Dans une récente déclaration, le ministre du Tourisme reconnaît la déchéance du plan d’action consacré au balnéaire du royaume. Loti dans les méandres d’une étendue paradisiaque de plus de 3600 kilomètres, le littoral du pays offre un potentiel naturel de premier choix. Depuis des décennies déjà, le département de tutelle fait de cette opportunité stratégique l’une des plaques charnières de sa politique du tourisme national.
Cependant, à en croire les derniers dires du responsable du secteur, le Plan Azur cumule des revers cuisants dans nombre de sites dédiés à cet effet, notamment le Lexus et le Taghazout. Le premier souffre toujours de la dyspnée de son développeur-aménageur, le second subit les affres du retard, du désistement et de la déviation de sa trame initiale. En dépit des airs rassurants du ministre, on ne saurait se fier à un satisfécit béat que les expériences antérieures ne cessent d’hypothéquer et de compromettre.
En effet, à cinquante kilomètres au sud de Tan Tan, les premiers coups de pioche de la nouvelle station balnéaire prévue à l’estuaire de l’oued Chbika étaient amorcés, il y a belle lurette. Ce méga projet touristique, qui s’entame bien avant le lancement du village écologique de Tifnit au parc national Souss massa, est en train de boucler la trilogie du Plan Azur dans le sud, à savoir Mogador, Taghazout et Plage Blanche. Le projet de Chbika est spécialisé dans la branche Hôtels et Tourisme du puissant groupe égyptien Orascom, qui compte parmi les plus grands aménageurs développeurs de stations touristiques intégrées dans le monde. En 2007, il avait signé un accord avec le gouvernement marocain, ainsi qu’un contrat avec la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) pour un financement de 35% dans la corbeille de la mariée. L’investissement total est à hauteur de sept milliards de dirhams. Une aubaine dirait l’autre, pour l’industrie touristique nationale, en quête d’opportunités capacitaires pouvant contenir une clientèle internationale haut de gamme et, partant, drainer des capitaux dans notre pays.
Où en est ce projet d’envergure ? On a tendance à ne plus croire à ces sorties fracassantes !
L’effilochement répétitif de Taghazout, depuis plus d’une décennie, est encore présent dans les esprits. Certes, les travaux hors site, en particulier, redémarrent, après une inertie agaçante, mais l’on se demande pour combien de temps et pour quel dessein touristique si l’on sait que la majeure partie du projet est destinée à l’immobilier, contrairement à son montage conceptuel de départ.
Il va alors sans dire que la problématique du Plan Azur, qui traine encore, depuis la première vision 2010, comme s’il tirait des boulets, relève, sans contexte, de la mauvaise gouvernance. Il n’y a pas de doute, le potentiel naturel d’une plage baptisée Blanche, qui s’étend sur 60 kilomètres, est attractif et tente les investisseurs de toutes parts pour y monter des projets de haut standing. Le bord de mer constitue un refuge pour les oiseaux migrateurs, abritant des populations considérables de flamants roses et d’autres espèces rares. Les promoteurs se sont engagés à préserver ces trésors de la nature et ont justement choisi ce site en raison de ses particularités géographiques et naturelles, pour en faire une destination exclusive. L’enjeu est donc à la fois économique et écologique. Cela voudrait dire, en fait, qu’il était beaucoup plus question de se préoccuper de l’écosystème et de la biosphère pour assurer les équilibres naturels que des revenus en matière de fonds. Mais il faut, avant tout, veiller au respect des engagements d’autrui pour éviter les gâchis… Rien de tout cela ne se fait ressentir, depuis déjà fort longtemps.
Le Plan Azur s’ajoute donc à cet élan démesuré d’optimisme dont font preuve certains de nos responsables, sans pour autant en calculer les contraintes du concret et les moyens de finalisation.
Saoudi El Amalki