Présentation du recueil « Ainsi disait Nadir Yata »

Grandiose cérémonie d’hommage au siège du PPS à Rabat

M’Barek Tafsi

Jamais le siège national du Parti du Progrès et du Socialisme à Rabat n’a attiré autant d’élite et d’hommes avertis que cette grandiose cérémonie, organisée mardi soir à l’occasion de la présentation et du dédicace du recueil d’articles aux éditions « La Croisée des Chemins » « Ainsi disait Nadir Yata » qui paraphrase sa célèbre chronique au journal Al Bayane « Mais dit l’autre ».

Une assistance plurielle et avertie a en effet suivi cette cérémonie en hommage à un homme, dont l’arrivée un jour de l’an 1979, au journal Al Bayane avait illuminé l’imprimerie sise à Casablanca, propulsé le quotidien au-devant de la scène et réussi à faire entendre la voie du journalisme marocain à l’international.

Outre les camarades du défunt, de nombreuses personnalités nationales,  des intellectuels de divers horizons, des hommes politiques, d’art, de culture, d’économie et des journalistes ont tenu à faire le déplacement pour être présents à cette cérémonie. De nombreuses autres personnalités se sont excusées d’avoir été empêchées d’y assister.

La cérémonie a débuté par la projection de quelques déclarations choisies de feu Nadir Yata lors de sa fameuse prestation dans l’émission « L’homme en question » sur 2M, où il aborde des sujets précis, en tant que grand militant de son parti le PPS, le théoricien, l’humaniste, et le journaliste qui débordait de générosité, de patriotisme et de savoir.  

Ainsi disait-il à propos du PPS :

Selon lui, le PPS est un parti politique vivant, un parti qui répond à ses objectifs nationaux, un parti qui prend part pleinement à la vie politique nationale et internationale dans un certain nombre de domaines.

De la lutte des classes au Maroc : 

La lutte des classes passe par des phases d’accalmies, de pauses et d’accentuations. Tout dernièrement nous avons connu une accentuation au Maroc. La lutte des classes n’est pas une idée préconçue, mais simplement le constat d’une réalité sociale. Nous constatons qu’il y a des antagonismes sociaux dans la société marocaine comme dans un certain nombre de sociétés. Il y a des affrontements et des conflits d’intérêt entre certaines catégories sociales et des convergences. Je pense essentiellement à la cause nationale, à propos de laquelle on peut parler de convergences entre les intérêts de classe.

L’Etat socialiste au Maroc…

Le PPS ne parle pas de l’Etat socialiste pour le Maroc pour l’instant, car nous sommes à une étape qui est bien antérieure à l’Etat socialiste.

  Nous sommes à une étape où il s’agit de conforter l’Etat démocratique national marocain. Nous pensons que le Maroc est un pays qui est un Etat de Droit qu’il s’agit de consolider et de développer par la généralisation d’un certain nombre de pratiques démocratiques, par l’extension des libertés publiques. La question de l’Etat socialiste ne se pose pas pour le moment.

Le parti est pour une économie de marché. Il ne demande pas de renoncer à l’économie de marché pour le Maroc. Il s’agit pour le parti de développer l’économie du pays en ayant recours à l’économie de marché. On n’est pas contre l’économie du marché, laquelle économie peut être ultralibérale (Margaret Thatcher). Ou à la façon de François Mitterrand.  C’est une économie où le secteur public et le secteur privé coopèrent dans l’intérêt de l’économie nationale. Entre ces deux extrêmes, il y a des situations qui peuvent être aménagées. Je suis pour une coopération et une collaboration entre le secteur privé et le secteur public. Il y a de quoi faire et du travail à donner aux gens comme il y a des attentes sociales très puissantes et très profondes. Le PPS n’est pas contre l’économie de marché.

Les jeunes méritent que le pays leur assure une meilleure place

Les jeunes d’aujourd’hui, les qualités de la jeunesse, l’enthousiasme, l’engagement, le caractère entier, l’intolérance parfois. A la différence des générations anciennes, les jeunes d’aujourd’hui font des études sans savoir s’ils pourront trouver du travail ou grimper dans la hiérarchie sociale. Dans notre pays, l’école a été toujours un moyen de promotion sociale.

