Hommage à la tolérance, au patriotisme et à la pensée libre

Au-delà des témoignages et autres contributions présentés au cours d’une conférence organisée jeudi soir à Rabat sous l’intitulé «pour le plaisir de mémoire» en souvenir de Simon Lévy, décédé le 2 Décembre 2011, nombre de voix se sont élevées dans la salle pour souligner la nécessité pour l’ensemble de la communauté marocaine de s’approprier cet affluent hébraïque de la culture marocaine, menacée d’extinction par l’ignorance, la méconnaissance, la nonchalance, l’oubli, les vicissitudes du temps et le conflit interminable du Moyen Orient.

Les jeunes n’ont plus qu’une connaissance rudimentaire et déformée du judaïsme marocain. Les Mellahs sont en voie de disparition alors que presque tous les métiers d’artisanat exercés jadis par des Juifs n’existent plus.

Selon Simon Lévy lui-même, nombreux sont les jeunes Marocains, «pour lesquels les termes «juif» ou «israélite» n’évoquent qu’Israël, sionisme et conflit du Moyen Orient».

Récemment, un journaliste parlait même dans un quotidien arabophone marocain de la «communauté juive au Maroc», à l’instar de la communauté marocaine à l’étranger, d’après Jean Lévy, fils du défunt.

Le Maroc ne compte plus que 1800 à 2000 Juifs, qui représentaient avant leur émigration massive du pays quelque 4 pc de la population marocaine.

Comme lors des funérailles de Simon Lévy, la conférence de jeudi soir s’est transformée en un colloque national ayant réuni dans une salle archicomble une pléiade d’intellectuels, de défenseurs des droits humains, de chercheurs toutes tendances et langues confondues, arabistes, amazighistes ou francophones, venus non seulement de Rabat, mais également d’ailleurs voir de l’étranger pour s’exprimer d’une manière ou d’une autre sur l’importance pour le Maroc de continuer à défier les marchands du fanatisme religieux et les destructeurs des valeurs humaines universelles.

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Après les interventions initialement programmées et non programmées, lesquelles avaient été attentivement suivies par l’assistance qui ripostait par des applaudissements nourris aux déclarations consistantes, le modérateur de la soirée Mohamed Mezzine a eu toutes les difficultés du monde pour arrêter les réactions spontanées de l’assistance, selon lesquelles rien ne vaut pour le Maroc que de sauvegarder le patrimoine judéo-marocain matériel et immatériel au même titre que les autres affluents de la culture marocaine.

Emportée par la vivacité et l’actualité du débat et la charge d’émotion émise par des extraits de films documentaires de Izza Genini, productrice et réalisatrice, pionnière du documentaire marocain, et les interventions des uns et des autres, l’assistance a donné libre cours à ses commentaires pour présenter témoignage sur témoignage sur la valeur du défunt, avancer des propositions et appeler à la sauvegarde du patrimoine judéo-marocain.

Pour le ministre de la culture, Mohamed Amine Sbihi, présent dans la salle au coté notamment du secrétaire général du PPS, Mohamed Nabil Benabdellah, la Constitution de 2011 engage l’Etat à préserver tous les affluents du patrimoine culturel marocain immatériel et matériel dont la composante judéo-marocaine.

Rendant hommage à Simon Lévy, le nationaliste, le progressiste et le militant infatigable pour la démocratie et la justice, Sbihi a rappelé que le Maroc est attaché à la diversité et à la richesse de sa culture et de sa civilisation, qui perpétue toujours les valeurs inépuisables de la fraternité, de la tolérance et du vivre ensemble.

Abondant dans le même sens, Driss Khrouz, directeur de la bibliothèque nationale, a souligné la fierté de son établissement d’abriter cet événement national inédit, ajoutant que la bibliothèque nationale dispose d’un certain nombre d’enregistrements des conférences et rencontres de Simon Levy, documents que tous les chercheurs et acteurs intéressés sont en mesure de consulter.

Quant au fils du défunt, Jean Lévy, médecin de profession, il a fait une présentation succincte de l’Association des Amis du Musée du Judaïsme marocain, créée en 2013 pour continuer l’œuvre de la Fondation du patrimoine culturel judéo-marocain et de son musée à Casablanca, fondés par son père.

Selon Jean Lévy, il est vrai que l’association s’est fixée pour ce faire des objectifs, mais il est vrai aussi que les fonds nécessaires lui font malheureusement défaut.

C’est le cas par exemple de la synagogue de Slat El fassiyine de Fès restaurée en 2013, mais qui est toujours fermée faute de moyens humains et financiers au même titre que d’autres synagogues réhabilitées par la fondation du patrimoine culturel judéo-marocain comme celles de Ben Walid de Tétouan, de Ben Danan ainsi des synagogues rurales (Oufrane de l’Anti-Atlas et Ighil N-Ogho).

Quant au président de l’Association des Amis du Musée du Judaïsme marocain, Mohamed Elmedlaoui, linguiste berbérisant, arabisant et hébraïsant et auteur de plusieurs livres et articles, il a rendu un vibrant hommage au défunt pour sa contribution décisive à une œuvre ayant permis la relance du débat académique sur la situation du judaïsme marocain, bien avant la constitution de 2011.

Il a également mis en exergue la valeur académique et scientifique des travaux de Simon Lévy dont la rigueur, le perfectionnisme et la recherche de l’exactitude et du parfait ne l’ont jamais fatigué.

Nationaliste et homme politique ayant toujours défendu avec acharnement et rigueur ses positions progressistes, Simon Lévy est resté attaché à sa marocanité jusqu’à sa mort.

Né à Fès en 1934, Simon Levy a débuté sa carrière politique en 1953. Il a à son actif plusieurs années de militantisme au sein de l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) dont il est cofondateur, de l’Union marocaine du travail (UMT) et du Parti communiste marocain (PCM), ancêtre du Parti du progrès et du socialisme (PPS).

M’Barek Tafsi

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