Feu Si Ali, l’acteur de la transition démocratique et l’homme du compromis historique

Feu Si Ali constituait à lui seul une école politique. Un modèle inédit de l’homme visionnaire, humaniste et militant jusqu’à la moelle, fortement acquis aux véritables causes de la nation et du peuple marocain. Par sa pensée politique, ses analyses éclairées, son parcours de militant patriote et professionnel, celui du journaliste averti, le regretté de la nation restera à jamais un référentiel incontournable non seulement pour les générations d’aujourd’hui mais également celles du futur. C’est ce qui a été souligné par les intervenants lors de la table-ronde organisée par la Fondation Ali Yata, vendredi 15 septembre, à Casablanca.

Placée sous le thème «La politique et la presse : l’expérience de Ali Yata», cette manifestation culturelle, organisée à l’occasion de la commémoration du 20e anniversaire de la disparition du leader historique de la gauche arabe, fut marquée par la participation de personnalités éminentes ayant côtoyé le défunt ou observé de près son parcours politique.  Chaque intervenant s’est livré, à travers son propre prisme, à une analyse approfondie de la trajectoire politique du défunt.

Mahtat Rakas, directeur de la publication des journaux «Bayane Al Yaoume» et «Al Bayane», qui a assuré la modération de cette rencontre, a tenu à préciser lors de son intervention, la finalité de l’organisation d’un tel événement.  «En plus de rendre hommage à la mémoire d’une figure emblématique nationale, cet événement fut un moment de se remémorer le passé, mais aussi pour débattre et échanger des idées en interagissant avec la réalité nationale», a-t-il précisé.

Appréhender  la réalité nationale

Prenant la parole, Ismaïl Alaoui, Président de la Fondation Ali Yata, a expliqué que le choix de la ville de Casablanca pour organiser une telle manifestation est plein de sens.

D’ailleurs, Casablanca était considérée par le défunt comme la capitale du prolétariat, le cœur de l’économie marocaine car faisant employer des dizaines de milliers de travailleurs.

L’objectif de cette rencontre consiste à continuer sur la même voie du défunt avec la finalité de mieux appréhender notre réalité nationale et contribuer au développement du pays aux niveaux politique, économique, social et culturel.

Abondant dans le même ordre d’idées, l’ancien SG du Parti du Progrès et du Socialisme s’est penché dans son intervention sur les mutations du paysage médiatique et l’émergence de la presse électronique, mettant l’accent sur la nécessité de la régulation de ce champ et l’immuniser contre les dérives afin de rehausser son contenu pour qu’il soit à la hauteur de la presse écrite comme c’était le cas par le passé ; une presse qui n’est pas fondée sur des balivernes, mais sur des analyses minutieuses et objectives de la réalité. «La presse et la politique sont deux domaines indissociables qu’ont ne peut dissocier», a-t-il indiqué en substance. «Ces deux champs entretiennent une relation interactive et l’expérience de Ali Yata pourrait servir de phare pour développer la profession du journalisme», a martelé le Président de la Fondation.

La presse, un outil de socialisation et de sensibilisation

De son côté, Ahmed Berrada, ancien PDG du Groupe Sapress, qui a côtoyé Feu  Ali Yata durant plusieurs années,  a déclaré que le défunt était «une personnalité dotée d’un savoir encyclopédique, dévoué au journalisme et aspirant  pour un lendemain meilleur».

«C’était une personnalité connue par son action militante et sa détermination, un patriote exemplaire et défenseur acharné des principes et intérêts suprêmes de la nation, des valeurs de la liberté et de la démocratie», a-t-il clarifié.

Pour Ahmed Berrada, Ali Yata n’a jamais considéré la presse comme un moyen lucratif, loin s’en faut ! La presse avait pour lui un rôle important à remplir dans la société. Sa mission consistait à inculquer les valeurs de l’engagement et propager la culture civique. C’est en fait un outil de socialisation par excellence ayant pour objectif la sensibilisation.

Selon Ahmed Berrada, la méthode de travail et le mode de gestion pratiqués par le défunt sont exceptionnels. «Il fut à la fois le directeur de publication, le commercial, le financier, le journaliste… Il constituait, à lui seul, un staff, et réussissait à éditer des journaux de qualité », a-t-il indiqué. Il faut dire que Si Ali ne s’intéressait guère à l’aspect esthétique du journal. Ce qui importait pour lui, c’est le contenu et non par la forme, car il considérait que le journalisme a pour mission le renforcement de la conscience politique, a-t-il conclu.

