Le Mexique et le Maroc
Par Mohammed Tafraouti
La Fondation Internationale pour la Paix et le Développement Durable, en coordination avec l’Université Moulay Ismaïl de Meknès et l’Université Autonome de Campeche (UACAM) au Mexique, et l’association régionale des jeunes pionniers en économie et politique- la région Dakhla Oued Eddahabe a organisé le lundi 7 avril 2025 un important webinaire international intitulé : «Les énergies durables dans le Sud global : opportunités et défis pour le Maroc et le Mexique», au cours duquel des experts des deux pays ont analysé les progrès réalisés et les défis rencontrés en matière de transition énergétique.
Le webinaire s’est articulé autour de quatre axes stratégiques : les contextes nationaux, les projets stratégiques, le cadre juridique, ainsi que les perspectives de coopération Sud-Sud.
Le Dr Pascual López, ancien directeur du Centre de l’énergie, a ouvert les interventions en présentant le potentiel considérable du Mexique dans le domaine des énergies propres, tout en évoquant les défis liés à la législation, aux infrastructures et à l’investissement. Il a déclaré : «Il ne suffit pas de changer la source d’énergie ; il faut également transformer les rapports de pouvoir qui ont historiquement exclu les communautés rurales du développement énergétique.»
Mme Brillyth Zavala a évoqué le cas de l’Isthme de Tehuantepec, où des projets éoliens ont engendré des conflits sociaux, soulignant que «l’énergie renouvelable est souvent présentée comme intrinsèquement positive, sans reconnaître les impacts sociaux et environnementaux qu’elle peut avoir lorsqu’elle est imposée sans consultation». Elle a également insisté sur le fait qu’au Mexique, «la consultation libre, préalable et éclairée reste insuffisamment appliquée. On simule une participation sans qu’il y ait un véritable consentement.»
Le Dr Limam Boussif a quant à lui souligné le grand potentiel de la réserve saharienne au sud du Maroc et les investissements publics qui répondent aux besoins de développement national et local des communautés. La Dr Amina El Mekaoui a rappelé les similitudes des initiatives de transition énergétique dans le sud du Maroc, notamment à Dakhla et Laâyoune, où existe un centre important dédié au développement scientifique des écosystèmes. Elle a déclaré : « L’objectif est de travailler avec les communautés sahariennes, les nomades de la région, pour préserver leurs coutumes, leurs écosystèmes et leurs traditions alimentaires, en veillant à ce que les nouvelles énergies ne perturbent pas ces modes de vie qui constituent l’essence même de l’identité locale.»
De son côté, le Dr Saif Ben Abdennour a présenté les progrès réalisés en matière de transition énergétique dans le nord du Maroc, où des investissements importants sont en cours. Il a souligné que « l’implication active et intégrale des communautés est indispensable pour un véritable développement durable».
Il a également recommandé de privilégier l’axe Sud-Sud au lieu de s’aligner uniquement sur une logique Nord-Sud, suggérant de créer une dynamique de travail et d’échange d’expériences entre les pays du Sud. Il a déclaré que les énergies durables représentent une opportunité historique pour les pays du Sud de se positionner comme des sources d’innovation et non seulement comme des consommateurs de technologies. Il a ajouté que le Maroc et le Mexique sont des modèles de pays capables de surmonter les défis en construisant des politiques énergétiques globales, équitables et durables, insistant sur la nécessité de soutenir la recherche locale dans les technologies adaptées au Sud, d’assurer l’inclusion des citoyens et de la société civile dans les prises de décision, de créer des mécanismes de financement innovants (fonds verts, partenariats Sud-Sud), et de consacrer une partie des énergies durables au développement social (éducation, santé, accès à l’eau…).
Le Dr Luis Ramírez Carrillo, docteur en sciences sociales et écrivain, est intervenu pour souligner que «tandis qu’au Maroc la propriété foncière est essentiellement publique, facilitant ainsi la prise de décisions, au Mexique, il existe plusieurs types de propriété (communale, collective, etc.), ce qui rend les processus décisionnels plus complexes».
L’intervention du Dr Marcelino García Benítez, de l’Institut de gestion des risques et du changement climatique de Chiapas, a apporté une dimension scientifique importante grâce à son expertise en matière de risques environnementaux. Les participants ont insisté sur l’importance de mettre en œuvre des stratégies participatives répondant aux besoins des communautés, ainsi que sur l’importance de l’éducation et de l’appropriation technologique.
Concernant le Mexique, les participants ont unanimement reconnu le potentiel prometteur pour les investissements dans les énergies propres. Toutefois, la Dr El Mekaoui a averti que «l’énergie renouvelable au Mexique est multidimensionnelle sur les plans politique, social et économique, et que l’approche néolibérale adoptée génère des dynamiques de dépossession foncière, soulevant des interrogations sur le lien entre propriété et investissement».
Les différents intervenants ont convenu qu’il existe de grandes opportunités de coopération entre le Maroc et le Mexique, et que l’éducation est cruciale pour sensibiliser à l’importance des énergies alternatives. Le webinaire a connu une forte interaction avec le public.
Les intervenants ont souligné que « le rôle de ces initiatives, des échanges d’expériences et des forums ne peut être dynamique sans un renforcement des relations bilatérales entre des pays qui partagent une longue histoire ». Ils ont également souligné la nécessité de lancer des projets de traduction de textes de l’arabe vers l’espagnol et vice versa sur des sujets vitaux, démontrant que la coopération Sud-Sud peut ouvrir de vastes perspectives d’échange et de développement conjoint dans le domaine énergétique.
Cette rencontre a constitué une opportunité importante pour un échange d’expériences et de visions, ouvrant la voie à une coopération académique entre le Maroc et le Mexique, et posant les bases de futurs échanges qui renforceront les stratégies de transition énergétique dans les deux pays, dans une perspective inclusive, durable et respectueuse des spécificités des communautés locales. Il convient de noter que le webinaire a connu une participation importante de plusieurs universités mexicaines telles que l’UNAM, ainsi que d’institutions de Mazatlán, Colima, Mexico et Nayarit, couvrant les domaines de l’ingénierie, des sciences sociales et environnementales.
Le webinaire a été dirigé par le Dr José Herrera, professeur chercheur au Centre de recherches juridiques de l’Université Autonome de Campeche et directeur de la Fondation, avec le soutien actif de la Dr Amina El Mekaoui, vice-directrice de la Fondation et chercheuse au Mexique auprès du SECIHTI (Secrétariat des sciences, humanités, technologie et innovation). D’origine marocaine, la Dr El Mekaoui est spécialisée dans les projets de développement énergétique communautaire dans le sud-est du Mexique. Son expérience en tant que titulaire d’une chaire scientifique dans l’État du Yucatán et la direction d’un projet PRONAII dans le cadre des Programmes nationaux stratégiques a enrichi le dialogue scientifique entre le Maroc et le Mexique.
Le webinaire a réuni un panel d’universitaires distingués. Côté mexicain, ont participé le Dr Pascual López de Paz de l’Université des Sciences et Arts du Chiapas, et Mme Brillyth Zavala Ceja de l’Université Autonome de Campeche. Du côté marocain, le Dr Limam Boussif, président de l’Association Régionale pour l’Économie et la Politique dans la région de Dakhla-Oued Ed-Dahab, et le Dr Saif Ben Abdennour de l’Université Moulay Ismail.