Une asymétrie paradoxalement source de conflits et de ruptures

Qui pourrait contester le fait que le journalisme, en général, n’a jamais été aussi attaqué de toutes parts qu’il ne l’est depuis, au maximum vingt ans, et de manière quasi planétaire, au moins depuis une décennie? Qui pourrait contester, en même temps, comme 2ème face d’une même médaille, que jamais le journalisme n’a été aussi compromis dans les guerres, les conflits, les ruptures entre peuples, religions et cultures, dans les séismes et les profondes fractures politiques qui secouent nombre de sociétés et de chapelles partisanes aux quatre coins du monde?

Ces deux faces de la médaille constituant l’agora politico-médiatique, dans chaque pays comme à l’échelle du globe habité, sont rarement perçues comme un côté cour et un côté jardin d’une même scène théâtrale, pour appréhender, comprendre, nombre de mutations intervenues et/ou en cours, dans chacun des deux mondes : le monde politique et la médiasphrère. Or, si on tient compte de l’origine et de la mission originelle de chacun de ces deux antagonistes, cette situation paradoxale est parfois vécue par les peuples et les sociétés comme un phénomène paroxystique… Rien que les dernières élections présidentielles américaines et françaises ont illustré ce grand désarroi des citoyens, publics des médias, qui sont avant tout, des citoyens électeurs et qui n’arrivent plus à départager les périmètres et les missions, jadis, distincts, entre chacun des deux mondes. Ils n’y voient plus clair et la démocratie devenue médiatico-représentative en souffre, s’affaiblit, est dévoyée. Régis Debray parlait, il y a vingt ans déjà de «médiacratie» qui rime avec «médiocratie».

Qui dévoie qui en démocratie?

Qui induit en erreur l’autre dans l’analyse des affaires de la cité ? Qui exacerbe et souffle sur les braises latentes et dangereuses des colères sourdes de la contestation du statu-quo, des conflits, parfois oubliés, réputés réglés, voire enterrés, entre communautés, entre peuples, entre ethnies, entre nations, entre camps partisans, entre cultes… ? Dans les dictatures comme dans les démocraties, vieilles ou émergeantes.

Dans son essai, «Du journalisme en démocratie», Géraldine Muhlmann soumet pour la première fois le journalisme à un questionnement philosophique :

«A quoi sert-il en démocratie ? Quels idéaux est-il censé servir ? Quels chemins lui indiquer pour le sortir de sa crise présente ? Quel est le sens politique d’une telle activité ?»… Assignant au journalisme la double tâche, «faire vivre du conflit» et «tisser du commun au sein de la communauté politique», l’auteure pose au cœur du journalisme l’énigme de la démocratie : la coexistence de deux scènes, l’une des actions et celle des représentations, la seconde offrant une issue symbolique aux conflits qui agitent la première. Le journalisme, le journalisme concilié avec son idéal et son éthique, en démocratie, vit et se nourrit de ce paradoxe entre deux obligations : rendre compte du conflictuel et aider au «vivre ensemble», sans lequel lui-même périrait (dans la guerre ou la dictature) ! Son arme, dans les deux cas, qui peut parfois lui être fatale mais à laquelle il ne peut renoncer : la vérité pétrie d’exactitude, livrée avec distance et esprit critique, qui soit constructif et tolérant pour le «vivre ensemble».

