«Le Pavillon de l’exil» est le thème de la prochaine exposition de l’artiste Mounir Fatmi qui sera dévoilée au public dès septembre prochaine sur les cimaises de la galerie De Lacroix à Tanger, ville où l’artiste a vu le jour en 1970.
Mounir Fatmi, qui a vécu la fin de la vie de deux grandes figures de la littérature universelle, à savoir Mohamed Choukri et Paul Bowles, s’est inspiré du mouvement Beat Generation. Il retrouve sa ville pour y exposer ses œuvres sur l’exil. Un thème majeur pour cet artiste. «J’expose là où on m’invite. Là où j’arrive, je ramène quelque chose avec moi», déclarait l’artiste lors d’une interview. Quand on parle de déplacement, on songe immédiatement au voyage, à la rencontre… de l’autre. «Je me considère comme un travailleur immigré. Mon travail consiste à examiner ce que c’est d’être un artiste, lorsqu’il se sent étranger à son propre contexte culturel, voire à son propre rôle», expliquait l’artiste dans une vidéo sur ses œuvres.
C’est dans cet «exil choisi» de l’artiste qu’est née cette œuvre dense, pointue et profonde. «De l’exil, j’ai fabriqué des lunettes pour voir : j’ai écrit cette phrase en 1998. Depuis, je me pose la question de l’exil, ou plus précisément, c’est la question de l’exil qui s’est toujours posée à moi. Ayant volontairement quitté le Maroc, j’ai vécu dès lors avec la conscience aiguë de la séparation, du déplacement, du poids de l’identité. J’ai inscrit alors ma démarche dans ce déplacement permanent en l’affirmant dans plusieurs œuvres et expositions personnelles», a-t-il déclaré.
Le projet «le Pavillon de l’Exil», qui a déjà été présenté à la Biennale de Venise, dans le Pavillon Tunisien, pose «la question de l’exil comme un nouvel espace à réinventer, à repenser et finalement à investir», explique Mounir Fatimi. «Il veut interroger de manière à la fois globale et spécifique les liens entre les différentes formes de déplacements, qu’il s’agisse de la situation du migrant travailleur, de l’expatrié, du réfugié ou encore de l’exilé de guerre, de catastrophes naturelles, de problèmes économiques, de persécutions politiques ou raciales», a-t-il ajouté.
L’exil demeure un thème toujours d’actualité et un lieu de réflexion par excellence ! Toutefois, la démarche de Mounir Fatimi est décontructrice pour ne pas dire destructrice dans la mesure où elle use un coup de marteau pour détruire les idoles, les mythes, la doxa. L’artiste sculpte une nouvelle forme dans les objets religieux pour en chercher un sens nouveau. C’est à travers ses photographies, vidéos, installations, peintures ou sculptures que l’artiste questionne cette société moderne et possédée par l’étant et les lumières factices du paraître. Il n’interroge pas uniquement l’extrémisme, l’obsolescence, le pouvoir, les médias, la religion, l’idéologie, la politique à travers des matériaux simples, mais il y présente une nouvelle vision vis-à-vis du monde et vis-à-vis de l’autre.
Exil forcé ou exil choisi : le thème a tant inspiré les penseurs, les philosophes et les artistes de tous les temps. Il est le point de départ des réflexions et des œuvres artistiques sur les questions de l’identité, de l’autre et d’autrui. «Seul l’étranger qui est en chemin, dans la rupture, peut dire «Je». Ce qui est devant lui le renvoie à son image; ce qui est derrière lui, à son visage perdu», déclarait Edmond Jabès. Hannah Arendt, qui a elle aussi vécu l’exil, confiait dans la même optique que : «pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres». Et Sartre d’affirmer : «l’autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même».
Mohamed Nait Youssef