Ce mardi est à marquer d’une pierre blanche dans la vie de l’ancien président de Côte d’Ivoire Laurent Gbabgo, 73 ans, car, par la voix de son juge-président Cuno Tarfusser, la Cour Pénale Internationale (CPI) s’est prononcée en faveur de son acquittement «de l’ensemble des charges» retenues contre lui et «a ordonné sa mise en liberté immédiate».
Ainsi, après avoir passé huit années en détention au centre pénitentiaire de Scheveningen relevant de ladite Cour suite à son refus de céder le pouvoir au vainqueur de l’élection présidentielle Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo qui avait été arrêté en Avril 2011 par les forces armées avec le soutien de la France et des Nations-Unies et remis à la Cour Pénale Internationale pour répondre de son implication présumée dans les violences qui s’en suivirent et qui firent près de 3.000 morts, va donc retrouver sa liberté.
Sous le coup de l’émotion, Maître Emmanuel Altit, son avocat principal dira : «C’est une victoire de la justice. C’est une victoire de la Cour Pénale Internationale et des juges qui ont fait preuve d’indépendance. C’est la victoire d’un homme, Laurent Gbagbo, injustement accusé et, enfin, c’est la victoire de son équipe de défense qui s’est battue depuis le début de cette affaire». Il ajoutera : «On s’y attendait et on s’y préparait en tous cas car c’est comme un jeu d’échecs, on n’y va pas pour perdre».
Mais, en Côte d’Ivoire, ce n’est pas partout le même son de cloche. Et si cette décision a été favorablement accueillie dans plusieurs villes du pays alors qu’elle intervient à moins de deux ans des prochaines élections présidentielles auxquelles ne participera pas son rival, l’actuel chef de l’Etat Alassane Ouattara, quelques 200 personnes sont, tout de même, descendues dans la rue à Abidjan pour manifester leur désapprobation et dénoncer le fait que «la CPI travaille comme si les victimes n’existaient pas». L’un d’eux, Karim Coulibaly, 43 ans, amputé d’une jambe après avoir été blessé par balle lors de la crise post-électorale 2010-2011 dira : «Si on libère Gbagbo, il n’y aura plus de justice à notre égard (…) J’étais chauffeur, je suis chômeur aujourd’hui. On n’est pas contre la réconciliation mais il faut d’abord satisfaire les victimes».
Or, si le désarroi de Karim Coulibaly est compréhensible, il serait peut-être plus judicieux de commencer par la réconciliation car c’est grâce à elle que les victimes pourront être indemnisées. La libération de l’ancien président Laurent Gbagbo pourrait donc servir de voie royale vers une réconciliation nationale si aucune des parties ne cherche à déterrer la hache de guerre mais attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi