Analyse du nouveau scénario du marché du travail et l’abandon de la récession

Ce sont des données positives que le Parti populaire (PP, conservateur) peut utiliser dans la justification des mesures d’austérité budgétaire adoptées depuis son arrivée au pouvoir, fin de 2011, pour réduire le déficit public. En face, l’opposition et les centrales syndicales ont leur propre lecture de la nouvelle conjoncture. Selon eux, la fin de la récession ne signifie guère que l’Espagne ait vaincu la crise économique qui a provoqué la destruction de près de trois millions de postes d’emploi depuis 2007. La récupération économique serait effective à partir de 2017, soutiennent-ils.
L’EPA, une macro-enquête élaborée chaque trimestre sur la base d’un  échantillon de 65.000 ménages pour obtenir des données sur un total de 180.000 personnes par le biais d’entretiens personnels et téléphoniques, est une méthode d’analyse scientifique utilisée par l’Institut Espagnol de la Statistique (INE) pour établir une radioscopie de la population active. Elle est une source de grande utilité pour connaître les mouvements survenus au sein de cette population et l’impact de la crise sur les ménages. C’est pour cette raison l’EPA invite à une lecture plus approfondie des données apportées.
Bien que l’occupation ait augmenté de 39.500 personnes au troisième trimestre pour atteindre 16.823.200 (tous affiliés à la sécurité Sociale), les plus importants secteurs ont connu une réduction de leur personnel. Le taux de variation trimestrielle de l’emploi est de 0,24% et le taux annuel a diminué de 2,84%. L’occupation a ainsi augmenté de 52.000 personnes dans l’emploi privé mais a diminué de 12.600 autres dans le public.
Autre donnée de taille, celle apportée par le nombre de travailleurs autonomes qui s’est accru de 15.200 personnes et celui des salariés de 23.200. De même, le nombre des employeurs (entrepreneurs) a progressé de 20.300 durant le même trimestre. En détail, le total des salariés munis de contrat indéfini a baissé de 146.300 personnes et celui des salariés aux contrats saisonniers a augmenté de 169.500 personnes. Ces données corroborent la précarité du marché de l’emploi en Espagne qui est désormais à la merci de l’instabilité professionnelle et de l’absence de garanties de se maintenir au même poste d’emploi pour une durée plus longue. Le volume de travailleurs titulaires a ainsi diminué alors que celui des temporaires a nettement augmenté.
C’est ce qui explique l’occupation dans les secteurs des services (+123.900) et sa chute dans l’agriculture (-55.000), l’industrie (-19.700) et le bâtiment (-9.700), des secteurs qui emploient généralement une nombreuse main-d’œuvre pour des périodes plus longues. L’augmentation du personnel des services se justifie par l’augmentation du tourisme qui offre le plus d’opportunités d’emploi durant l’été. Les secteurs les plus productifs perdent, par contre, des postes d’emploi à cause précisément de la stagnation de l’activité économique et de la consommation des ménages.
Sur la base de ces données globales, le nombre de chômeurs diminue de 72.800 personnes pour atteindre 5.904.700, c’est-à-dire que le chômage s’est réduit de 0,28% pour atteindre 25,98% de la population active. Ce chiffre demeure excessivement élevé en comparaison avec les 11,11 % dans l’Union européenne (UE-27) au 1er janvier de 2013, selon l’Institut de l’économie mondiale. C’est la raison pour laquelle, les acteurs sociaux critiquent l’euphorie du gouvernement exprimée cette semaine suite à l’annonce de l’abandon de la récession technique. De ce fait, le taux d’activité se situe à 59,59%.
L’EPA rapporte d’autre part que le nombre de personnes occupées a augmenté de 39.500 personnes au 3e trimestre pour se situer à 16.823.200 qui cotisent à la sécurité sociale, soit une hausse de 0,24%. C’est la première fois qu’une telle progression de l’occupation a été enregistrée depuis le 3e trimestre de 2010. L’emploi augmente aussi bien chez les hommes (+24.700) que les femmes (+14.800). Toutefois, par nationalité, l’occupation progresse de 99.500 parmi les Espagnols mais descend de 60.000 postes d’emploi chez les étrangers. Encore une fois, les immigrés demeurent les grandes victimes de la crise. Plusieurs raisons sont à avancer pour expliquer cette situation dont le retour dans leurs pays d’origine, la diminution de leur nombre pour l’acquisition de la nationalité espagnole et pour le départ pour d’autres pays européens.
L’augmentation de l’emploi varie également selon les catégories sociales. L’occupation progresse parmi les personnes âgées de 55 ans (+25.600) mais diminue parmi les jeunes de 30 à 34 ans (-54.300). Globalement, l’emploi s’est réduit durant les 12 derniers mois de 497.100 personnes (299.300 hommes et 197.800 femmes) marquant un taux de variation annuelle de l’occupation de -2,87%.
Analysant les résultats de cette enquête trimestrielle, il ressort en définitive que le chômage affecte 36,82% de la population active étrangère contre 24,20% des nationaux. Autre aspect de la crise de l’emploi se situe au niveau des chômeurs de longue durée dont le nombre a augmenté de 322.800 pour ceux qui ont perdu leur emploi il y a un et de 43.500 pour ceux qui cherchent leur premier emploi. Le taux d’évolution du chômage a ainsi augmenté de 2,19% en l’espace d’un an.
En dépit de ces données, le taux d’activité des espagnols a progressé de 0,4% pour atteindre 57,75% de la population active alors que celui des étrangers s’est amélioré de 0,3% pour se situer à 73,98%. Ceci s’explique par le fait que les étrangers en âge adulte se consacrent généralement à la recherche d’emploi sacrifiant d’autres occupations, telles les études ou l’éducation des enfants.
Dans toute analyse objective, il est utile de prendre avec une énorme précaution les rapports de conjoncture sur l’amélioration de la situation économique en Espagne. L’EPA, qui se considère parmi les sources les plus citées par les experts, politiques et acteurs sociaux, rapporte que sur les 17.391.900 ménages que compte l’Espagne, 1.807.700 d’entre eux ont tous les membres actifs en chômage. Il y a  13.400 ménages en moins par rapport au 2e trimestre. Les ménages dont tous les membres actifs sont occupés a augmenté de 26.700 unités pour se situer à 8.293.100 unités. Dans une comparaison annuelle, les ménages dont tous les membres actifs en chômage se sont accrus de 69.800 unités alors que ceux qui ont tous leurs membres actifs occupés ont diminué de 228.500 unités. Cette donnée révèle les risques de marginalisation et d’appauvrissement d’une large couche sociale.
La résorption du chômage et le redressement du marché de l’emploi demeurent ainsi les principaux défis à relever par l’actuel gouvernement d’Espagne nonobstant les rapports de conjoncture établis par les institutions officielles ou experts universitaires.
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