Il y a longtemps, pas tellement longtemps, on pouvait gouverner en politique sans la vérité, dans les dictatures bien évidemment, mais pas seulement. Le politique pouvait donc décider de la raison d’être du journalisme. L’absence de vérité, la vérité franche et complète, les peuples s’en accommodaient, l’excusaient même, admettant depuis des millénaires, sans doute, que le secret, la non révélation de la vérité ou son détournement ou maquillage tiennent du cœur même du pouvoir, ce qui fait vivre celui-ci et garantit l’indispensable respect que le commun des mortels lui doit pour que la cohésion de la communauté soit sauve et perdure ! En conséquence, depuis toujours aussi, le détenteur du pouvoir, de son secret et donc de sa vérité, de la vérité tout court, n’imaginait pas que quelconque d’autre que ceux qui lui disputent ce pouvoir et veulent le lui prendre, les adversaires politiques, puisse avoir comme seule et raison d’exister : la recherche de la vérité et son dévoilement sur la place publique, si enfouie soit-elle et si emmurée soit-elle dans les méandres des cercles et couloirs du pouvoir. Or, le journaliste est cet insatiable curieux, ce dangereux pisteur, chasseur et surtout bateleur de la vérité, des vérités, les sensibles comme les moins sensibles.

Depuis qu’il est apparu (contrairement à son lointain ancêtre, le scripte, docile serviteur des couronnes d’antan), le journaliste personnifie le danger, parfois mortel, pour le politique jusque-là fort de ses secrets et vérités plus ou moins inavouables. Le dévoiement ou détournement de la vérité, voire sa mise au secret, sont devenus des pratiques planétaires, n’épargnant aucun secteur des activités humaines, ni quelconque dépositaire du moindre comme du plus grand pouvoir ou secret d’intérêt public…Depuis les guerres (activité, somme toute, historiquement hostile à la vérité, rappelons-nous les guerres sans images en Irak !), jusqu’aux élections prédites ou réputées les plus transparentes…Laissez revenir devant vos yeux, les incroyables visages de ceux des scrutateurs qui devaient recompter les marques illisibles  sur les bulletins de vote perforés en Floride, lors des élections disputées par Bush et Al Gore…Sans parler de nombre d’élections sur les continents africain et latino-américain, et sans omettre la grande et longue omerta dans le secteur des finances, et sa crise des super primes de 2008…Détournement de la vérité, absence de transparence, les exemples ne manquent pas et vont crescendo depuis au moins trente ans, le temps d’une ou deux générations d’électeurs, consommateurs (de médias, entre autre) et surtout citoyens.

Discrédit du politique et spoliation du journaliste

Il est d’ailleurs symptomatique, à cet égard, de relever que, durant cette période, la revendication d’une loi d’accès à l’information soit à l’ordre du jour dans de nombreux pays, depuis les grandes et historiques démocraties (Royaume Uni en tête) jusqu’aux pays émergeants en matière de transparence, de gouvernance, de liberté de la parole et de la presse, en Afrique, en Amérique Latine, dans le monde arabe, en Asie du Sud-est…La résultante de ce déni de la vérité quasi-planétaire est une dé- légitimation sans fin ni frontières des élites politiques, de l’acteur politique. La politique et sa communication – sa parole- sont inexorablement discréditées.

Suite à une recherche que j’ai menée, sous la direction de M. Francis Balle, à Paris 2, dans le cadre de mes études doctorales, j’avais relevé dans le cas des partis politiques au Maroc, une liaison presque de cause à effet, entre crédibilité de la presse et légitimité politique du parti commanditaire de ses organes.

De nos jours, ère de la webosphere et de la mise sous tutelle des médias et plateformes d’information sous le joug quasi-total, partout, du monde économique (industriels, publicitaires, annonceurs, banques etc.), via les partis politiques, les médias partisans ou tribunes porte-paroles de partis sont peu nombreux et pèsent peu dans les paysages communicationnels à travers tous les continents. Le «mariage coutumier» entre le politique et sa tribune médiatique fait partie du passé. Les idées et la vérité que les tribunes médiatiques partisanes sont censées révéler ou expliquer, via le journalisme, n’ont plus lieu d’être, n’attirent plus les publics lesquels sont assaillis, en fait, d’une foultitude de tribunes et médias, de plateformes et réseaux de masses qui élargissent à l’infini une véritable jungle d’informations inexactes comme des informations vraies, surtout des «fake news», des contenus présentés comme d’information mais qui sont en vérité conçus pour des objectifs de pur marketing, usant d’algorithmes qui ciblent et chassent les consommateurs de services et marchandises… Et dans cette jungle, presque sans clairières (transparence) qui s’étend sans fin, des herbes folles se mêlent à tout cela, faisant de l’ombre et étouffant même la flore environnante, plus ou moins tenant à la mission d’informer du journalisme : il s’agit des discours de haine, les appels au crime, à la guerre, au terrorisme, au génocide physique ou culturel… A cet environnement malsain pour une honnête et exacte information du citoyen, s’ajoutent toute l’alchimie déroutante et insaisissable des algorithmes des géants de la webosphere : les GAFAT (Google, Apple, Facebook, Amazon, Tweeter) et autres de leurs avatars naissants ou concurrents.

