Burkina : le président Kaboré investi mardi à Ouagadougou

Ancien baron du régime de l’ex-président Blaise Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré va être investi mardi président de ce pays pauvre d’Afrique de l’ouest, mettant fin à une transition d’un an ayant suivi la chute de M. Compaoré.
Son élection, le 29 novembre au premier tour avec 53,46% des voix, a été saluée par la communauté internationale. Son principal rival, Zéphirin Diabré, arrivé deuxième avec 29,62% des suffrages, tout comme les autres perdants du scrutin s’étaient empressés de reconnaître sa victoire.
A 58 ans, M. Kaboré va prendre la tête de ce pays à l’histoire ponctuée de coups d’Etat pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois.
Sur les huit dirigeants que le pays a connu depuis son indépendance en 1960, seuls deux ont été des civils. Le premier président Maurice Yaméogo, un commis expéditionnaire de l’époque coloniale, a été balayé en 1966 par un soulèvement populaire qui a porté les militaires au pouvoir.
Le deuxième, le diplomate Michel Kafando, est parvenu à la tête de l’Etat grâce aux manifestations de rue qui ont chassé du pouvoir fin octobre Blaise Compaoré, un ancien capitaine qui dirigeait ce pays pauvre depuis 27 ans après un coup d’Etat perpétré en 1987.
Pour la première fois, un président civil remettra le drapeau du pays à un autre civil démocratiquement élu.
Les autorités de la transition ont tenu leurs engagements. Lundi, le gouvernement et le Conseil national de la transition (CNT) ont présenté leur démission, conformément au calendrier de la transition, laissant le champ libre à M. Kaboré.

Apparatchik du régime Compaoré

Les chefs d’Etat de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal, et le président Alpha Condé de Guinée -arrivé dimanche à Ouagadougou- assisteront à la cérémonie de prestation de serment et d’investiture prévue au Palais des Sports de Ouaga 2000.
Plus de cinq mille officiels et partisans du nouveau régime devraient également assister à cette cérémonie dont le moment-clé sera sans doute les +youyou+¨qui accompagneront la transmission de la charge du président Michel Kafando au nouvel élu.
Le nouveau président élu du Burkina a été un apparatchik du régime Compaoré qu’il a servi pendant 26 ans, occupant les plus hautes fonctions politico-administratives. Il a été ministre, conseiller du président, député, président du parti au pouvoir, président de l’Assemblée nationale, Premier ministre.
Tombé en disgrâce, il a créé avec d’autres apparatchiks le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), avec lequel il a remporté la présidentielle du 29 novembre.
A la tête de ce pays de 17,4 millions d’habitants enclavé au coeur du Sahel, M. Kaboré doit désormais relever de nombreux défis.
Selon de nombreux observateurs et analystes de la scène politique, le premier d’entre eux sera la lutte contre le chômage des jeunes. A la pointe de la lutte anti-Compaoré, la jeunesse burkinabè — les moins de 30 ans représentent jusqu’à 70% de la population — est frappée par un chômage massif endémique.

Rassurer «des milliers de jeunes»

Le président du Conseil national de la transition (CNT), Chériff Sy, a appelé lundi le nouveau pouvoir à résoudre «l’équation» de l’employabilité des jeunes lors de la cérémonie de clôture de la session parlementaire, marquant la fin du mandat du CNT.
L’ombre du président déchu, exilé en Côte d’Ivoire, planera certainement sur le mandat du nouveau président.
La justice militaire a lancé un mandat d’arrêt international contre Blaise Compaoré, pour son implication présumée dans la mort de l’ancien chef d’Etat Thomas Sankara, tué en 1987 lors du coup d’Etat qui porta au pouvoir M. Compaoré.
M. Kaboré devra également remettre sur pied un appareil judiciaire longtemps inféodé au régime Compaoré. Son action sur les dossiers sensibles, en attente de jugement, seront particulièrement scrutés.
Outre les dossiers sur Thomas Sankara et le journaliste Norbert Zongo – retrouvé assassiné en 1998 – qui ont connu un coup d’accélérateur judiciaire après la chute de Compaoré, M. Kaboré doit également veiller à ce que «vérité et justice» se fassent dans les assassinats liés à l’insurrection populaire anti-Compaoré des 30 et 31 octobre 2014 et sur le putsch manqué du 16 septembre.
La justice militaire est chargée de l’enquête sur le coup d’Etat manqué perpétré le 17 septembre par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne du président Compaoré.
Une vingtaine d’officiers, majoritairement du RSP, parmi lesquels le chef des putschistes, le général Diendéré, et l’ex-chef de la diplomatie de Compaoré le général de gendarmerie Djibrill Bassolé, ont été arrêtés. Le général Diendéré est poursuivi pour onze chefs d’inculpation dont celui de «crimes contre l’humanité».
D’ores et déjà, Roch Marc Christian Kaboréa a promis que «la justice suivra son cours jusqu’au bout».

Romaric Ollo HIEN (AFP)

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