Au-delà des engagements internationaux autour de la migration, comment passer réellement à l’action et à la concrétisation ? Telle est la question qui taraude les esprits de la société civile, du secteur privé, des institutionnels. Etant donné l’urgence de traduire en actions concrètes et réalisables, les différents objectifs déjà pris en matière migratoire et d’autres qui seront pris incessamment, avec l’adoption du Pacte mondial sur la migration, le forum mondial sur la migration et le développement s’est consacrée à «l’action». La 11e édition co-présidée par le Maroc et l’Allemagne a été placée sous le thème : «Honorer les engagements internationaux pour libérer le potentiel de tous les migrants pour le développement».
En se réunissant du 5 au 7 décembre à Marrakech, en prélude à l’adoption du Pacte les 10 et 11 décembre, les gouvernements, élus locaux, la société civile, le secteur privé… avaient pour mission de plancher sur un passage à l’action. Non seulement, pour anticiper les engagements que prendront prochainement les Etats qui s’aligneront en faveur du Pacte mondial sur la migration, mais aussi pour rappeler les précédentes promesses faites par plusieurs Etats et n’ont pas toujours été honorées, notamment les engagements liés à la migration inclus dans l’Agenda 2030 du développement. Sans oublier les objectifs liés à la mobilité humaine due aux changements climatiques de l’Accord de Paris. «Il est temps de passer à l’action. Tout le monde a pris des engagements. Maintenant il s’agit de les mettre en œuvre et de les concrétiser, chacun dans le périmètre de ses responsabilités, qu’ils soient un gouvernement, un secteur privé, une ONG», avait ainsi déclaré El Habib Nadir, co-président du forum.
Le secteur privé sort de l’armoire
A l’issue de deux jours de rencontres, la société civile réunie à Marrakech, ainsi que le secteur privé ont présenté lors de la cérémonie de clôture leurs recommandations et mécanismes, qui devront permettre de concrétiser les engagements internationaux afin de libérer le potentiel de tous les migrants pour le développement. Lynn Shotwell, vice-chef des «business mechanisms» du FMD 2018, porte-voix du secteur privé, a souligné la nécessité des partenariats public-privé et l’usage des technologies pour libérer le potentiel des migrants. «Nous, secteur privé, devons tous travailler ensemble pour veiller à ce que tout le monde reçoivent toute l’éducation, les compétences dont ils ont besoin, non pas seulement pour avoir un emploi aujourd’hui, mais aussi pour se préparer pour les métiers de demain», a-t-elle déclaré, ajoutant que la «migration doit être un choix économique et non une nécessité économique».
Selon Shotwell, «il est temps pour le secteur privé de sortir de l’armoire» et de jouer pleinement un rôle visible en matière de gestion migratoire. Dans ce cadre, la centaine d’entreprises représentées au Forum a adopté un plan d’action reposant sur trois piliers et qui sera déployé au cours des prochaines années. Il s’agit premièrement d’assurer un processus prévisible, transparent et efficace sur tout le spectre du marché du travail. Ensuite, utiliser les technologies pour maximiser les compétences et enfin, assurer un recrutement juste et responsable, permettant ainsi aux migrants d’accéder au marché du travail et contribuer au développement. Les acteurs du privé se sont également engagés à continuer à apporter leur soutien financier, dans le cadre de la régulation de la migration et favoriser l’accès à l’emploi.
Si ces quelques mesures s’inscrivent en droite ligne avec l’objectif 6 du Pacte mondial qui recommande de «faciliter un recrutement juste et éthique et garantir des conditions qui assurent un travail décent», elles restent tout de même générales dans leur application, puisque ce seront aux entreprises respectives de traduire elles-mêmes en acte ces mesures. Toutefois, Juan Gomez Camacho, ambassadeur représentant permanent du Mexique à l’ONU et co-facilitateur des négociations pour le Pacte mondial, a salué dans son allocution de clôture la présence du secteur privé et particulièrement de certains mastodontes de l’entreprise, tout en appelant également les grandes industries à s’engager dans ce processus.
La Société civile engagée à «faire du Pacte un essor vivide et tangible»
A L’issue des journées de la société civile qui se sont déroulées en parallèle au forum, le monde associatif représenté par la libanaise Roula Hamatic, actrice de la société civile, a fait part de ses 10 engagements en faveur de la défense et de la protection des migrants. Il s’agit entre autres pour les associations de continuer à assurer la défense des droits humains des migrants, de collecter les données pour changer les perceptions négatives sur la migration et mettre en évidence la contribution des migrants au développement du niveau local et international. Les associations se déterminent également à veiller à la mise en œuvre conjointe au niveau national et international des différents engagements par les Etat et de mettre en place un système de veille à cet effet.
«La voix de la société civile est aussi celle des migrants et au nom de ceux-là, nous vous demandons de ne pas oublier que vous devez œuvrer pour améliorer la situation des personnes en mouvement et rendre les migrations, sûres, ordonnées et régulières», a déclaré Roula Hamati. Appelant également les organisations de la société civile à s’engager à ne plus permettre aucune régression des standards mondiaux des droits humains des personnes en mouvement. «Nous vous demandons de rendre le Pacte mondial des migrations un engagement vivant qui mènera à un changement réel et à l’occasion du 70e anniversaire des droits de l’Homme, de rendre ce texte un essor vivide et tangible, vers un monde plus sûr et juste pour tout le monde», a-t-elle conclu.
Après le Maroc et l’Allemagne, ce sera l’Equateur qui présidera la 12e édition du Forum mondial de la migration et développement en 2019.
DNES à Marrakech Danielle Engolo