Mehdi Qotbi, président de la FNM
Propos recueillis par Saad Bouzrou – MAP
Le monde entier et la communauté muséale internationale célèbrent, mardi 18 mai, la journée internationale des musées sous le thème « L’avenir des musées : se rétablir et se réinventer ». Encore cette année, ce rendez-vous tant attendu par les muséophiles sera célébré dans un contexte marqué par la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 et aux restrictions tous azimuts qui en découlent.
Dans cet entretien de 3 questions à la MAP, Mehdi Qotbi, président de la Fondation Nationale des Musées (FNM), éclaire notre lanterne sur les nouveaux challenges des musées marocains, leur avenir ainsi que les nouvelles missions auxquelles ils devraient se préparer dans le Maroc post-pandémie.
Quels sont, selon vous, les nouveaux défis auxquels les musées marocains devraient faire face aujourd’hui ?
Tout d’abord, il est important de souligner que les musées marocains font partie des rares établissements culturels au monde à maintenir une activité depuis le début de cette pandémie. A la FNM, nous avons continué à organiser des expositions à travers tout le Maroc, de Tanger à Marrakech, ainsi que des événements culturels car il est essentiel pour nous de maintenir ce lien si fort avec notre public. Et cette initiative a été saluée par plusieurs institutions culturelles internationales. Néanmoins, il faut reconnaître que la fréquentation de nos musées a baissé, et ce malgré les mesures de prévention très strictes que nous respectons scrupuleusement. Cette baisse s’explique notamment par la fermeture des frontières, l’absence de touristes mais aussi les restrictions de déplacement au niveau national.
Les musées jouent un rôle important dans la vie sociale et économique d’un pays. Il faut que les Marocains reprennent le chemin des musées, qu’ils puissent s’approprier leur histoire et leur patrimoine car ces lieux leur appartiennent. Aujourd’hui, nous innovons continuellement pour attirer de nouveaux publics, inventer de nouvelles portes d’entrée à l’art et se préparer à affronter un monde de plus en plus digitalisé.
Contraints de se réinventer chaque année, les musées sont aujourd’hui en train d’opter pour (ou subir) la numérisation des collections et contenus pour un accès plus facile et généralisé mais au grand dam des visites physiques. S’agit-il d’une solution bienfaitrice pour l’avenir des musées ?
Le digital effraie au départ lorsque l’on n’est pas complètement initié mais il se révèle être un fabuleux outil pour amplifier la portée de l’art. Il ne remplacera jamais une visite physique au musée, c’est certain, mais c’est une expérience nouvelle qu’il faut découvrir. Nous avons la possibilité d’apporter l’art partout, de permettre aux gens de voir des visites virtuelles depuis chez eux, qu’ils soient au Maroc ou ailleurs, et de mettre en avant des objets numérisés de notre patrimoine. C’est une façon aussi de se rapprocher du public de façon plus poussée, en dehors des sentiers traditionnels, et de l’inciter aussi à venir découvrir sur place les richesses de nos collections et la diversité de nos expositions.
Le numérique est donc une solution et non une contrainte. Il permet d’ouvrir la voie à de nouvelles innovations.
Quelles seront les « missions fondamentales » des musées dans le Maroc post-pandémie ?
Cette pandémie a révélé l’importance de la culture dans notre quotidien. L’art, sous toutes ses formes, nous procure des émotions et un sentiment de bien-être. Il est à mon sens primordial que la culture soit davantage élevée parmi les priorités car les musées abritent non seulement des collections et des objets mais aussi tout un pan de notre histoire et de notre mémoire collective. C’est tous ensemble – politiques, artistes, acteurs du secteur culturel, citoyens – que nous devons œuvrer à maintenir nos musées vivants, en faire des lieux qui répondent aux normes internationales en matière de collections, de préservation des œuvres et de leur présentation scénographique.
Nous sommes heureux, le « label musée », conformément à la volonté de Sa Majesté le Roi Mohammed VI va permettre à la fois de réglementer le secteur muséal et permettre au Maroc de s’inscrire durablement sur la scène artistique méditerranéenne et européenne avec des musées qui répondent aux normes.
A la FNM, nous célébrons la journée internationale des musées par l’ouverture exceptionnelle de l’ensemble des musées que nous gérons gratuitement car le mardi est un jour de fermeture. Nous célébrons les musées et défendons le rôle de la culture et de l’art, sous le signe du partage et de l’ouverture.