Ethiopie: Un pays miné par une meurtrière crise inter-ethnique

Nabil El Bousaadi

Les conflits intercommunautaires auxquels est confrontée l’Ethiopie ont entraîné le déplacement de plus de trois millions de personnes. Les «Oromos», qui sont le groupe ethnique le plus important, constituent 34,5% de la population et sont au cœur de ces tensions. L’autre grande communauté est  celle des «Amharas» et, toutes deux, se livrent une bataille sans merci.

Un rapport d’Amnesty International faisant état d’une très inquiétante intensification des tensions inter-ethniques dans le pays a signalé que ce dimanche, dans la région d’Oromia, à l’ouest du pays, une soixantaine d’hommes armés relevant de l’«Armée de libération oromo (OLA) auraient tué une soixantaine de civils «amharas».

D’après la Commission Ethiopienne des Droits Humains (ECHR), c’est en profitant du retrait soudain et inexpliqué de soldats qui, d’ordinaire, surveillaient cette zone où règne un climat insurrectionnel et où les attaques sont fréquentes, que les assaillants ont rassemblé les habitants du village de Gawa Qanqa et de deux districts voisins dans la cour de l’école du village avant de les abattre.

« Après nous avoir rassemblés, ils ont ouvert le feu sur nous, avant de piller le bétail et de brûler nos maisons » dira à l’AFP un rescapé du massacre.

Pour rappel, l’assassinat le 29 Juin 2019, d’Hachalu Hundessa, une des voix «oromo» les plus écoutées qui évoquait, dans ses chansons, le sentiment de marginalisation économique et politique du peuple «oromo» avait mis le feu aux poudres et entrainé d’importantes manifestations tant dans la capitale, Addis-Abeba, que dans la région de l’Oromia. Les affrontements entre les deux communautés s’étaient soldés par la mort de plus de 200 personnes à Sashamene dans la région d’Oromia.

Issue d’une scission avec le Front de Libération Oromo (OLF) qui, en 2019, avait décidé de renoncer à la lutte armée, l’Armée de Libération Oromo est responsable d’une multitude d’assassinats, d’enlèvements et d’attaques à la bombe perpétrés dans les régions de l’ouest et du sud du pays.

Aussi, en déplorant cette inquiétante montée des violences intercommunautaires – principalement dans l’ouest de l’Ethiopie où depuis septembre plusieurs assauts meurtriers ont visé la communauté «amhara» –  Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’Union Africaine, a appelé «toutes les parties prenantes à éviter toute rhétorique incendiaire et à travailler à désamorcer les tensions dans le pays».   

Mais si, par ailleurs, depuis son arrivée au pouvoir, le Premier ministre Abiy Ahmed, lui-même «oromo», a beaucoup œuvré dans le sens de la démocratisation et de l’unification d’un pays dont l’organisation est ethno-fédérale puisqu’il comporte neuf régions délimitées selon les groupes ethniques dominants – ce qui lui avait valu le Prix Nobel de la Paix 2019 – et essayé «de rompre avec cette politique de nationalité en Ethiopie avec un parti pan-Ethiopien», il ne peut pas faire disparaître, d’un coup de gomme, vingt-cinq années d’une politique marquée par l’attribution de territoires à des groupes ethniques particuliers».

Aussi, ce dernier est-il, désormais, sérieusement mis en difficulté car, après avoir été «accusé de faiblesse voire même de complicité face aux revendications des mouvements oromo», il a fini par perdre l’appui de sa communauté et le «crédit politique» dont il bénéficiait quand il a voulu faire preuve de neutralité; ce qui, en compliquant sa marge de manœuvre, le met dans une situation particulièrement «inconfortable».

Le prix Nobel de la Paix 2019 parviendra-t-il à unifier et pacifier un pays profondément miné par les dissensions intercommunautaires?

Attendons, pour voir…

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