Entretien avec Mohammed Mansouri, président de l’Association

«Pensée Plastique»

Dans le cadre de ses activités artistiques, l’Association «La Pensée Plastique» organise avec le soutien du ministère de la Culture l’exposition collective «Tassadyate : couleurs et mots» et ce, jusqu’au 15 janvier 2016 à la Galerie Nationale Bab El Kébir de Rabat. Cette exposition inédite dans le monde arabe regroupe 13 peintres dont le parcours créatif vacille entre l’acte de peindre et l’acte d’écrire. Un livre consistant a été publié à cette occasion illustrant le parcours double de chaque plasticien-écrivain, avec un répertoire livresque raisonné. Entretien avec Mohammed Mansouri, président de l’association organisatrice de l’évènement, auteur de 15 livres d’art. Les propos.

Quelle est la plate forme de cette exposition singulière ?

Cette expérience pilote au Maroc est une initiative révélatrice à plusieurs titres. Elle répond à l’attente des acteurs artistiques dont le potentiel créatif incarne à la fois l’acte d’écrire et l’acte de peindre. Le souci majeur est de « tisser un fil d’or reliant les rapports interactifs entre les deux registres d’expression ». Les acteurs majeurs de cette première édition au Maroc projettent d’initier d’autres éditions à l’échelle arabe et occidentale. A la lumière de leurs démarches stylistiques et conceptuelles, l’écriture et la peinture se veulent des lieux de passages ou d’escales. Écrivains et peintres sont voués à la communication transversale dans l’esprit d’un véritable dialogue de création et de partage.

Quelle est la problématique de ce projet à la fois créatif et interactif ?

Selon l’artiste et professeur chercheur A-Hachimi Idrissi, les 13 «peintres/écrivains » qui participent à cette exposition, cherchent à interroger le fonctionnement de la créativité à travers ces deux modes distincts. L’imaginaire de l’«individu peignant» fonctionne-t-il de la même manière que l’imaginaire de l’«individu écrivant» ? Comment les deux démarches mentales peuvent elle se nourrir l’une de l’autre? Quelle est la part du partage et du dialogue ? Qui stimule ou inquiète le plus le créateur : la «toile vide» ou la «page blanche» ? L’acte de peindre permet-il de faire sortir ou de faire communiquer plus d’émotions que l’acte d’écrire ? Ou le contraire ? Quels sont donc les «types d’échos» et les « types de résonances » les «tassadyates» qui peuvent se manifester en de multiples «aller/retour» entre ces deux modes chez le même créateur ? Qui donne le plus de bonheur ou provoque le plus de souffrances : l’acte de peindre ou l’acte d’écrire ? «Donner à lire» ou «donner à voir» ? Quelle est l’offre la plus séduisante, la plus attractive ? Peut-on réussir dans les deux modes? Ou bien réussir dans l’un c’est forcément échouer dans l’autre ? Cette exposition souhaite saisir ces moments de Tassadyate chez ces 13 créateurs quand le «peintre/ écrivain poète» se sent tout simplement  artiste».

L’acte de peindre selon votre expérience personnelle?

J’aimerais bien rappeler la citation éclairée d’un grand critique d’art qui a écrit sur mon acte pictural un article consistant dont voici un extrait :   «  Mansouri, partant du colorant de la nature,  abandonne sa palette aux caprices de la lumière qui lui fait subir ses métamorphoses chromatiques et discursives. Le rendu en est des claires-obscures, images et musique, formes et silhouettes, apparents et caché, aplats et fondus dans un tourbillon vertigineux et une transcendance excelsiore allant au-delà des limites de la toile. Mansouri met sa palette dans tous ces états et prend un malin plaisir à provoquer l’étonnement du spectateur, appelé à marquer un temps d’arrêt pour méditer un tant soit peu ce monde d’abondance, aux contours fantomatiques obtenus par sa seule palette source (le colorant de la nature). Une peinture qui génère ses nombreuses couleurs à l’infini, travaillées par l’usage de diverses empreintes en tant que toile de fond et à même d’occasionner tantôt l’émerveillement, tantôt la perplexité du spectateur».

Comment appréciez- vous la politique culturelle menée par le ministère concerné?

Tout d’abord, je tiens à saluer vivement l’initiative de soutien aux projets artistiques qui traduit  la volonté de notre Roi de poser  les jalons d’une gestion culturelle participative et intégrée dont l’enjeu majeur est de  contribuer davantage à la promotion et au développement culturel durable dans sa diversité et sa pluralité sans discrimination et parti pris.

Il faut capitaliser sur ses acquis et mener à bien des projets artistiques de proximité ( la culture intelligente à l’instar de l’architecture intelligente) pour sensibiliser toutes les franges de la société marocaine à la création artistique et  participer ainsi à la vie culturelle du pays en favorisant les échanges entre le public et les artistes, toutes tendances et générations confondues.
 Comme le souligne la Constitution du Royaume, le patrimoine culturel marocain est riche de sa diversité, de ses «composantes arabo islamique, amazighe et saharo-hassanie» et de ses «affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen». Dans le Discours Royal à Laâyoune, les annonces de construction de théâtres, musées, maisons de cultures dans les régions du Sud soulignent cette volonté de l’Etat de valoriser et renforcer davantage la préservation du patrimoine collectif.

 Je suis convaincu que  le réseau culturel  interrégional est incontournable pour faire de l’art un véritable vecteur de développement, et ce dans le but de concrétiser la Haute Volonté Royale de doter le Maroc d’une régionalisation avancée, d’essence démocratique et vouée au développement intégré et durable sur les plans économique, social, culturel et environnemental. Ce réseau interrégional constitue le prélude à un profond renforcement des structures de l’Etat, à travers la conduite résolue et graduelle des processus de décentralisation et de déconcentration conséquentes et effectives, de démocratisation culturelle poussée et d’accélération de modernisation administrative et culturelle du pays et de bonne gouvernance.

Abdellah Cheikh

Bio express

Né à Rabat en 1962, Mansouri est Chevalier Académicien à la Mondial Art académie avec le numéro 190 du siège qui lui est attribué et ce, en reconnaissance de la qualité de son travail et de son parcours artistique. Il est également ambassadeur accrédité au Maroc du dit organisme. Il est ainsi le premier artiste du monde arabe et africain à siéger dans cette honorable Académie. Mansouri est diplômé de l’Académie Européenne des Arts de Bruxelles (Belgique). Il est très actif dans le domaine associatif : président de l’Association «La Pensée Plastique» (Rabat), Vice Président du Syndicat Marocain des Artistes Plasticiens Professionnels.