Le dictat du « Buzz » et l’art de l’opacité

Le journalisme, objet de vives critiques, est en fait comme une victime spoliée de son intégrité, de sa force de résister et de sa sérénité et qui, affaibli ainsi dans sa moralité professionnelle, éthique et déontologique, cède au dévoiement, aux sirènes des voix trompeuses environnantes et au puissant impact, dans une course effrénée et irréfléchie vers le «Buzz». Alors que le «Buzz» ne croît et n’éclate sur la Toile et sur toute l’étendue de la médiasphrère que s’il exploite le conflictuel, les conflits, la violence, le crime, l’affrontement (même verbal entre antagonistes politiques ou religieux), les frasques et dérives des vies privées susceptibles de provoquer/conforter le voyeurisme malsain des audiences, le scandaleux ou la désapprobation du commun des mortels, heurté à tort ou à raison, par référence à des croyances, des traditions, une « morale publique» plus ou moins limpide, des stéréotypes même!

Le dictat du «Buzz» viole ainsi aisément l’intégrité professionnelle et éthique du journaliste, sous la pression de la réduction des audiences des médias (crise de lectorat, des diffuseurs AV traditionnels versus la consommation à la demande), de la précarité des modèles économiques des médias et de la mortelle concurrence entre eux et entre professionnels de contenus plus exposés que jamais à la précarité de l’emploi, au chômage, à l’exploitation outrancière des groupes multimédia qui imposent au professionnel un seul salaire pour plusieurs postes de travail à assurer…Mais le paradoxe paroxysmique est que le politique lui aussi s’y met, cède au «Buzz», le recherche, l’offre et l’orchestre, lui le premier, pour le micro tendu, à l’interviewer, sur sa « face» paginée chez Facebook et en 180 mots tweetés… Dernier sport de communication qui nous vient d’Amérique : le «Trumpisme» qui rime si bien avec tropisme! Alors que, hélas, «tweetation» rime avec communication… ! Grand espoir que journalisme ne mue pas définitivement en un simple «tweetisme»!

La «communication politique» est désormais saucissonnée, en tweets et en répliques « facebookées », pas toujours prémunies contre des écarts blâmables ou dommageables qui, souvent, relèvent d’une hypertrophie d’égos surdimensionnés ou de prises de pas de l’intérêt de la personne communicante sur l’intérêt de la collectivité, l’intérêt public. De ce fait, on a l’impression que le politique n’a jamais communiqué autant, aussi vite, aussi librement, alors qu’en fait, il ne communique que pour anticiper sur le besoin de vérité qui brûle chez les citoyens qu’il gouverne et les torture parfois. Il anticipe, ou désactive ce besoin, par des détours faits de spectacularisation (de sa personne d’abord), d’investissement de la parole dans l’émotif, afin d’éviter de dire la vérité crue, sinon de la noyer dans des débits de propos de pseudo-informations et pseudo-aveux sur sa gouvernance. Ceci avec l’aide impressionnante de l’enveloppe : la « sophistication » moderne ou post-moderne des outils, canaux et supports technologiques. Il s’agit d’un véritable art auquel est parvenu le politique d’aujourd’hui. L’art de faire de l’opacité, d’en augmenter l’effet trompeur par une incessante et continue communication, sur tout et n’importe quoi. C’est ce qui semble être l’état actuel de la «communication politique» …Oubliée la leçon des anciens qui recommandaient : «Parler peu pour gouverner plus et mieux» ! Le conseil maintenant, notamment des «spin doctors», est : «parler beaucoup pour gouverner comme on l’entend et dans la durée» !

