«L’Italie est déterminée à tout faire pour que Cesare Battisti purge sa peine dans notre pays, pour rendre en partie à notre communauté ce qui lui a été enlevé ainsi que ce qui a été infligé aux victimes du terrorisme»… C’est en ces termes que s’est exprimé ce jeudi 5 Octobre le ministre italien de la Justice après avoir appris que l’ancien militant du groupe d’Extrême gauche des Prolétaires Armés pour le Communisme, par abréviation PAC (Proletari Armati per il Comunismo), a été arrêté par la police brésilienne alors qu’il s’apprêtait à franchir la frontière avec la Bolivie et placé en détention préventive. Mais qui est Cesare Battisti et pour quelles raisons la justice italienne le poursuit-elle?
Cesare Battisti est un ancien militant du groupe italien d’extrême-gauche des Prolétaires Armés pour le Communisme, très actif à la fin des années Soixante Dix du siècle dernier mais qui bien qu’ayant été à l’origine de plusieurs attentats et assassinats est resté, cependant, moins connu que les célèbres Brigades Rouges.
Fondé en 1976 et dissous en 1979, le groupe PAC, beaucoup moins structuré que les Brigades Rouges, ne comprenait pas plus d’une soixantaine de personnes, pour la plupart de jeunes ouvriers, des enseignants et des chômeurs. Outre Cesare Battisti, ses principaux responsables étaient Arrigo Cavallina, l’idéologue, Pietro Mutti, le fondateur, Diego Giacomin, le chef de file de son aile vénitienne ainsi que Sebastiano Masala et Giusseppe Memeo.
Les principales actions du PAC furent essentiellement menées en appui aux revendications ouvrières… Il en fut ainsi de l’attaque où avait été blessé le médecin Diego Fava ou encore du sabotage de l’entreprise Alpha Romeo de Milan. Le PAC qui compte à son actif une soixantaine de braquages de banques et de supermarchés a revendiqué quatre meurtres perpétrés par « mesures de rétorsion » avait-il dit.
Incarcéré à la suite de ces opérations à la Prison de Frosinone, Césare Battisti s’en est évadé en 1981. Tombé alors dans la clandestinité, il a été condamné en 1993, par contumace, à perpétuité, par la Justice italienne, pour son implication avérée dans les quatre meurtres précités alors qu’il se trouvait en France depuis 1990. Il ne quittera ce pays qu’en 2004 quand la crainte d’une extradition vers l’Italie avait commencé à se faire sentir. Arrivé au Brésil dans des conditions très controversées, il y vivra dans la clandestinité jusqu’à son arrestation à Rio de Janeiro en 2007. Ses avocats ayant épuisé tous les recours visant à lui faire éviter un transfert en Italie, l’intéressé finira par bénéficier, à partir de 2010, du statut de réfugié en vertu d’un décret spécial signé par le Président Lula. Ce décret aurait pu le mettre définitivement à l’abri mais les autorités italiennes, qui ne l’entendaient pas de cette oreille, continuèrent obstinément à réclamer son extradition.
En outre, la chute du président Lula puis celle de sa protégée Dilma Roussef et la venue de Michel Temer à la tête de l’Etat brésilien – une cerise sur le gâteau pour les autorités italiennes – donnèrent l’occasion au Premier Ministre Matteo Renzi puis à son successeur Paolo Gentiloni de redoubler d’efforts en vue d’obtenir l’extradition de Cesare Battisti.
«Nous travaillons avec (notre) ambassadeur au Brésil pour ramener Battisti en Italie et le remettre à la justice » a déclaré ce jeudi le Ministre italien des Affaires étrangères, Angelino Alfano.
Ainsi, même si ce samedi Cesare Battisti a été libéré par les autorités brésiliennes et qu’il a regagné Sao Paulo, ses avocats seraient bien avisés de ne pas chanter trop tôt victoire car son affranchissement n’exclut pas de nouveaux rebondissements et que, si l’on en croit un responsable gouvernemental, le Brésil serait même en train d’étudier l’éventualité de son extradition.
En conséquence et au vu des derniers développements de la situation, il semble donc que le Décret en vertu duquel Lula avait conféré à l’ancien extrémiste italien le statut de «réfugié» ne lui soit plus d’une grande utilité sous le gouvernement de Michel Temer et que l’extradition de ce dernier vers l’Italie pour y purger sa peine ne soit, désormais, qu’une question de temps…
Disons pour terminer qu’après avoir été un extrémiste condamné par contumace par la Justice italienne, Battisti qui est devenu, par la suite, un «réfugié politique» sous la présidence de Lula semble être aujourd’hui sur le point d’endosser le costume de «dindon de la farce» sous la présidence d’un Michel Temer qui, en l’extradant vers son pays d’origine, va pouvoir faire d’une pierre deux coups; à savoir, d’un côté, un pied-de-nez à ses deux prédécesseurs et, de l’autre, les yeux doux au gouvernement de ce grand pays de l’Union Européenne en enfilant un costume de démocrate.
Nabil El Bousaadi