L’initiative de l’opposition et … la manœuvre du gouvernement

Par Mohammed Nabil Benabdallah

Le gouvernement se trouve dans une véritable impasse politique, éthique et juridique face à l’opinion publique nationale, en raison de l’affaire des milliards de dirhams qu’il a gaspillés – et continue de gaspiller- provenant des fonds publics, sans aucun impact positif sur les citoyens. Cette affaire s’est faite à travers le soutien direct, les exonérations fiscales et douanières qu’il a accordés – et continue d’accorder- aux importateurs de bétail, sur un plateau d’argent.

Compte tenu de la gravité de l’affaire, des déclarations et des documents contradictoires de diverses parties gouvernementales à ce sujet, et afin de révéler tous ses détails aux Marocains, les composantes de l’opposition à la Chambre des Représentants ont pris l’initiative, comme on le sait, de former une commission d’enquête. L’espoir était que les composantes de la majorité gouvernementale traiteraient cette initiative avec un esprit positif et constructif, étant donné que l’objectif est d’atteindre la vérité et rien que la vérité, dans un cadre constitutionnel et institutionnel transparent et objectif.

Cependant, le gouvernement n’a trouvé d’autre issue face à cette situation déconcertante que de pousser sa majorité parlementaire à tenter de minimiser, voire de faire échouer et d’anéantir, l’initiative de l’opposition de former une commission d’enquête pourtant encadrée par la Constitution et une loi organique, en présentant une demande de mission exploratoire sur le même sujet.

Il est primordial de souligner, ici, les différences considérables entre les deux démarches, à tous les niveaux, y compris celui de l’impact juridique, entre une commission d’enquête dotée d’une forte légitimité constitutionnelle, devant laquelle toute personne est dans l’obligation de comparaître et où l’audition se fait sous serment, avec la possibilité de transmettre son rapport à la justice, d’une part, et une mission exploratoire dont le rôle ne dépasse pas le caractère informatif et l’émission de recommandations non contraignantes pour quiconque, d’autre part.

Par conséquent, ni l’opposition nationale, ni l’opinion publique nationale, ne peuvent être dupes de cette ruse flagrante et de cette mystification maline, à laquelle le gouvernement a eu recours pour contourner et se soustraire à l’obligation et à la demande de comparution de toute personne concernée devant une commission d’enquête. Car le but de la démarche parlementaire de l’opposition est d’éclairer l’opinion publique, de concrétiser le principe du lien entre la responsabilité et la reddition des comptes, de préserver les fonds publics et de renforcer la valeur du Parlement et de ses prérogatives.

En dialecte marocain, un dicton dit que : « Lli ma f kercho âajina ma ando âalach ikhaf » (Celui qui n’a pas de pâte dans le ventre – NDLR et donc rien à cacher- n’a pas de raison d’avoir peur). Autrement dit, si le gouvernement est réellement certain que son soutien aux importateurs de bétail n’est entaché d’aucune irrégularité, pourquoi se dérobe-t-il à la constitution d’une commission d’enquête ? Car la commission, comme son nom l’indique, ne vise que la recherche de la vérité. Dès lors, pourquoi le gouvernement craint-il la vérité ?

Effectivement, cette posture du gouvernement accroît le doute, la suspicion et les soupçons, dans cette affaire qui préoccupe l’opinion publique et dérange clairement le gouvernement, le plaçant face à une véritable épreuve et à une confrontation concrète, face à l’intelligence des Marocains et à leur aspiration à la transparence, à la justice et à la démocratie.

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