Les parents affirment que leurs enfants vont à l’école et vont avoir par conséquent une situation sociale et grimper dans la hiérarchie sociale.

Le Maroc a des possibilités et il faut qu’il les utilise et les emploie. Il faut qu’il fasse une place à la jeunesse. La jeunesse a besoin d’emploi, de la culture, de l’éducation et de la démocratie bien entendu.

 Benabdallah : Nadir s’est imposé par ses idées et donné un souffle nouveau au PPS

  Prenant la parole, le Secrétaire Général du PPS, Mohammed Nabil Benabdallah, a tenu à remercier toute l’assistance et tous ceux qui ont contribué à cet évènement, citant entre autres Mustpha Braimi pour avoir sélectionné les extraits projetés et deux autres dont en premier lieu sa fille Sawsane Yata et l’éditeur Si Abdelkader Retnani. Prenant à cœur le projet, Sawsane Yata a réussi à collecter plus de 3000 articles de feu Nadir Yata, le militant, le journaliste et l’homme politique.

Après une première sélection faite par la fille du défunt, d’autres dont le journaliste Mohamed Khalil l’ont rejoint pour accomplir ce travail.

Sawsane a fait son travail à la Bibliothèque Nationale de France où elle a trouvé tous les articles de Nadir Yata et tous les journaux où ils ont été publiés.

Une fois le travail de sélection achevé, elle a contacté Abdelkader Retnani, qui a accepté sans hésiter de publier un tel travail.

Benabdallah a rappelé à cette occasion que l’idée de publier les écrits de feu Nadir Yata n’est pas nouvelle. Déjà à l’occasion de la célébration du 40ème jour de sa disparition par la direction du parti, en présence de son père Ali Yata, un groupe de militants du parti dont je faisais partie, a-t-il dit, avait rassemblé les écrits de feu Nadir. Après une sélection des articles à publier, plus personne ne sait plus où sont-ils passés. Ils ont disparu de manière bizarre.

Benabdallah, très ému, a félicité encore une fois la fille du défunt pour avoir réussi le pari de compiler les articles dans ce recueil paru aux éditions « La Croisée des Chemins ».

Il a également rendu hommage à l’éditeur Abdelkader Retnani pour avoir accueilli favorablement la proposition de publier ce recueil d’articles et pour avoir pris en charge les frais de publication.

La bonté de Nadir et son altruisme faisaient de lui un homme aimé et respecté par tous. C’était un grand patriote qui aimait son pays, un progressiste, un socialiste aux positions fermes et un homme d’ouverture et de dialogue, a affirmé Benabdallah.

Selon lui, feu Nadir a contribué grandement, à côté d’autres militants, à donner un souffle nouveau au parti, pour que ce dernier puisse poursuivre sa mission jusqu’à présent. Feu Nadir ne craignait pas d’investir des domaines nouveaux pour son parti.

Ce faisant, il a influencé tout le parti et a gagné le respect de tous, non pas parce qu’il s’appelait Yata, mais Nadir. Il avait sa place au sein du parti et s’est imposé sur la scène médiatique.

Abdelkader Retnani : Nadir faisait la fierté du pays. C’est pourquoi j’ai dit OUI

Dans une brève allocution, l’éditeur de ce recueil aux éditions « La Croisée des Chemins », Abdelkader Retnani, a affirmé que quand Sawasane est venue le voir, il y a une dizaine de mois et lui a parlé de ce projet, il a tout de suite dit oui.

Et de rappeler que Nadir était le premier qui l’avait appelé au téléphone quand il était élu président d’un grand club du Maroc, le Raja de Casablanca. « Et il m’avait dit, mon cher Abdelkader , tu as du boulot à faire dans un club aussi rebelle que le Raja », a-t-il poursuivi. Cette simple remarque l’a marqué jusqu’à ce jour, a-t-il dit.

 Quand on a parlé de ce projet, je ne pouvais pas me dérober pour des raisons financières ou autres, parce Nadir est un des grands journalistes que le Maroc ait connus. Et il était de mon devoir de publier cet ouvrage et de le montrer à cette nouvelle génération qui ne connait pas ces hommes qui ont combattu et qui avaient des convictions, selon Retnani. C’étaient de vrais patriotes, malgré le fait qu’à l’époque, il n’était pas évident de montrer tout ce qu’on voulait, parce qu’il y avait les années de plomb. Malgré cela, il travaillait pour écrire des choses marquantes, a-t-il souligné.

