La chasse aux électeurs est ouverte pour Macron et Le Pen

Présidentielle française

Le président sortant Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, qui s’affronteront le 24 avril au deuxième tour de la présidentielle française, entament lundi une campagne acharnée pour convaincre des électeurs peu emballés par ce duel, notamment au sein de la gauche radicale arrivée en troisième position dimanche.
« Rien n’est joué », « c’est une nouvelle campagne qui commence »… Les deux camps ont insisté sur l’importance des deux prochaines semaines avant le second tour, pour lequel les sondages prévoient une victoire d’Emmanuel Macron beaucoup plus étriquée qu’en 2017, quand il avait battu sèchement la dirigeante de l’extrême droite.

L’abstention a atteint 26,31% des inscrits, soit le plus haut niveau pour un premier tour d’une présidentielle après le 28,4% enregistré en 2002.
Arrivé en tête dimanche au premier tour de la présidentielle française avec 27,85% des exprimés, devant la candidate d’extrême droite Marine Le Pen (23,15%) qu’il retrouvera au second tour, et le candidat de gauche Jean-Luc Mélenchon, éliminé, (21,95%), selon les résultats définitifs du ministère de l’Intérieur, le président sortant recueillerait entre 54% et 51% des voix au second tour, contre 46-49% pour sa rivale, selon des sondages réalisés dimanche après le premier tour.

« Cette élection, il va falloir aller la chercher, parce que rien n’est joué », a reconnu lundi matin le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur la radio France Inter. M. Macron, entré très tardivement dans l’arène, a été critiqué pour n’avoir pas vraiment fait campagne au premier tour.
Sur la même radio, Jordan Bardella, président du Rassemblement national de Marine Le Pen, s’est dit convaincu que sa candidate bénéficierait d’un fort report des suffrages parmi « les 70% de Français qui ont voté contre » le président sortant, et a indiqué ne « pas croire » au « front républicain » contre son parti.
Trois candidats malheureux à gauche, l’écologiste Yannick Jadot (moins de 5% des voix), le communiste Fabien Roussel (2-3%), la socialiste Anne Hidalgo (moins de 2%), ont explicitement appelé leurs électeurs à voter Emmanuel Macron.
La candidate pour la droite traditionnelle Valérie Pécresse a annoncé pour sa part son intention de voter « en conscience » pour Emmanuel Macron.
Les deux finalistes vont devoir mobiliser les électeurs alors que le premier tour a été marqué par une forte abstention de 25,14% et une désagrégation spectaculaire des deux partis historiques de l’histoire politique française, qui ont réalisé le pire score de leur histoire: avec moins de 5% pour Mme Pécresse, et moins de 2% pour la socialiste Anne Hidalgo.

Illustration de cette débâcle, Valérie Pécresse a lancé un appel aux dons pour permettre à son parti de rembourser les frais de campagne et pour « la survie de la droite républicaine ». La loi française prévoit en effet un remboursement des frais de campagne très limité pour un parti obtenant moins de 5% des suffrages.
En principale ligne de mire des deux candidats, figurent les électeurs du candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième sur les talons de Mme Le Pen avec près de 22% des voix et qui apparaît désormais en position d’arbitre.
M. Mélenchon, leader de La France Insoumise (LFI) a répété dès dimanche soir que « pas une voix » ne devait aller à l’extrême droite, sans pour autant appeler à voter M. Macron.
Une position réitérée lundi matin par son numéro 2 Adrien Quatennens, ajoutant toutefois que « la responsabilité totale de ce qui va se passer au second tour incombe au principal protagoniste, Emmanuel Macron ».
L’ambition de LFI est désormais de se battre pour les élections législatives de juin et d' »imposer une cohabitation » politique à M. Macron, a-t-il précisé.
La chasse aux électeurs de gauche est lancée. Lundi matin, M. Attal a insisté sur le bilan social de M. Macron, qui a pourtant du mal à se débarrasser de l’étiquette de « président des riches ». « On a beaucoup fait pour réduire les fractures », a assuré M. Attal.

« Si Macron veut convaincre nos électeurs, qu’il travaille », avait lancé dès dimanche soir le directeur de campagne de La France insoumise, Manuel Bompard. Une consultation devrait être lancée au sein du mouvement pour décider entre consigne de vote blanc ou de vote Macron.
« Les candidats ne sont pas propriétaires de leurs électeurs et je pense que beaucoup de ceux qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon ne veulent pas de la retraite à 65 ans, ne veulent pas remettre la politique de la France entre les mains de cabinets privés et voteront pour Marine Le Pen au second tour », a estimé pour sa part le représentant du Rassemblement national, Jordan Bardella.
Sur le papier, Marine Le Pen a une réserve de voix nettement moins importante que M. Macron. Elle pourra compter sur le soutien de l’autre candidat de l’extrême droite Eric Zemmour, aux alentours de 7%.
Le candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, aux alentours de 2%, a lui aussi appelé à voter Marine Le Pen.
Un moment clé des deux semaines de la nouvelle campagne qui commence sera le 20 avril lors du traditionnel débat télévisé de l’entre-deux tours.
En 2017, il avait été désastreux pour Mme Le Pen, apparue fébrile et ne maîtrisant pas les dossiers, et avait contribué à sa défaite face à M. Macron.

Mais cette année, la fille du sulfureux tribun Jean-Marie Le Pen – le premier à conduire l’extrême droite au deuxième tour en 2002 – semble nettement mieux préparée.
Elle a conduit une campagne de terrain, axée sur le pouvoir d’achat, principale préoccupation des électeurs, tandis qu’Emmanuel Macron, accaparé par la guerre en Ukraine, s’est peu impliqué dans ce premier tour.
« C’est un match retour totalement différent », estime le politologue Brice Teinturier pour l’AFP. Le président sortant « n’est plus le candidat nouveau qui a incarné une forme de fraîcheur », et Mme Le Pen « n’est plus celle qui génère beaucoup de rejet, elle a travaillé son positionnement en terme d’image, elle apparaît comme beaucoup plus en relation avec les Français », juge-t-il.
Une victoire de Mme Le Pen pourrait avoir d’importantes conséquences internationales, étant donné ses positions hostiles à l’intégration européenne et sa volonté, par exemple, de sortir du commandement intégré de l’Otan.
L’élection de Mme Le Pen créerait une double première: première accession au pouvoir par les urnes de l’extrême droite et première femme présidente. 

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