormais vidé de toute sa substance, pour occuper le fauteuil de président du Conseil des ministres qui, comme l’affirme l’opposition, a tout l’air d’avoir été « taillé » pour lui puisqu’il n’aura même plus besoin de s’appuyer sur le « suffrage universel » pour gouverner.
Sachant, enfin, que cette nouvelle loi fondamentale en vertu de laquelle le président de la République du Togo ne sera plus élu au suffrage universel direct dès lors que cette prérogative est, désormais, dévolue aux députés et aux sénateurs réunis en Congrès, ne fait pas l’unanimité, attendons pour voir…