Accélération de l’inflation importée
Par Fairouz El Mouden
C’est une nouvelle confirmation de la tendance haussière exagérée de la contribution des produits échangeables et non échangeables dans le processus inflationniste. L’année 22 a enregistrée la plus forte hausse de l’inflation à 6,6% dont +11% des prix des produits alimentaires et +42% des carburants. Le niveau actuel de l’inflation affiche la hausse la plus importante depuis plus de 30 ans après le taux de 8,1% en 1991.
Le HCP dans une nouvelle étude consacre une analyse de l’évolution du rythme inflationniste et la contribution des produits échangeables et non échangeables dans cette évolution. Il en ressort une hausse de 9,1 % sur les produits échangeables et seulement de 3,2 % sur les produits non échangeables. Ce qui montre une accélération de l’inflation importée au Maroc, indique l’étude. En effet, le début de l’année 2022 a été marqué par une montée des tensions inflationnistes d’origine externe.
En fait la notion des produits échangeables ou non dépend de leur nature, du degré d’ouverture et de protectionnisme par catégorie de produits et par pays.
« Les produits non échangeables sont ceux qui ne sont pas échangés au niveau international. Ils comprennent les biens et services pour lesquels le producteur et le consommateur doivent se trouver au même endroit et les produits à faible valeur de transaction par rapport à leur poids ou à leur volume. Certains produits sont non échangeables à cause des frais de transport qui empêchent les producteurs de les exporter de manière rentable. Théoriquement, un produit échangeable est un bien qui peut être vendu dans un autre pays ». Ainsi, les biens et services qui sont en concurrence avec les importations ou orientés vers les exportations ou les deux à la fois sont considérés comme échangeables.
Hausse historique de l’inflation de 6,6% en 2022
L’indice des prix à la consommation a augmenté de 6,6% en 2022, après avoir progressé de 1,4% en 2021 et de 0,7% en 2020. Cette augmentation représente la hausse la plus forte depuis 1991 (+ 8,1%), soit sur plus de 30 ans, conséquence de la hausse de l’indice des produits alimentaires de 11,0% et de celui des produits non alimentaires de 3,9 % annonce le HCP. La répartition de la variation des produits alimentaires s’explique essentiellement par la hausse des « huiles et graisses » avec 26,4 %, des « légumes » avec 15,7%, du « pain et céréales » avec 14,4%, des « viandes » avec 7,9%, du « lait, fromage et œufs » avec 6,9%, des « fruits » avec 5,6% et des « poissons et fruits de mer » avec 4,6%. Quant aux produits non alimentaires, la hausse résulte essentiellement de la forte hausse des prix des carburants de 42,3 %.
Les causes de l’inflation peut aider à mieux orienter la politique économique et monétaire du pays lit-on dans l’analyse.
Selon la théorie économique, l’inflation peut résulter de plusieurs causes, dont notamment :
– l’augmentation de la masse monétaire ;
– l’inflation importée ;
– l’augmentation des coûts de production ;
– l’effet de l’offre et de la demande des biens et des services disponibles sur le marché ;
– les causes structurelles et la concurrence imparfaite ;
– l’effet psychologique.
L’ampleur de l’inflation importée
Pour ce qui concerne l’inflation importée, l’analyse de l’IPC selon le critère d’échangeabilité permet de mesurer l’ampleur des produits échangeables sur les tensions inflationnistes au niveau national.
Avant l’année 2021, l’inflation était à son niveau le plus bas au Maroc. Elle a été maintenue à un niveau ne dépassant pas le seuil de 2,0%. Suite à la crise sanitaire et aux tensions géopolitiques dans la Mer noire, les prix ont augmenté d’une manière progressive pour atteindre des pics sans précédent.
« L’accélération qu’a subi l’indice des prix à la consommation depuis le début de l’année 2022 a atteint le niveau de 6,6% au cours de cette même année comparativement à l’année 2021. L’inflation constatée est gouvernée par la structure des coûts de production engendrée par la hausse successive des prix du pétrole et des produits importés. Ce phénomène s’est répercuté, par effet psychologique, sur la plupart des produits et services. L’inflation des produits échangeables a été de 0,6 % entre 2017 et 2021, contre 1,4 % pour les produits non échangeables, attestant du niveau modeste des tensions inflationnistes d’origine externe. »
L’analyse de l’inflation montre la forte contribution des produits échangeables de l’ordre de 79,9 % dans l’inflation constatée. « Ainsi, l’inflation en 2022 est causée par des facteurs d’origines externes suite aux déséquilibres des chaînes d’approvisionnement après la pandémie du Covid-19. Cette hausse a été accentuée par l’effet du conflit russo-ukrainien et l’augmentation de l’inflation chez nos principaux partenaires économiques. Le rythme de la croissance des prix des produits non échangeables est relativement moins marqué que celui des produits échangeables. »
La pondération des produits non échangeables est estimée à 40,8% du panier de l’indice des prix à la consommation, dont les plus importants sont les viandes fraîches avec 4,4%, le loyer effectif avec 4,4%, l’enseignement avec 3,9%, l’électricité avec 3,6%, les volailles avec 2,9%, l’alimentation en eau et l’assainissement avec 2,5%, les salons de coiffure et instituts de beauté avec 2,5%, le transport routier des passagers avec 2,5%, le pain frais avec 1,5% et les assurances avec 1,4%.
Méthode de calcul
La problématique de calcul de l’inflation des produits échangeables et non échangeables réside dans la difficulté de classer le panier de référence de l’indice des prix à la consommation en produits et services échangeables et non échangeables.
La méthode consiste à fixer un seuil d’échangeabilité, utiliser les tableaux entrées-sorties issus des comptes nationaux, utiliser ce seuil pour établir la classification du panier de l’IPC en produits échangeables et non échangeables et enfin agréger les indices moyennant le système de pondération de l’IPC.