« Parmi les choses qui m’ont toujours marqué c’est la fierté en 1987, quand il a été choisi par les Nations Unies qui lui ont décerné le titre de journaliste du monde arabe à Amman. Un autre grand moment de l’histoire, pendant la guerre du Golfe, il faisait partie des quatre journalistes arabes invités à la Maison Blanche pour interviewer le Président George Buch- père. Tous ces éléments plaident pour que ce livre de Nadir Yata, ses mémoires et ses écrits soient lus par les générations actuelles et futures, a-t-il rappelé.

Selon lui le message de Nadir est toujours d’actualité. On dirait que c’était hier ? Nous avons les mêmes problèmes que pendant les années 80 du siècle dernier et que nous n’avons pas résolus, a-t-il conclu.

Sawsane Yata :   la publication de ce recueil, une manière d’offrir à mon père une revanche sur sa disparition tragique    

Pour sa part, l’initiatrice de ce projet, Sawsane Yata, la fille de Nadir, a expliqué que la publication de ce recueil n’est pas fortuite, mais qu’il s’agit d’une idée mature et une manière de lui offrir une revanche sur sa disparition prématurée et tragique.

Elle a précisé qu’il aura fallu une très longue maturation pour que l’idée de ce recueil germe dans son esprit. « Celle-ci a été stimulée par l’existence de trois personnes, deux personnes vivantes et la troisième ma mère morte. Le déclic s’est fait à la mort de ma mère Dalila, mais que c’est pour mon fils que j’ai voulu publier et collecter le plus d’articles possibles dans un désir de transmission. Et c’est grâce à mon mari, qui n’a jamais cessé de me pousser vers la réalisation de cet écrit, qui parlerait de ma famille », a-t-elle affirmé.

Après avoir parlé autour de moi du projet et au fur et à mesure de lire ses articles, « je me suis rendue compte de l’importance de les publier dans un recueil pour permettre aux autres de les lire » et perpétuer les valeurs progressistes et humanistes du défunt, a-t-elle affirmé.

Ce recueil est donc l’histoire d’un héritage et d’une vision et l’histoire d’une vie où ne passe un jour sans rien écrire pour feu Nadir.

Ses écrits portaient sur tous les sujets. Il était courageux dans ses prises de position, ferme dans ses idées et tolérant face à ses adversaires. Le patriotisme chevillé au corps, il s’est battu pour un Maroc plus libre, plus juste. Il militait pour faire entendre la voix de ses parties de la population à la fois silencieuses et peu audibles et souvent dans l’incapacité de se gouverner ou de se défendre elles-mêmes. Il avait la volonté de faire avancer tout son pays tout entier. Ses articles étaient construits, constructifs. Le persiflage n’était jamais gratuit, car ses critiques ont été toujours accompagnées d’une furieuse envie d’un réel souci d’aider et d’améliorer les situations. Cette viscérale considération pour l’autre et une grande préoccupation pour l’avenir et le devenir de son pays étaient sa marque de fabrique.

A la lecture des articles de papa, a-t-elle poursuivi, il m’est apparu flagrant que l’on pouvait faire un parallèle entre ce qu’il écrivait il y a plus de 25 ans et aujourd’hui. Les articles n’ont pas seulement pris de rides, mais certains d’entre eux sont d’une prémonition troublante, On peut faire une analogie troublante entre les deux périodes. Toutes deux très riches en bouleversements conséquents, à l’époque de mon père : l’effondrement du bloc soviétique, la détente démocratique de notre pays, la germination de l’idée de referendum au Sahara.   

Ses articles sont aujourd’hui publiés pour que ceux qui les liront soient conscients des prodigieux atouts de notre pays. C’est un plaidoyer pour un futur plus construit et pour un pays en phase avec lui-même.

Le destin de Nadir Yata aurait été autre s’il n’avait pas pris fin aussi tragiquement. Ce recueil est une manière de lui offrir une revanche sur la mort. Heureusement que les écrits sont éternels, a martelé avec soulagement la grande Sawsane.      

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