Fermeté sur ses valeurs et ouverture sur l’environnement

De son côté, Khalil Hachimi Idrissi, Journaliste-écrivain et directeur général de la MAP, s’est attelé au début de son intervention sur les contraintes structurelles qui entravaient l’action du leader emblématique de la gauche marocaine. D’ailleurs, explique-t-il, Ali Yata était un humaniste, un homme de progrès, incarnant les principes de la mouvance de la gauche, mais pas n’importe quelle gauche ! Il représentait un courant communiste dans un pays arabe et musulman doté d’une monarchie ; d’où la difficulté de faire émerger sa pensée politique, a-t-il laissé entendre.

Cependant, cela n’a rien entamé de sa détermination. Son habileté d’adaptation et son intelligence ont fait de lui une personnalité dont l’action politique est originale. « Il était à la fois ferme sur ses valeurs et ouvert sur son environnement, ce qui lui permettait d’aller de l’avant. Sans cette capacité d’adaptation et l’ouverture de son esprit, le mouvement politique qu’il incarnait n’allait pas durer trop longtemps », a souligné le conférencier.

En sus, Feu Si Ali a inscrit pleinement son action politique dans le cadre de la nation marocaine. Il avait la finesse de confronter ses valeurs à une réalité  complexe. Certainement, cette confrontation au réel exigeait parfois des révisions politiques. Pour le DG de la MAP, cela dénote de son intelligence et de sa clairvoyance qui lui ont permis d’ancrer sa formation politique dans la vie politique nationale. Autrement dit, si la politique est l’art du possible, Ali Yata assumait parfaitement ce choix et ce, en agissant avec les pouvoirs constitués.

Cela débouche sur l’idée du compromis historique dont le regretté était l’initiateur dans le monde arabe. Qui dit compromis, dit une posture, voire un acte intelligeant contenant un ensemble de décisions pour s’adapter à l’environnement et visant à débloquer la situation mais surtout, permettre à l’action politique de sortir du statu quo, a expliqué l’ancien fondateur et ancien directeur de la publication du quotidien «Aujourd’hui le Maroc».

Il est probable que l’expérience italienne ou celle du Chili y ont été pour quelque chose, mais le plus important, c’est que le leader historique du PPS a vu qu’il était possible, grâce à l’adoption du concept du compromis historique, de développer ses analyses politiques afin de conduire aux dépassements des contradictions. En fait, il a utilisé l’idée du compris pour créer un rapprochement entre les différents acteurs du champ national (Koutla) et l’Institution Monarchique.  Autrement dit, il inscrivait son action dans une logique visant à construire des ponts et établir un consensus entre les acteurs concernés, tout en ayant la volonté de développer une plateforme pour débloquer la situation politique.

Pour Khalil Hachimi Idrissi, cette idée du compromis a été, les variables qui ont conduit à un ensemble de réformes politiques. Cela étant, Feu Ali Yata était un acteur de la transition car il savait bien trouver ses partenaires, a-t-il ajouté.  L’intelligence politique d’Ali Yata s’expliquait également par sa capacité à impliquer parfaitement la presse dans ce débat.  Le journalisme était l’un des vecteurs qu’Ali Yata utilisait pour concrétiser son projet politique.

En termes plus clairs, les journaux du Parti sont devenus les vecteurs de son projet historique qui consistait à la fois de rassurer ses partenaires, mais aussi de mettre l’accent sur les exigences de la démocratie… Cela avait permis aux journaux du Parti de devenir un forum politique où les acteurs de la Cité sont impliqués.

D’une manière ou d’une autre, Il s’agissait d’un journalisme politique professionnel qui s’inscrivait aux antipodes de la diffamation, doté d’une vision du monde et d’une déontologie qui était respectueuse du métier de journaliste, a indiqué l’intervenant ; «Un journalisme bâti qui avait une ligne éditoriale audacieuse, construite sur des principes, des valeurs et une capacité à prendre acte du réel et le restituer», a souligné Khalil Hachimi Idrissi.

Related posts

Top