Autrement dit, le «no comment» d’hier n’est plus de mise, comme formule de «communication» légitimement acceptée par le public et par le journaliste qui admettaient que l’«intérêt supérieur» de l’État requiert, avec raison, une part d’ombre, une opacité même. Le politique de nos jours remplit les oreilles et les yeux des internautes, les tribunes de la presse écrite, de la presse électronique et audiovisuelle, de tweets, de commentaires face-bookés, de selfies, de likes et d’émoticônes… Cette technique ou recette de «beaucoup communiquer pour moins révéler» (la vérité s’entend), sert in fine deux objectifs pour un homme politique et communicateur avisé. D’une part, réduire la transparence du pouvoir, «spectaculariser» les faits et gestes de l’acteur politique plutôt que de dévoiler ses intentions et les conséquences réelles de ses actes. Et, d’autre part, provoquer, au besoin, du scandale, de l’inhabituel, de l’inattendu, pour gêner un adversaire politique, ou tenter, par un contre-feu, d’étouffer un scandale qui menacerait la carrière du dit acteur politique/communicateur tous azimuts

Des théories à revisiter, à recycler ?

C’est là, certes, une piste, peut-être hasardeuse, d’analyser effectivement ces nouvelles mutations de la communication du politique, de la communication politique en tant que discipline. Cependant, tout le monde sait de nos jours que la communication politique est devenue un domaine dont il est très difficile de faire le tour de périmètre ou d’en appréhender toutes les facettes, les traditionnelles comme les plus récentes. Force est de constater que de nos jours, elle utilise et exploite : les médias, les sondages, le marketing politique, le marketing de contenus médias, les relations publiques, les relations presse, le conseil en communication, le coaching, les réseaux sociaux, le selfie, le tweet, le Facebook, les réseaux limités de listes de secteurs comme LinkedIn, etc. Qui pourrait de nos jours recycler ou faire appel encore aux différentes théories d’antan de la communication politique pour tenter d’analyser ces nouvelles générations ou modes et techniques de la communication politique ?

En fait, on a besoin de revisiter par un large panorama la volumineuse littérature théorique à ce sujet depuis les grands classiques qui avaient fondé cette activité du politique à partir de paradigmes centrés sur le pouvoir, sur la guerre, sur la propagande, sur la manipulation des foules (Sun Tzu, Nicolas Machiavel, Carl Von Clausewitz,, Serge Tchakhotine, Jacques Ellul ). Un tel panorama devrait s’arrêter, sans doute davantage, sur les théoriciens qui sont soucieux d’identifier, d’analyser et de critiquer des systèmes (de médias, notamment), des stratégies, des modèles, des comportements, des pratiques, des techniques, en relation avec la société, la culture, le symbolique, l’individu, le citoyen dans la cité… Norbert Wiener,  Karl Ludwig von Bertalanffy, Paul Felix Lazarsfeld , Harold Dwight Lasswell, Bernard Reuben Berelson , Herbert Marcuse, Gregory Bateson, Herbert Marshall McLuhan, Karl Wolfgang Deutsch, Claude Elwood Shannon, Gabriel A. Almond, Elisabeth Noelle-Neumann , Elihu Katz , Jürgen Habermas , Jacques Gerstlé, Dominique Wolton, Francis Balle , Jean-Marie Cotteret, Hugues Cazenave, Todd Gitlin…

