Critiquée, la France défend la « discrétion » et la nature de son engagement

Aide militaire à l’Ukraine

Longtemps discrète sur son aide militaire à l’Ukraine et accusée par certains de ne pas faire assez, la France affiche plus ouvertement ses efforts pour aider Kiev à se défendre, mais sa marge de manoeuvre reste limitée.
« La République française donne et accompagne depuis le début l’Ukraine », a cru bon d’assurer le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, lundi soir à l’Assemblée nationale, en affirmant « coller à leurs demandes », mais dans une « relative discrétion », sur requête des Ukrainiens eux-mêmes.

« Ce que nous promettons, nous le donnons vraiment », a-t-il ajouté.
Une manière de répondre aux critiques récurrentes pointant la faiblesse du soutien militaire français à Kiev, émanant notamment des pays d’Europe de l’Est.
D’après le classement établi par le Kiel Institute for the World economy, la France est en 11e position pour le soutien militaire à l’Ukraine avec 233 millions d’euros d’aide depuis début 2022, contre 25 milliards pour les Etats-Unis, 4 milliards pour le Royaume-Uni, 1,8 milliard pour la Pologne et 1,13 milliard pour l’Allemagne.
« Les classements ne reflètent pas toute la réalité », rétorque le ministère des Armées, car ils « ne tiennent compte en général que de ce qui est promis et non effectivement livré » et « agrègent parfois des critères très différents d’un pays à un autre », certains Etats comptabilisant par exemple le coût de la formation ou de transport des munitions.

Depuis le début du conflit, la France a fourni des missiles antichar et anti-aérien, des véhicules de l’avant-blindé (VAB), du carburant, des équipements individuels, une quinzaine de canons tractés TRF1 de 155 mm et 18 canons Caesar de 155 mm d’une portée de 40 km, montés sur camion.
Et Paris envisage désormais de fournir à Kiev 6 à 12 canons Caesar supplémentaires, prélevés sur une commande destinée au Danemark, a confié à l’AFP une source proche du dossier, confirmant une information du quotidien Le Monde. La France étudie également la possibilité de livrer à Kiev 20 véhicules blindés Bastion.

Mais la marge de manoeuvre française est contrainte, font valoir plusieurs hauts gradés. Car si Paris a engagé depuis 2017 une remontée en puissance de son budget défense, qui atteindra 44 milliards d’euros en 2023, les armées françaises souffrent de capacités limitées, dont elles ont besoin pour se préparer à la menace d’un confit majeur – même si Paris estime que toute guerre l’impliquant se ferait au sein d’une coalition.
La livraison de 18 canons Caesar à Kiev a amputé de près d’un quart le parc de l’armée de Terre française, qui dispose par ailleurs de seulement 13 lance-roquettes unitaires (LRU), l’équivalent des systèmes HIMARS dont les Etats-Unis ont fourni 16 exemplaires à Kiev.

Quant au stock français de munitions, il est étique. Selon un rapport parlementaire publié en février, il faudrait investir 3 à 6 milliards d’euros pour le reconstituer.
Au-delà du coût, le problème est industriel: avec les délais d’approvisionnement pour certains composants et matières premières, il faut deux à trois ans pour fabriquer une munition dite « complexe », comme un missile.
Le conflit de haute intensité qui se joue en Ukraine a jeté une lumière crue sur ces carences, poussant le président Emmanuel Macron à exiger un sursaut de l’industrie de défense pour s’adapter à une « économie de guerre ».

« Nous n’avons pas de stocks sérieux. La question au coeur des discussions (avec le ministère des Armées) c’est comment redimensionner notre mode de fonctionnement pour pouvoir recompléter nos stocks à toute vitesse », commente un industriel français de défense.
Pour certains experts, la France pourrait malgré tout faire plus en fournissant à Kiev des équipements cruciaux dans l’affrontement contre les Russes, comme des blindés à roues AMX-10 ou encore des chars lourds Leclerc, dont l’armée de Terre possède 222 exemplaires.

« Le Leclerc est un bijou de technologie, un des seuls chars à pouvoir tirer en marche. Quand on fabrique une F1, ce n’est pas pour la laisser au garage. Cette guerre est la plus grave que l’Europe ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Si on s’en sert pas aujourd’hui, quand? », souligne Pierre Haroche, de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM).
« La France a la possibilité de renforcer très sensiblement sa crédibilité, son prestige et son leadership européen. Il faut y aller! », lance l’expert.

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