El Jadida rend hommage à un grand défenseur de son patrimoine

revigoré et actif. Physiquement, il souffrait certes. Mais il n’en parlait pas. Ce qui le préoccupait c’était les souffrances de la ville d’El Jadida. Ses deux derniers articles publiés sur les colonnes d’Al Bayane «El Jadida, indigne- toi» et «J’ai vu des oiseaux morts et des oiseaux pleurer» explicitent ce souci incessant qu’il se faisait de l’environnement, de la nature, des traditions et de tout ce qui défigurait, d’une manière générale, d’El Jadida, de la région et de leurs habitants.
Michel Amengual est parti pour de bon. Mais le Grand El Jadida ne l’oubliera jamais pour les grands combats qu’il a menés pour son histoire, sa culture et son patrimoine. En témoignent ces ouvrages-trésors pour la mémoire de cette région qu’il avait toujours chérie. Dont le précieux «El Jadida, capitale des Doukkala».
En donnant ce titre à son ouvrage, l’auteur a repris un slogan ancien qui présente «le Deauville marocain» comme «la Reine des plages et la capitale des Doukkala». Mais il fallait réactualiser cette image des années 70. Depuis, El Jadida et les Doukkala ont bien changé et ont encore embelli. Michel Amengual avait voulu mettre en évidence des changements qui laissent présager une glorieuse destinée pour la province.
Lors de la présentation de cette œuvre dans une conférence de presse, un très nombreux public jdidi a veillé à être présent aux côtés des représentants de la presse nationale, locale et des invités de marque. Dont le gouverneur de la province, Mouâd Jamî, et El Mostafa Ktiri, le Haut commissaire de la résistance et de l’Armée de libération.
Cette présence massive du public était une manière de lui exprimer sa reconnaissance et sa gratitude pour services rendus à leur ville et à ses habitants. Certes, plusieurs écrits existent déjà. Mais celui-ci a la particularité de réunir l’écrit et la photographie, de rapprocher le texte de la lumière, de la beauté et de la générosité de la nature. Mouaâd Jamaï avait souligné, en cette occasion, que «la région des Doukkala et sa capitale El Jadida méritent de nombreux ouvrages que j’assume avec plaisir, par amour pour cette région, par amitié pour les Doukkalis qui m’ont adopté et par fierté en tant que Marocain. Ce livre est le fruit d’un travail de longue haleine. Son auteur a réuni ici des connaissances approfondies sur une région qu’il a traversée en tout sens, en prenant le temps de saluer, d’écouter ceux qu’il rencontrait. D’où ce regard à la fois objectif et emprunt d’une tendresse toute particulière pour une ville où il a choisi de s’établir. L’autre intérêt de ce livre est d’aborder le passé, le présent mais également l’avenir de cette région, un avenir qui s’annonce des plus prometteurs. En effet, pour El Jadida, et la région des Doukkala, l’histoire est désormais en marche», a-t-il ajouté.
Quant à Michel Amengual, l’auteur de ce beau livre, il avait expliqué à l’assistance les raisons qui l’avaient poussé à réaliser son ouvrage. D’abord, a-t-il dit, l’idée est partie d’un constat. Une quasi-absence de documents promotionnels sur la ville et ses environs. Les guides touristiques n’y consacrent que 4 ou 5 pages. Certes, certains services publics ont réalisé quelques intéressantes monographies. Quelques écrivains régionaux ont mis en lumière certains pans de la vie passée de Mazagan. Mais il n’existe pas de documents d’ensemble pouvant intéresser tous les publics, nationaux ou étrangers, résidents ou de passage, industriels ou investisseurs, étudiants ou enseignants, ruraux ou citadins.
C’est pourquoi, Michel Amengual avait conçu son ouvrage autour de trois axes majeurs : histoire, traditions et modernité. Ce n’est pas en historien, à proprement parler, que l’auteur a abordé les pages anciennes des principaux sites historiques de la région. Mais plutôt en écrivain humaniste, en tentant de restituer la vie aux époques décrites. Il avait voulu faire renaître la vie à l’intérieur des remparts de la Cité portugaise quand elle était occupée par la Couronne lusitanienne, avec les peurs et les espérances de ses habitants. Celle qui animait la Cité des Moudjahidines que l’on voit à l’entrée de l’autoroute d’El Jadida. Mais aussi la vie religieuse intense qui animait la région, avec les mausolées d’Azemmour, Moulay Bouchaïb Erreddad, Abraham Moul Ness, Lalla Aïcha El Bayrhia, présentés ici avec force détails,  comme celui de Moulay Abdellah Amghar. Les chapitres réservés aux traditions sont tout aussi passionnants. Des pages entières consacrées aux chevaux et à la culture équine dans les Doukkala, à l’artisanat avec la mise en exergue de la broderie d’Azemmour, du tissage de Sebt Saïss, dont la renommée dépasse nos frontières, de la fauconnerie, dont les diverses associations réparties sur l’ensemble de la province rappellent les liens qui avaient uni, de tout temps, les hommes de la tribu des Kouassem et les faucons. En outre, les Doukkala regorgent de potentiels économiques. C’est d’abord une terre agricole, où l’on parcourt, avec l’auteur, les champs de primeurs et d’agrumes, le long de l’Oulja. La mer a également une dimension importante dans la région. Notamment avec la pêche et les algues. Jorf Lasfar est présenté comme le plus grand port minéralier du continent africain. Mais la zone industrielle, actuellement, en implantation représentera l’un des poumons économiques essentiels du Royaume.

Un homme engagé

Installé à El Jadida depuis fin 2001, Michel Amengual a écrit de nombreux articles sur la défense du patrimoine marocain, des traditions et de l’environnement. Cet ouvrage est l’illustration de l’intérêt qu’il portait à la région qui l’avait accueilli et où il s’est bien inséré parmi la population et le tissu associatif. Michel Amengual a été pendant longtemps spécialiste de politique étrangère au sein de l’audiovisuel public français (radio et télévision), avant d’être directeur de l’Université radiophonique et télévisuelle internationale à Paris, puis directeur adjoint des relations internationales de France télévision. Il avait, notamment, initié, pour le compte de France télévision, le projet de création de la télévision palestinienne, à la demande de feu Yasser Arafat. Tout comme il avait porté son concours au développement des radios et télévisions d’Afrique francophone. À la chute du mur de Berlin, il avait organisé, sous l’égide de l’UNESCO, la première rencontre entre télévisions et radios de l’Est et de l’Ouest.
Il avait créé, également, sous l’égide du Prince Albert de Monaco, au sein du Festival de télévision de Monte-Carlo, le Grand Prix du documentaire de création destiné à récompenser la création artistique en matière de documentaire et le Prix Jeune Télévision.
Michel Amengual portait un amour inconditionnel à la ville. Il était resté très attaché à la préservation de ses monuments historiques ainsi qu’à ses traditions. Son magnifique ouvrage El Jadida, capitale des Doukkala (Maroc Premium, 2011) est une preuve de sa contribution à la promotion du patrimoine historique et culturel des Doukkala.
Repose en paix, l’ami.

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