Quoiqu’il en soit comme résultante d’un travail de revisite syncrétique, articulée, des différentes théories, dans le but de décortiquer moult paradigmes d’entrée à la communication politique, il reste que, en notre monde actuel, avec la dualité de sa réalité (historique/physique et virtuelle vibrant dans la sphère des médias et sur la Toile), l’enjeu est inscrit sur un agenda universel à un seul objectif : la Paix. Un objectif unanimement voulu et proclamé par toute l’espèce humaine. Une paix planétaire garantie par une tolérance politique, religieuse, interculturelle et civilisationnelle, elle-même nourrie et maintenue par un dialogue multiculturel, politique, religieux et civilisationnel, dans la concordance pour un «vivre ensemble» et la survie de l’espèce et de l’environnement de sa vie et de sa survie. Quant au journalisme, sa noble âme survit encore grâce à certains de ses porte-étendards qui couvrent professionnellement et dignement conflits et guerres. Alors que du côté du politique, la communication politique semble irrémédiablement éclatée, désintégrée, mêlant le propos construit, responsable, honnête, et – davantage – le propos fait d’onomatopées (tweets), irresponsable, voire mensonger…Et surtout des propos et postures qui versent dans l’exacerbation des conflits et des ruptures ou qui surfent dessus…

Néanmoins, le journalisme de ce siècle n’est pas en reste dans ces écarts, de par ses pratiques, qui peuvent paraitre moins évidents dans l’exacerbation du conflictuel aux conséquences dangereuses, mais qui ne manquent pas d’en constituer un terreau favorable. Puisque la séduction est grande pour nos médias actuels d’inclure dans leurs contenus des «fake news», des « post-vérités », des stéréotypes, des raccourcis, des scènes ou images de violence, d’usurpations d’identités, d’abus graves de «caméras cachées»… (adieu les règles de vérification des sources, d’information balancée, de décliner sa réelle identité de journaliste, de retenue pour éviter de choquer, de violenter, de veiller à garder une distance avec les acteurs des faits et leurs versions des faits, de défendre son indépendance d’esprit…). La mode est à l’orchestration de duels entre personnes publiques, cherchant un spectacle de pugilat (un «boxing journalisme»), entre acteurs, entres pays, entre cultures, entre religions, entre visions ou projets politiques. La mode est aussi d’introduire dans ses contenus, même politiques (émissions TV par exemple) de la téléréalité ou son atmosphère, du Showbiz, des squeeze, des jeux…

On ne craint pas, hélas, la confusion dans le format comme dans le contenu. On fait confronter sur un plateau TV un responsable politique et un humoriste, sur fond de répliques rabaissant le fait politique, les causes et les destinées du pays et de la société, on fait réagir un amuseur public à la thèse d’un philosophe, on demande la réaction d’un sportif juste au pitch de l’ouvrage d’un essayiste politique sans l’avoir lu…Bref, on passe à la trappe l’explication requise pour un journaliste/médiateur de l’argumentaire qui fonde une position ou projet politique. On exige du politique interviewé de répondre juste par oui ou par non ! On exige de lui une réponse « en un mot » sur une actualité politique, si compliquée soit-elle ! La folie du «Buzz» fait poser au journaliste, face au politique, des questions du genre : «Votre adversaire vous accuse de …, êtes-vous coupable ou non coupable ?», «De quoi l’accusez-vous à votre tour ?»… Le métier se réduit donc à mettre en conflit les uns avec les autres, à se contenter du superficiel si propice aux malentendus, aux antagonismes, aux stéréotypes, aux fausses croyances, aux postures d’hostilité, au refus de l’autre et de son monde…Du conflit, rien que du conflit ! Journalistes et politiques se rejoignent donc dans cette véritable addiction pour le conflictuel. Leur collaboration dans ce sens est un paradoxe vraiment paroxysmique.

Jamal Eddine Naji

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