Philippe Van Gils, Directeur d’ Illicit Trade Prevention Africa et PMI Duty Free
Al Bayane : Le Maroc abrite pour la 4e fois l’Africa Security Forum 2019. Qu’est-ce qui justifie votre engouement d’y participer?
Philippe Van Gils : Nous avons des partenaires et nous travaillons avec eux depuis plusieurs années. Dans ce cadre, nous avons été invités aux Forums précédents sur la sécurité. Et vu l’impact de ces derniers sur l’ensemble de l’Afrique, nous avons trouvé que c’est une opportunité extraordinaire d’y prendre part et de soutenir l’évènement. C’est vraiment une rencontre de qualité dans la mesure où elle regroupe plusieurs acteurs importants sur différentes problématiques de sécurité.
Votre avis sur ce forum?
Pour nous, ce qui est intéressant, c’est que cette édition présente un angle assez innovateur. Puisqu’elle associe le changement climatique au problème de sécurité. C’est vrai que si nous regardons de notre point de vue, nous voyons une corrélation très forte entre les zones qui souffrent particulièrement des effets climatiques: le Sahel pour ne prendre que cet exemple, avec les problèmes de sécurité liés à la migration, mais aussi aux activités criminelles.
Le commerce illicite du tabac est utilisé pour financer toutes sortes d’activités criminelles, dont justement les flux migratoires et le phénomène du terrorisme. Récemment, nous avons enregistré des éléments en ce sens, avec les activités de l’Etat Islamique dans différentes régions. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons encore vu les mêmes faits au Mali et au Burkina Faso. Nous voyons bien que ces organisations criminelles très actives posent beaucoup d’activités dommageables et sont également impliquées dans le commerce illicite.
Nous pensons que c’est un véritable problème, et qu’il est important de poser des actions fortes en vue d’y remédier. Certes ces multiples activités touchent l’aspect commercial, mais au-delà de ce constat dévalorisant, nous pensons quand même que ces organisations ont un impact très dommageable pour le développement du continent africain. Souvent, elles utilisent des poches du continent où justement, l’impact climatique a été tel qu’il y a une désorganisation, un appauvrissement des populations, un manque d’eau. Elles ont de fait une opportunité de s’établir pour mener des activités criminelles. Elles utilisent l’appauvrissement de la population pour les embarquer dans des activités qui sont illicites.
Quid de ces puissances internationales qui profitent de ces failles climatiques?
Particulièrement, dans ce domaine, nous savons qu’une grande partie du tabac est produite en Afrique : le Mozambique, Zimbabwe et le Malawi sont les gros producteurs. De ce fait, on a un rôle direct dans la chaine de valeur de notre produit. Nous devons essayer d’offrir à nos consommateurs des alternatives qui peuvent réduire les risques liés à la santé. Pour la plupart des fumeurs qui ont fait le choix de continuer à fumer malgré les avertissements, nous disons qu’il est mieux c’est d’arrêter. Mais pour ceux qui continuent, nous leur recommandons au moins de changer les produits en vue de réduire considérablement les risques…
Par rapport aux problèmes liés au climat, il s’agit de mieux gérer l’eau, mais surtout d’éviter que les enfants puissent travailler dans des champs. Donc, leur offrir un support au niveau de l’éducation scolaire. Ces éléments sont autant d’initiatives concrètes que l’on peut entreprendre en Afrique pour favoriser son développement durable.
Je crois qu’à ce niveau, nous sommes l’un des acteurs. Mais bien évidemment, on ne peut rien résoudre tout seul. Ce qui est important, et le message qu’on veut essayer de faire passer est le suivant : pour arriver à des changements fondamentaux, il est important qu’il y ait un partenariat public-privé décomplexé. Il est nécessaire que toutes les parties puissent réunir leurs efforts par rapport au développement durable qui est primordial.
Romuald Djabioh