Khalid Naciri
Mohamed Khalil
Il faudra rappeler que feu Khalid Naciri, dont nous célébrons, aujourd’hui, le 40 ème jour de sa disparition, avait adhéré au Parti communiste marocain (PCM) en 1967, alors qu’il était étudiant et militant de l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM). Un contexte politique particulier marqué par une décennie trop tendue dans les rapports de l’opposition, jamais autant divisée depuis l’indépendance du pays en 1956, avec la monarchie. Le Parti communiste marocain, interdit depuis 1959 par le gouvernement Abdallah Ibrahim, menait une action semi-clandestine, ses journaux étant interdits, dans une conjoncture marquée par l’affrontement politique et l’instauration de l’Etat d’exception notamment après les événements du 23 mars 1965 et les soulèvements des élèves et des étudiants. C’est dans le feu de ces actualités brûlantes que feu Si Khalid fera son école buissonnière et ses premiers armes qu’il aiguisera à la fin des années soixante, au parti comme à l’UNEM après l’arrivée de la gauche radicale à la direction du syndicat estudiantin au XIIIème congrès en 1969.
Pour rappel, c’est la période où la présidence de l’UNEM était assurée par Hamid Berrada, puis, après son exil en 1963 en Algérie, par feu Mohamed Haloui (1964 et 1965), et où, trois années après, le PCM sera représenté au sein du Comité exécutif par Omar Fassi Fihri et, au niveau de la Commission administrative, par feu Thami Khyari et Hassan Benaddi.
A cette époque, la répression contre le mouvement progressiste battait son plein et les responsables de l’UNEM sont envoyés, manu militari, au service militaire…
Khalid Naciri avait donc milité au sein de l’UNEM, avant comme après la phase de radicalisation avec l’apparition des mouvements « marxistes léninistes » pour prétendre remplacer les Partis communistes et ouvriers. Le maoïsme, le trotskisme, voire … et les grands débats idéologiques. C’est dans ces batailles politiques et idéologiques que Khalid Naciri s’est formé et a forgé sa stature polyvalente, de juriste aguerri, de révolutionnaire convaincu et de sage intellectuel.
Il vivra les moments délicats et les grands débats du début des années 1970 – depuis le XIII è congrès jusqu’à l’interdiction du syndicat estudiantin, le 24 janvier 1973. Il vivra également les grands procès politiques qui ont marqué le Maroc de l’après indépendance.
A 24 ans, Khalid Naciri est, en 1970, avocat au barreau de Casablanca, d’abord au Cabinet Rutili et Sanhaji, qu’il quittera quelques années après pour se consacrer à son doctorat qu’il soutiendra brillamment, en 1984, tout en se consacrant à l’enseignement du droit et Science politique dans plusieurs universités.
Il intègrera, en 1986 le Cabinet d’avocats (Maîtres Benzakour et Lahbabi), où il côtoyera et vivra , jusqu’en 1996, les injustices dans une société qui cherche sa voie et où il défendra les valeurs du droit universelles.
Une présence politique distinguée
C’est au premier congrès du PPS, en 1975 et six mois après la légalisation du Parti du progrès et du socialisme que Khalid Naciri sera élu membre du comité central du parti, à un moment où l’accès à cette haute instance dirigeante était une véritable épreuve, réservé aux « meilleurs parmi les meilleurs ».
Déjà l’adhésion au parti obéissait à des critères et processus assez délicats, face aux craintes d’entrisme et d’infiltration policière.
Aussi, à la mi-décennie 1970, le parti venait de sortir de la clandestinité, sans aucune garantie de rester dans la légalité. La direction historique du PCM était très alerte et peu enthousiaste sur l’élargissement des structures dirigeantes et préconisait une élite qualitative très réduite.
A ce congrès, c’est principalement la direction issue du PLS qui sera reconduite au niveau du bureau politique (avec une seule nouvelle entrée en son sein : celle de Si Mohamed Moucharik, ancien dirigeant cheminot au sein de l’UMT, syndicaliste chevronné qui dirigeait la région de Rabat du parti. Elle sera constituée de 7 camarades : Ali Yata, Abdeslam Bourquia, Abdallah Layachi, Mohamed Chouaïb Riffi, Aziz Belal et Simon Lévy, en plus de Moucharik.
A une époque où l’on ne se bousculait pas au portillon, d’autres membres valeureux du Comité central du PLS et qui avaient fait leurs preuves dans les moments les plus difficiles de la lutte pour la démocratie et la liberté, seront élus « membres suppléants », une hiérarchie nouvelle qui rappelait l’ancien PCUS, le Parti Communiste de l’Union soviétique…
On retrouvera dans cette nouvelle structure dirigeante la génération militante de l’après indépendance du Maroc, à l’instar de Ismaïl Alaoui, Thami Khyari, Omar Fassi Fihri, Abdelmjid Douieb, Abdelouahed Souhail et Mohamed Benbella.
Khalid Naciri fera son entrée au Comité central (CC), en même temps que d’autres grands militants de son époque ! Citons-en quelques noms sur les 33 membres élus au CC : Mohamed Oubella Kouakji (le Fkih), Ahmed Salem Latafi, Saïd Ajroud, Mustapha Azzaoui, Omar Fassi, Ahmed Gharbaoui, Mohamed Anik, Maâti Yousfi, Malika Belghiti, et d’autres non moins méritants…
7 autres militants de premier rang faisaient leur entrée dans une autre nouvelle structure nouvellement créée, « les membres suppléants du Comité central » dont Amina Lemrini, Brahim Ouahmane, Abbas Dahir, Mohamed Badri, Taïeb Chkili…
C’est pour dire que n’est pas dirigeant du parti qui veut..!
C’est dire que la première jeunesse de Si Khalid n’était pas jonchée que de fleurs… C’est une triste histoire du Maroc qui fera date avec bien des atteintes aux libertés et droits des citoyens…
Il faudra souligner que si notre regretté défunt a accédé, 20 années plus tard au V ème Congrès national du PPS (juillet 1995), au bureau politique, une structure dirigeante réduite à une vingtaine de dirigeants, c’est surtout à cause de son engagement multiforme, principalement dans les questions des droits humains et de la liberté d’expression, à côté de ses implications dans l’écriture dans son domaine de grande expertise, en tant que constitutionnaliste.
il y fera son entrée en même temps que d’autres jeunes militants qui ont marqué l’histoire du PPS, à l’instar de Nadir Yata, Mohammed Nabil Benabdallah, Ahmed Zaki et quelques autres.
Depuis, il y a siégé jusqu’au dernier congrès du parti en 2022.
Le défunt laisse, surtout, le souvenir de l’homme à la conviction ferme que le chemin de la citoyenneté ne peut être atteint que par l’édification d’une démocratie saine, une démocratie tout court. D’où son combat inlassable pour le respect des droits humains, individuels et collectifs.
Demain : III- Un homme de loi et de droit…